... © B. Vandevelde
Actualité - 18.03.2023

Franck Nivard, l'homme des grands rendez-vous

Franck Nivard n’est pas le pilote qui a gagné le plus de courses lors du dernier meeting d’hiver de Vincennes. Sa place dans le top 10 ne tient d’ailleurs qu’à un fil ou presque avec 20 succès, loin de ses standards. Des résultats dans la lignée d’une saison 2022 impactée par des suspensions et durant laquelle il a beaucoup moins gagné. Mais il est un domaine où l’Avranchais est toujours aussi redoutable : les Groupes 1. Cet hiver, il en a remporté trois nouveaux, soit seulement un de moins qu’Alexandre Abrivard, le meilleur dans ce domaine. Il est bien l’homme des grands rendez-vous.

Alors qu’il fêtera ses 43 ans l’été prochain, Franck Nivard n’en finit pas d’enrichir un palmarès déjà XXL. Certes, Jean-Michel Bazire l’a rejoint cette année à la faveur d’une cinquième victoire dans le Prix d’Amérique Legend Race avec Hooker Berry (Booster Winner) en le privant justement d’un sixième titre. Mais il n’en demeure pas moins donc que le natif d’Avranches est bien l’un des deux drivers en activité les plus titrés dans LA course de référence de tout un sport. Et qui sait si ses cinq victoires n’auraient pas accueilli une petite "sœur" avec un parcours plus favorable d’Ampia Mede Sm (Ganymède) le jour J ? Ce qui aurait fait de l’hiver de la jument italienne entraînée par Fabrice Souloy et donc de celui de son driver un sommet encore plus grand que celui déjà atteint par ses succès suivants dans les Prix de France Speed Race et de Paris Marathon Race. Deux succès supplémentaires dans les épreuves françaises labellisées Groupes 1 qui porte le total de Franck Nivard à 64 ! Entre le premier obtenu en selle sur Legs du Clos (Hêtre Vert) dans le Prix du Président de la République et le plus récent, celui donc obtenu dans la troisième des finales des Prix d’Amérique Races ZEturf, même s’il s’en est fallu de très peu qu’Emeraude de Bais (Repeat Love) ne soit le 65ème dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur dimanche dernier, il se sera donc écoulé à peine vingt ans. C’est beaucoup et peu à la fois, reconnaissons-le, pour se tailler un palmarès de cette dimension et de cette richesse.

Franck Nivard en chiffres
■ 27 728 courses
■ 3 713 victoires
■ 64 Groupes 1
■ 379 Groupes
chiffres arrêtés au 18/03/23 en France

Alors qu’il avait déjà remporté son cinquième Prix d’Amérique Legend Race avec Bold Eagle (Ready Cash) et avait atteint le cap des 3 000 victoires quelques semaines plus tôt, nous l’avions interrogé sur le regard qu’il portait alors sur sa carrière. "Quand j’ai débuté, j’espérais avoir un peu de réussite dans le métier, nous avait-il répondu, mais, jamais, je n’aurais pensé que ça tournerait comme ça. De toutes façons, comment cela aurait été possible d’imaginer avoir un jour un tel palmarès, avec cinq Prix d’Amérique en plus ?" Quelques années plus tard, Franck Nivard est toujours l’homme des grands rendez-vous comme il l’a encore démontré cet hiver à Vincennes et, plus généralement, sur les quinze derniers mois, précisément entre le 1er janvier 2022 et le 12 mars de cette année, date à laquelle s’est donc disputé le rendez-vous cagnois. Sur cette période, il est le pilote qui a remporté le plus de Groupes 1, attelé et monté confondus.

Le TOP des vainqueurs de Groupes 1 entre le 01/01/22 et le 12/03/23 (au moins 2 victoires)
Pilotes - Courses - Victoires (%) - places - gains
1. Franck Nivard - 23 c. - 6 vict. (26) – 4 pl. - 1 238 000€
2. Matthieu Abrivard - 23 c. - 5 vict. (21) - 3 pl. - 1 043 800€
3. Éric Raffin - 36 c. - 5 vict. (13) - 5 pl. - 826 100€
4. David Thomain - 29 c. - 4 vict. (13) - 5 pl. - 836 300€
5. Alexandre Abrivard - 29 c. - 4 vict. (13) - 3 pl. - 747 600€
6. Adrien Lamy - 14 c. - 3 vict. (21) - 2 pl. - 513 200€
7. Jean-Michel Bazire - 17 c. - 2 vict. (11) - 4 pl. - 748 000€
8. Clément Duvaldestin - 11 c. - 2 vict. (18) - 3 pl. - 375 000€

Les chiffres parlent d’eux-mêmes et étonnent quelque peu le principal intéressé. "Je ne pensais pas que c’est moi qui en avais gagné le plus, réagit-il à cette annonce. Je suis un peu surpris. Tant mieux !" Quant au discours sur les explications de sa réussite, il est sensiblement le même. "J’ai la chance de mener de bons chevaux. C’est super bien…. Après, ce n’est pas facile de les avoir ces chevaux qui sont capables de te gagner des Groupes 1, nuance-t-il quand même. Quand, en plus, ça se passe bien en course, ce qui a été le cas cet hiver par exemple, à part dans le Prix d’Amérique où ça aurait pu être mieux. Dans les autres, on ne s’est pas trop loupés."
Parmi ses succès hivernaux au top niveau, il y a ceux des Prix de France Speed et de Paris Marathon Race qui confortent sa position derrière Jean-Michel Bazire parmi les drivers en activité comptant le plus de mentions au palmarès des trois finales des Prix d’Amérique Races ZEturf. Franck Nivard en totalise en effet désormais 14 - contre deux de plus à l’homme aux vingt titres de Sulky d’Or - ainsi répartis ainsi :
- 5 Prix d’Amérique Legend Race : Meaulnes du Corta (2009) / Ready Cash (2011-2012) / Bold Eagle (2016-2017)
- 6 Prix de France Speed Race : Kool du Caux (2007) / Ready Cash (2011-2013) / Bold Eagle (2016-2017) / Ampia Mede Sm (2023)
- 3 Prix de Paris Marathon Race : Ready Cash (2013) / Bold Eagle (2017) / Ampia Mede Sm (2017)

Son troisième Groupe 1 hivernal a été obtenu au sulky de Just A Gigolo (Boccador de Simm), avec lequel il a aussi remporté plutôt dans l’année 2022 le Prix Comte Pierre de Montesson-Critérium des Jeunes et le Critérium des 3 Ans. Ce succès supplémentaire à la valeur affective aussi, en ce sens qu’il s’agissait de la première édition du Prix Ready Cash qu'il gagne pour la casaque de Philippe Allaire, l’un des champions qui aura pour le moins marqué sa carrière, lui rappelle un contexte qu’il a souvent connu à ce niveau. "Cet hiver, on ne peut pas dire que j’avais de vraies premières chances à l’exception de Just A Gigolo, revient-il. Ampia Mede Sm n’était pas la première chance avant le Prix d’Amérique. Même si on comptait sur elle dans le Prix de France, elle n’était pas au-dessus non plus. Quand tu drives ces courses-là sans trop de pression, c’est forcément un plus. C’est pareil pour tout le monde." Même pour Franck Nivard surnommé "Francky la main Froide" pour faire référence à son imperméabilité à la pression ? "Ce n’est pas une pression vraiment différente dans les Groupes 1 car j’ai l’habitude de les courir maintenant. J’avais plus de pression quand je drivais Ready Cash et Bold Eagle par exemple. Avec eux, il ne fallait pas les perdre ces courses-là."




Les Groupes I sont souvent des courses sélectives. Ce n’est pas plus dur à mener.
Franck Nivard

© B. Vandevelde
Et de prolonger l’état d’esprit qui est le sien lors de ces grands rendez-vous : "Tu ne peux pas inventer les courses avant. Une fois parti, il faut improviser bien souvent. C’est difficile de faire trop de plan, si ce n’est avec un cheval que tu sais qu’il doit aller devant. Les Groupes I sont souvent des courses sélectives. Ce n’est pas plus dur à mener, il ne faut pas être trop offensif".

La force de l’habitude
Depuis sa première victoire à ce niveau, c’est-à-dire en 2003 avec Legs du Clos dans le Prix du Président de la République, Franck Nivard affiche une moyenne de 3 gagnants de Groupe I par an (attelé et monté confondus). Cette force de l’habitude est d’autant plus remarquable que Franck Nivard la maintient dans un contexte moins porteur pour lui. S’il a dépassé au cours de l’hiver les 3 700 victoires, Franck Nivard a en effet totalisé "seulement" 106 succès en 2022, loin de ses standards habituels depuis quinze ans. Pour preuve, il tournait à une moyenne annuelle de 184 courses gagnées depuis 2007, avec un record à 247 en 2013. "Je n’ai pas fait une grande année 2022, ne cherche-t-il pas à éluder. J’ai dû être mis à pied pas loin de trois mois (N.D.L.R. : il a notamment subi une suspension d’une durée d’un mois à compter du 3 juin 2022 à la suite d’un contrôle positif à une substance prohibée détectée lors d’un prélèvement biologique le 15 décembre 2021). J’ai couru moins parce que j’étais à pied. Il n’y avait pas une volonté de ma part de moins courir." En 2022, et alors qu’il avait décidé de raccrocher ses bottes de jockey au cours de l’été 2021 - "cela s’est fait naturellement, je n’avais plus de très bons chevaux à monter. Physiquement, quand tu montes moins, c’est de plus en plus compliqué. La question du poids a aussi été un paramètre" -, Franck Nivard a ainsi couru quatre cents courses de moins par rapport à sa saison précédente. Son meeting d’hiver 2022-2023 s’inscrit aussi en sensible retrait, avec 20 succès contre 40 un an plus tôt et 45 deux ans plus tôt. "Heureusement qu’Ampia Mede Sm a été là car je ne faisais pas un très bon meeting d’hiver", ajoute-t-il.

Les Groupes 1 qu’il a le plus remportés :
■ Prix de France Speed Race = 6
■ Prix du Président de la République = 6
■ Prix d’Amérique Legend Race = 5
■ Prix des Élites = 5
■ Prix de l’Atlantique = 4
■ Prix René Ballière = 4
■ Critérium des 3 Ans = 4
À l'inverse, lui le Normand n'a jamais réussi à remporter le Prix de Normandie qui est donc le Groupe 1 qui lui manquera pour toujours car comme il le dit : "Je ne vais pas remonter maintenant".

Reste que la motivation de Franck Nivard est intacte comme le montre sa réaction quand on lui demande de commenter ce palmarès de 64 Groupes 1 : "C’est beau mais il faut continuer. Il ne faut pas s’arrêter là. Je suis encore jeune. Je vais avoir 44 ans cette année. La motivation est intacte quand tu mènes de bons chevaux. Il faut être compétitif dans toutes les courses mais c’est sûr que c’est plus motivant d’être associé à des chevaux capables de gagner des Groupes 1".

"Il n’y pas grande chose entre Ampia Mede Sm et Emeraude de Bais"
Le 6 décembre 2019, Franck Nivard dépose un bulletin de réclamation d’un montant de 23 501 € à l’issue du Prix Dike à Vincennes pour réclamer Emeraude de Bais pour un taux de réclamation de 22 000 €. Près de mille deux cents jours plus tard, la fille de Repeat Love est non seulement au départ du premier Groupe 1 de sa carrière dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur mais elle n’est battue que tout à la fin par Vivid Wise As (Yankee Glide), l’un des tout meilleurs spécialistes européens de ces dernières années sur les courtes distances. "Lors de ses dernières courses à Vincennes, je voyais bien qu’elle n’était pas loin de valoir Ampia Mede Sm, pas loin du tout, avance Franck Nivard. Elle l’a prouvé avec sa performance à Cagnes où elle est battue d’une tête par Vivid Wise As, lequel avait été battu du même écart à peu près dans le Prix de France par Ampia Mede Sm. C’est bien la preuve qu’il n’y a pas grand-chose entre elles. C’est une question de parcours. En plus à Cagnes, la jument a ramené Vivid Wise As sur un plateau."
L’évolution de la jument est l’une des plus marquantes de ces derniers mois, consolidant le resserrement des valeurs comme 24 Heures au Trot le rappelait dans son édition du 7 mars (lire ici), comme le disait lui-même Franck Nivard : "Entre les chevaux de tiercé et les chevaux de Prix d'Amérique, il n'y a vraiment plus beaucoup de différence". Reste qu’il n’aurait pas pensé qu’Emeraude de Bais soit capable d’évoluer de cette façon quand il l’a achetée. "Elle m’avait tapé dans l’œil le jour du réclamer, raconte-t-il. Elle m’avait doublé aux tribunes en allant deux fois plus vite que les autres. À l’entrée de la ligne droite, elle avait fait faute mais avait encore cinquante mètres d’avance. Elle avait un problème d’allures. Une fois achetée, je me suis aperçu qu’elle avait une tendinite. Je me suis dit sur le coup qu’on n’allait pas être bien." Après plusieurs mois de repos, il décide de l’envoyer chez Benjamin Goetz. "Il a fait du très bon travail avec elle, salue-t-il. Ce n’est pas le fait d’aller à la mer car elle n’y va pas tant que cela. Il est fort avec ces chevaux souffreteux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je lui ai envoyé. Je me souviens d’avoir déjà eu le cas avec Rapide Tilly il y a une dizaine d’années. Il avait le même problème que la jument et il avait fait du très bon travail derrière même si, bien sûr, il n’avait pas le niveau de ces chevaux-là. Il faut aussi se rappeler de Quel Hermès." Si elle a amplement mérité un break de quelques semaines après un hiver chargé, Franck Nivard, qui en est co-propriétaire avec Hervé Carlus, chez lequel il montait des galops quand il était gamin dans la baie du Mont-Saint-Michel, évoque les pistes pour la suite de saison : "On n’en a pas encore discuté avec Benjamin mais je ne pense pas qu’elle va aller tout de suite à l’étranger. J’ai regardé vite fait et je me suis aperçu qu’elle a le droit à un circuit comme le Trophée Vert par exemple. L’hiver prochain, on essaiera sûrement de la qualifier pour les bonnes épreuves". Franck Nivard devra alors à se mettre à son sulky.

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