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Actualité - 07.03.2023

Resserrement des valeurs : mythe ou réalité ?

Le meeting d'hiver de Vincennes a une nouvelle fois consacré en star le chronomètre. Trente records, tous registres (de générations, de catégorie et de courses) sont tombés durant la séquence hivernale. Car le phénomène touche bien toutes les strates de la compétition. L'ensemble des performances se rehausse avec même, comme possible conséquence, un resserrement des valeurs. Les exploits de plusieurs, comme Emeraude de Bais et Harlem de Bucy, sont là pour rappeler que ceux qui sont dans l'antichambre du haut niveau peuvent aussi prétendre à leur part de gloire.

Tout est parti d'un constat de Franck Nivard, lors de la réunion de clôture, samedi dernier, après son succès avec Emeraude de Bais (Repeat Love) dans le Prix du Plateau de Gravelle (Gr.3). La jument de 9 ans entraînée par Benjamin Goetz vient de prendre le meilleur sur plusieurs chevaux largement confirmés dans les Groupes de l'hiver, y compris dans les Prix d'Amérique Races Zeturf, comme Décoloration (Prince d'Espace), ou Beads (Archangel), vainqueur du huppé Prix du Luxembourg (Gr.3). Elle domine même deux vainqueurs de Groupe 1 en Italie, son premier dauphin Usain Töll (Googoo Gaagaa), et Capital Mail (Nad Al Sheba). Et Franck Nivard de constater : "Entre les chevaux de tiercé et les chevaux de Prix d'Amérique, il n'y a vraiment plus beaucoup de différence." En d'autres mots, les écarts se resserrent dans le haut de la pyramide, où il convient tout de même de situer en préambule les "chevaux de tiercé".
Nous avons mené notre enquête, données à l'appui pour comprendre si cette assertion se vérifie statistiquement ou est plutôt une vue de l'esprit.

Concernant Emeraude de Bais qui vient de battre par deux fois son record personnel, en affichant par deux fois 1'10'' et fractions, on est clairement dans le cas de figure d'une jument qui est dans la forme de sa vie. Elle s'est imposée cinq fois durant l'hiver pour engranger 181.000 €. Avec ses 503.850 € actuels, elle ne rentre d'ailleurs plus, "techniquement", dans la catégorie des "chevaux de tiercé" ou alors celle des "gros tiercés" pour continuer à filer l'expression qui nous renvoie alors aux meilleures épreuves du calendrier. Le statut du trotteur est évolutif et largement connecté à ses gains, indicateur et baromètre de sa valeur. Si Emeraude de Bais était une jument de tiercé il y a quelques mois encore, elle ne l'est sans doute plus aujourd'hui.
La meilleure preuve est apportée par le nouvel objectif d'Emeraude de Bais : elle prendra part au Grand Critérium de Vitesse de la Côte d'Azur (Gr.1) dimanche. Une tentative que Franck Nivard nous a présentée sous cet angle : "On profite de sa forme et du faible nombre de partants pour la tester au top niveau. Ensuite, elle ira en vacances et notamment à la mer. Elle devrait revenir pour l'été." Alors, il va falloir oublier Emeraude de Bais en "bête de tiercé" (sept disputés lors des dix derniers mois) pour l'appréhender dorénavant en jument de Groupe, catégories plutôt 1 et 2. Deux statuts d'ailleurs pas forcément incompatibles sachant, par exemple, que le Grand Critérium de Vitesse pourrait être support de la course événement.

Notre périmètre d'étude et méthode : meeting d'hiver et 2.700 mètres de la grande piste
Nous avons compilé l'ensemble des données sur les dix derniers meetings d'hiver de Vincennes dans les épreuves disputées sur le parcours le plus classique, celui des 2.700 mètres de la grande piste. De ces données, nous avons établi la moyenne des réductions kilométriques affichées par les vainqueurs de chaque catégorie, de E à Groupe 1. Et ce, à l'attelé [cf. données graphiques en bas de page] et au monté [cf. données graphiques en bas de page suivante].
Note : en ordonnée, 1170 = 1'17''0 | 1160 = 1'16''0 | etc.

Une tendance au resserrement des performances
Que constate-t-on depuis le meeting 2013/2014, soit sur les dix dernières années dans la discipline de l'attelé ? Un écart entre la réduction moyenne des vainqueurs par catégorie qui n'a jamais été aussi proche. La catégorie E affiche moins la réduction kilométrique moyenne d'1'14''8 et les vainqueurs de Groupe 1 le chrono moyen d'1'12''4. L'écart est de 2,4 secondes en réduction kilométrique. Il a pu monter à plus de quatre secondes lors de la dernière décennie (en 2016/2017) et était de 2,7 secondes en 2012/2023. Jamais, il n'a été aussi ténu et s'est réduit de 0,3 seconde en dix ans.
Si la catégorie Groupe 1 domine toujours par le paramètre de la vitesse, on constate désormais un rapprochement des moyennes des autres catégories, de D à Groupe 2. Les catégories hors Groupe (E à A) se démarquent en proposant une progression linéaire de l'amélioration de leurs chronos. On peut dire globalement que la hiérarchie des catégories transparaît dans le niveau des performances chronométriques mais tend à se fondre de plus en plus. De ce point de vue, le constat de Franck Nivard en début de ce papier vise juste.


Le vainqueur le plus rapide de l'hiver sur 2.700m : Hooker Berry dans le Prix d'Amérique en 1'11''7 !

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Le constat du rapprochement des performances au monté aussi
Le constat fait à l'attelé vaut aussi au monté avec un effet resserrement des valeurs encore plus fort depuis le meeting 2020/2021.
■ En 2013/2014, l'écart des vainqueurs sur 2.700 mètres entre la catégorie E et Groupe 1 était de 4,4 secondes. Il est de 1,8 seconde en 2022/2023. Il a même plongé à 1,6 seconde en 2020/2021. Sur la décennie, l'écart s'est réduit de 2,6 secondes.
■ La progression des performances des catégories E à A se manifeste de manière quasi linéaire, gagnant 2,2 secondes en dix ans pour la catégorie E et... également 2,2 secondes pour la A.
■ La corrélation entre le niveau de compétition et la performance chronométrique est globalement respectée à l'entorse près de la catégorie Groupe 2 qui, sur les deux derniers meetings, se voit "dépasser" par plusieurs autres segments comme les épreuves de Groupe 3, les courses A et les courses B.

Le rôle des cracks comme locomotives des Groupes 1
Dans les deux cas, à l'attelé comme au monté, dans la catégorie Groupe 1, avec un vivier d'épreuves faible par définition, l'impact des exploits des cracks contre le chronomètre se mesure cash dans notre donnée moyenne. Sous la selle, les performances de Traders (Ready Cash) et Bilibili (Niky), dans les Prix de Cornulier 2018 et 2019 (vainqueur respectif en 1'11''3 et 1'11''2) ont contribué au haut niveau chronométrique des meetings associés pour les Groupes 1. La remarque vaut aussi à l'attelé avec l'entrée en scène lors du meeting 2015/2016 de Bold Eagle (Ready Cash) dont le temps dans le Prix d'Amérique (1'11''4) a permis à la catégorie Groupe 1 d'entrer dans une nouvelle ère. Des chronos perpétués depuis par Readly Express (Ready Cash), Bélina Josselyn (Love You) et autre Face Time Bourbon (Ready Cash).


Le meilleur chrono du meeting 2022/2023 au monté sur 2.700m : l'apanage de Flamme du Goutier dans le Prix de Cornulier en 1'11''5



Harlem de Bucy, l'autre qui a poussé les murs
Comme Emeraude de Bais, Harlem de Bucy (Lilium de Bucy) est sorti de la boîte dans laquelle il était catégorisé. Il a même failli renversé la table dans le Prix de Paris Marathon Race (Gr.1) en contraignant Ampia Mede Sm (Ganymède) à se livrer à fond pour décrocher le titre. Titulaire de quatre victoires et de sa deuxième place de Groupe 1, le représentant de l'Ecurie Brindor a changé de statut, engrangeant au passage 195.770 €. Sa progression s'est évidemment déclinée dans sa panoplie chronométrique. D'un record personnel d'1'13''2 en début d'année à Caen, Harlem de Bucy est passé à 1'10''9 en décembre dans le Prix de Pontchâteau (course D) sur 2.100 mètres autostart. Sur les 2.700 mètres de la grande piste, il affiche désormais une marque d'1'12''6. Ce qui en fait la 42e meilleure performance du meeting sur 2.700 mètres.
La montée en puissance d'Ampia Mede Sm, dépourvue de titre de Groupe jusqu'à l'été de ses 5 ans - après un début de carrière en Italie - a été plus graduelle. Multiple lauréate de Groupe 3 en fin d'année 2021, à 5 ans, elle passe alors à l'échelon supérieur en remportant les Prix Marcel Laurent (Gr.2) et Doynel de Saint-Quentin (Gr.2). Sa quatrième place en fin de meeting dans le Prix de Paris (Gr.1) sonnera comme les prémices de son grand hiver 2022/2023 durant lequel elle a évidemment acquis une dimension encore supérieure. Une dimension même qui tutoie celui des cracks d'exception. Sa presque Triple Couronne oblige à convoquer en référence Bold Eagle (Ready Cash) et Bellino II (Boum III) notamment. On n'est plus du tout dans le même monde.




30 RECORDS SONT TOMBÉS DURANT LE MEETING 2022/2023

C'est Julius Le Tutour, le chef des hippodromes de Vincennes et d'Enghien, qui en a fait l'annonce dans le Grand Debrief, dimanche soir sur Equidia. Quand il s'agit d'expliquer cette pluie de records, le responsable de Vincennes évoque plusieurs raisons : "On a du mal à expliquer les records qui tombent depuis deux meetings sur Vincennes. C’est la conjonction de plus raisons. D’abord, la race du Trotteur Français évolue. Ensuite, on a eu, lors des deux derniers meetings, des conditions climatiques clémentes, avec un temps doux. Il faut aussi évidemment souligner le travail d’orfèvre du personnel de piste et de l’ensemble des équipes de Vincennes. Les pistes françaises de trot, et en particulier celle de Vincennes, sont en train de se rapprocher de ce qu’on pourrait appeler une forme de perfection."

Les qualités d’une bonne piste
Julius Le Tutour : "La priorité première d'une piste est qu’elle soit régulière. On peut avoir une piste souple, une piste ferme mais il faut qu’elle soit, du départ à l’arrivée, la même. C’est ça mon facteur de recherche avec les équipes et c’est là-dessus que les socioprofessionnels nous jugent. C’est vraiment la régularité qui est recherchée aujourd’hui."

Ce qui a changé lors de la dernière décennie
Julius Le Tutour : "Le mâchefer a changé. Il y a dix ou quinze ans en arrière, le mâchefer était deux fois plus grossier. À l’époque, on n’arrosait quasiment pas de l’hiver. Aujourd’hui, tout est fait pour les socioprofessionnels et le confort des chevaux."

Le record emblématique du meeting : 1'09''9 par Granvillaise Bleue
En signant 1'09''9 dans le Prix Jules Lemonnier (Gr.2), Granvillaise Bleue (Jag de Bellouet) est devenue la première à passer sous la barre de 1'10'' en France sous la selle.

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