Koctel du Dain : une aventure dont le trot a le secret
Koctel du Dain 1’12’’ (Boccador de Simm) est l’œuvre d’un petit éleveur, basé en Vendée, n’ayant qu’une seule poulinière. Il décline, cependant, dans son pedigree, les fondamentaux du trot, puisant sa réussite à la source de grandes lignées, exemplaire et solidaire d’un ensemble où, à la fois, rien n’est tout à fait pareil, ni tout à fait différent.
Le quatuor de Boccador de Simm
Boccador de Simm 1’12’’ (Rieussec) procure, en Koctel du Dain, son quatrième vainqueur classique, après Just A Gigolo 1’11’’ (Critérium des Jeunes-Prix Comte Pierre de Montesson, Prix Albert Viel, Critérium des 3 Ans, Prix Ready Cash), J’Aime Le Foot 1’12’’ m. (Saint-Léger des Trotteurs) et Jessy de Banville 1’13’’ m. (Prix de Vincennes). Tous ces succès de Groupe 1 ont été enregistrés à 3 ans, preuve d’une manifeste précocité, que Boccador de Simm lui-même, en son temps, afficha, gagnant six de ses sept premières courses, à 2 et 3 ans, dont le classique Prix Albert Viel (Groupe 1). Après quoi, des ennuis de santé perturbèrent, puis interrompirent sa carrière de compétiteur. La lignée mâle est celle, toujours en vue, de Goetmals Wood 1’11’’ et And Arifant 1’16’’, par Rieussec interposé.
Le tout Levesque
A l’instant mentionné, Rieussec 1’12’’ était un "Levesque", dont la performance de pointe est sa place de deuxième, entre Rolling d’Héripré et Roc Meslois, dans le Critérium des 4 Ans (Groupe 1). Or, le pedigree maternel de Koctel du Dain est pareillement frappé du sceau de l’élevage Levesque. Ophélie 1’26’’, la mère du lauréat du Critérium des Jeunes, est, ainsi, une élève de Pierre Levesque. Celui-ci lui fit gagner une petite course, à 3 ans, menée par Sébastien Ernault, sur l’hippodrome de Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Au total, la jument ne courut que cinq fois. Elle était, assurément, davantage faite pour la reproduction.
Boccador de Simm, après Quiroga II et Défi d’Aunou
Après Just A Gigolo, Boccador de Simm donne un deuxième vainqueur consécutif du Critérium des Jeunes-Prix Comte Pierre de Montesson. Il est le troisième étalon, dans l’histoire de ce Critérium, à réussir une telle prouesse, dans les pas de Quiroga II, fils de l’américain clandestin d’Albert Veslard, Calumet Delco, qui produisit Index, le lauréat de 1955, puis Jokaï, celui de 1956, et de Défi d’Aunou, auquel on doit les gagnants de 2003 et de 2004, Mahana et Nelson de Vandel. Deux autres reproducteurs ont manqué de peu l’exploit, s’agissant de Greyhound, père d’Ourasi et de Quadroon, vainqueurs à deux années d’écart, en 1983 et 1985, et de Buvetier d’Aunou, auteur d’Hello Jo et de Juliano Star, à l’honneur en 1996 et en 1998. Il y a encore cinq étalons figurant deux fois au palmarès du Critérium des Jeunes, à quelques saisons d’intervalle : dans l’ordre chronologique, c’est Ogaden, père de Faro C (1951) – la course s’appelait alors le Critérium des 2 Ans et était disputée deux mois plus tôt, en décembre – et Luth Grandchamp (1958), Kerjacques, d’où Toscan (1966) et Chambon P (1971), Coktail Jet, géniteur de Look de Star (2002) et de The Best Madrik (2010), et Ready Cash, père d’Avila (2013) et de Django Riff (2016). Notons qu’en 1974 et 1975, les victoires de Franc Quito et de Girl Blanche sont celles de produits issus de deux propres frères, Quito et Seddouk, l’un et l’autre par Carioca II et Arlette III, la mère de Kerjacques.
C’est donc au haras qu’
Ophélie allait pleinement se révéler et, même, désormais, passer à la postérité. Elle se singularise d’abord par l’âge avancé auquel elle a eu son chef-d’œuvre : elle avait 18 ans à la naissance de
Koctel du Dain. Il faut remonter à 2013 et à
Avila, pour retrouver une poulinière, en l’occurrence la matrone
Encombevineuse, ayant mis bas un gagnant de la course aussi âgée. Avant son chef-d’œuvre,
Ophélie a eu le valeureux
Ulky du Dain 1’13’’, un fils d’
Infant du Bossis qui signa sept victoires et amassa près de 200.000 euros, ainsi que les utiles
Bianca du Dain 1’15’’ a.-m. (66.760 euros de gains) et
Etoile du Dain 1’14’’ (58.690 euros de gains), respectivement par
Ouragan de Celland et
Very Pleasant.
La combinaison de deux "Allaire"
A l’image de
Just A Gigolo, son prédécesseur au palmarès de la course,
Koctel du Dain est le dernier produit de sa mère. Celle-ci est née des œuvres du double vainqueur du Prix de Cornulier,
First de Retz 1’11’’, qu’entraîna Philippe Allaire, comme
Boccador de Simm. Une combinaison qui pesa sans doute dans le choix de l’homme de Bouttemont d’acheter le poulain, à l’amiable, cela ajouté au fait qu’il lui plaisait, physiquement.
Ophélie est la sœur de trois vainqueurs, dont le meilleur fut le hongre
Prado 1’15’’ (Blue Dream), gagnant de douze courses et d’un peu plus de 150.000 euros. Leur mère,
Grenade (1994-James Pile), est demeurée inédite, mais elle est la sœur utérine d’une dizaine de vainqueurs, aux premiers rangs desquels figurent l’excellent performer monté
Balzac 1’16’’ m. (Niflosac), lauréat de quinze courses, dont les Prix de Normandie (Groupe 1) et des Centaures (Groupe 1), et le tout bon cheval attelé
Farnese 1’13’’ (Mon Ouiton), gagnant de dix-huit courses, parmi lesquelles le Prix de La Haye (Groupe 2), la Clôture du G.N.T. (Groupe 2) et le Prix de la Marne (Groupe 2). En tout, la fratrie de
Grenade cumule quelque 1,85 million d’euros de gains.
Une arrivée hors Ready Cash
Ni l’un ni l’autre des deux premiers de cette édition 2023 du Critérium des Jeunes-Prix Comte Pierre de Montesson n’a Ready Cash dans son pedigree, à quelque place que ce soit. Il faut remonter à 2018 pour se retrouver dans un cas de figure similaire, avec la victoire de Folelli, aux dépens de Fend la Bise. Car, dans l’intervalle, au moins un des deux premiers se réclamait, d’une manière ou d’une autre, du fils d’Indy de Vive et Kidéa : Just A Gigolo, premier, et Jazzy Perrine, deuxième, en 2022 ; In The Money, premier, et Italiano Vero, deuxième, en 2021 ; Havana d’Aurcy, première, en 2020 ; Green Grass, première, et Golden Bridge, deuxième, en 2019. En 2021 et en 2019, le podium était même entièrement occupé par des "Ready Cash", complété par les troisièmes places d’Invincible Cash et de Girls Talk.
L’alliance du cheval et de la mer
Régis Merlet, l’éleveur, vendéen, de
Koctel du Dain, est installé à Beauvoir-sur-Mer, sur la route qui mène à l’île de Noirmoutier, avant le passage du Gois. Ostréiculteur à la retraite, il a l’élevage pour hobby et il allie la mer au cheval à travers le label qu’il s’est choisi, Le Dain étant le nom d’un étier local. Naguère driver amateur, il s’est senti attiré par l’élevage, achetant
Ophélie au courtier Philippe Thirionet, un ami chasseur. C’est un autre ami et voisin, Yann Lavigne, proche de Philippe Allaire, qui lui fera avoir une saillie de Boccador de Simm, pour
Ophélie, et lui fera vendre le produit né de cette union. La fille d’
Ophélie,
Etoile du Dain, gagnante de cinq courses, en province, a, aujourd’hui, pris le relais de sa mère, pour poursuivre l’œuvre. Régis Merlet n’a toujours eu qu’une poulinière, ne serait-ce que pour ne pas laisser en jachère le lopin de terre qu’il a autour de chez lui. Son aventure est de celles dont le trot a le secret.
© ScoopDygaLa lutte intense du Critérium des Jeunes 2023 avant la rétrogradation de Kaméhaméha (à l'intérieur) à la 2e place pour gêne