Alain Jathière : "le trot m'ouvre une nouvelle fenêtre de rêves"

La victoire de l'inédit Kirghize Speed, dimanche à Vire, porte en elle plusieurs facteurs particuliers qui en font, pour tout dire, un événement singulier. Il s'agit d'abord de la première citation d'Alain Jathière au trot. Le propriétaire, très connu au galop depuis plus d'une décennie, n'avait même jamais eu de partants au trot. Son premier représentant met aussi en lumière sa casaque à connotation historique. Elle a été celle du baron Finot, l'une des plus célèbres du galop français au XIXe siècle. Enfin, Kirghize Speed est l'un des trois tops des ventes de yearlings de 2021. Et le premier à s'imposer. Voilà bien des raisons qui méritent de s'intéresser à cette victoire viroise. D'autant plus qu'Alain Jathière a accepté de répondre à nos questions.

Passé sur le ring des ventes de yearlings sélectionnés d'Arqana Trot le 3 septembre 2021, lors du jour 3, dans ce qu'il est convenu d'appeler la journée des "jeunes étalons", Kirghize Speed (Face Time Bourbon) a fait afficher 170.000 €. Cela en faisait le troisième yearling le plus cher de la session la plus sélective français du marché des yearlings de l'année 2021, derrière deux produits de Ready Cash (Indy de Vive). L'un des deux est qualifié mais n'a pas encore couru. Présenté par le Haras d'Ecouché pour le compte de la famille Bernereau et de Pierre Pilarski, Kirghize Speed a été acquis par un courtier plus connu au galop, Nicolas de Watrigant (Mandore International Agency), en association avec... Thomas Bernereau. L'achat est fait pour le compte d'Alain Jathière.

Marchand d’art international et notamment marchand de tableaux, l’art est la grande passion d’Alain Jathière. Elle l’a accompagné toute sa vie. L’homme de 75 ans vit à Caracas, au Venezuela depuis très longtemps. Il suit donc ses engagements hippiques, la plupart du temps, à distance, en particulier via Equidia. Il incarne aussi cette passion lors de ses quelques déplacements annuels dans l’hexagone, comme durant l’été à Deauville. Il nous parle des deux moteurs de sa vie : "J’ai passé cinquante ans dans le domaine de l’art mais, il y a une douzaine d’années, j’ai développé une deuxième grande passion avec les courses. Les lignes se rejoignent entre les courses et l’art. Il y a un esthétisme évident dans les courses, une beauté magnifique du cheval. Forcément, mon œil est attiré."

24h au Trot.- Pourquoi vous lancez-vous dans la discipline du trot, alors que votre écurie au galop est déjà riche d’une cinquantaine de chevaux à l’entraînement ? Vous aviez déjà de quoi faire ?
Alain Jathière.- En fait je regarde et suis le trot depuis longtemps tout en me considèrant comme un néophyte. Depuis longtemps, j’aspirais à acheter à un trotteur. J’avais essayé par l’intermédiaire de mon ami Jean-Pierre Dubois mais cela ne s’est jamais fait. C’est finalement arrivé avec Nicolas de Watrigant et Thomas Bernereau. Nous avons pris notre temps et je suis très heureux d’être dans cette aventure avec un cheval, Kirghize Speed, entraîné par Sébastien Guarato, l’un des meilleurs professionnels du trot. On ne peut pas faire mieux.

Aspirez-vous à développer votre présence au trot ?
AJ.- Je ne sais pas encore. Je suis bien entouré et c’est important quand on ne connaît pas vraiment. Par exemple, je ne suis jamais véritablement entré dans les pedigrees de trotteurs et ne suis jamais allé à Vincennes. C’est d’ailleurs l’un de mes objectifs lorsque je serai en France en mai prochain. Vraiment, je ne sais pas encore si je vais élargir mon effectif au trot. En général, quand j’achète un cheval, j’en achète un autre ensuite mais rien n’est fait. Cela me rappelle mes débuts au galop il y a une douzaine d’années, quand j’avais commencé avec un cheval chez Jean-Claude Rouget, puis un deuxième, etc. J’avais découvert et aimé les courses dans ma jeunesse puis suis parti au Vénézuéla pour mon activité professionnelle. Michel Zérolo, un vieil ami (N.D.L.R. un courtier français installé en Floride), m’a fait acheter un jour un cheval que j’ai donc mis chez Jean-Claude Rouget. Et c’est parti comme cela.



Votre profil devient vraiment singulier avec des intérêts dans tout ce qui touche le cheval de compétition.
AJ.- Je peux désormais partager mon plaisir des courses dans toutes les disciplines, avec le plat, la discipline dans laquelle j’ai le plus de chevaux, l’obstacle, avec François Nicolle, et le trot. J’aime beaucoup la compétition et ai toujours voulu avoir des chevaux dans toutes les disciplines. J’ai aussi un pur sang arabe de plat. J’ai également eu un cheval de CSO, Vangog du Mas Garnier, en association avec Nicolas de Watrigant, qui nous a donné beaucoup de plaisir et a évolué au plus haut niveau international. Aux courses, ce qui me fait marcher, c’est le piment de la victoire.

Suivez-vous les courses de vos représentants ? Si oui, comment ?
AJ.- J’ai la chance de tout suivre depuis Caracas grâce à Equidia. Avec le décalage horaire, c’est en général pour moi très tôt le matin.

Et Kirghize Speed. L’avez-vous vu ? Quelle impression vous laisse-t-il ?
AJ.- Je l’ai vu travailler une fois chez Sébastien Guarato. Je l’avais trouvé magnifique. Je reviens en mai en France et irai bien sûr le revoir. J’ai regardé ses débuts dimanche dernier. Il m’a beaucoup plu. C’est un beau cheval avec une belle action. Son pilote n’a pas été méchant avec lui et il a gagné avec beaucoup de marge. Disons que la fenêtre des rêves est ouverte.

Vous comptez parmi vos associés au galop Gérard Augustin-Normand. Au trot, vous êtes en association sur Kirghize Speed. Est-ce votre règle de fonctionnement générale ?
Pas vraiment. Je dirais que j’ai 20 % de mes chevaux en association. Cela dépend vraiment des cas.

Vous êtes éleveur au galop. Comment fonctionnez-vous depuis Caracas et avec qui ?
D’abord je ne suis pas un éleveur commercial. J’élève et garde mes produits pour les exploiter directement. Une partie de mes poulinières et de mes chevaux à l’élevage est stationnée au haras du Cadran, une autre au haras des Capucines, les deux en Normandie, et une autre encore dans le Sud-Ouest au haras de Saint-Vincent, près de Pau. C’est dans ce dernier qu’officie par exemple mon étalon Fas. Je communique en moyenne deux à trois par semaine avec ces différents haras. Et je m’y rends dès que je peux quand je viens en France.