Inmarosa, si célèbre, tellement méconnue
Il n’est pas facile de trouver sa place au sein d’une génération dominée par Idao de Tillard (Sévérino) et Italiano Vero (Ready Cash). Le premier est un potentiel vainqueur du prochain Prix d’Amérique Legend Race (Gr.1) quand le second a terminé troisième de la dernière édition. Dauphine de l’un et de l’autre, respectivement dans le Critérium des 5 Ans et dans le Critérium des 4 Ans, Inmarosa (Amiral Sacha) est la meilleure femelle de la promotion née en 2018. Si ses performances parlent pour elle, la jument de Jacques Cottel évolue néanmoins dans l’ombre des deux mâles qu’elle affronte de nouveau dimanche dans le Prix Ténor de Baune - Amérique Races PMU Q4 (Gr.1). Accordons-lui un peu de lumière qu’elle mérite.
L’histoire d’Inmarosa (Amiral Sacha), c’est l’histoire d’un appel que Ludovic Fleury, son éleveur, n‘aurait pas dû recevoir ou, tout au moins, qui ne lui était pas destiné. S’ils ont eu l’occasion de travailler ensemble depuis Hytte du Terroir (Boccador de Simm), vendue par Ludovic Fleury à Jacques Cottel à Caen avant de devenir triple gagnante de Groupe 2 et placée de Groupe 1 à l’Étrier déjà sous l’entraînement de Laurent Abrivard, l’éleveur normand et Jacques Cottel n’auraient probablement jamais évoqué le cas de cette fille d’Amiral Sacha. Car l'appel téléphonique qui scellera son avenir n'aurait jamais eu lieu. "Un jour, je reçois un appel, se souvient Ludovic Fleury. C’est M. Cottel mais, en fait, il m’appelle par erreur. Tout de suite, je rebondis et je lui parle d’une pouliche de 2 ans que je viens de faire débourrer."
Les deux hommes se mettent d’accord pour que l’éleveur emmène celle qui se nomme Inmarosa chez Étienne Hamard, le préparateur du propriétaire, pour qu’il l’essaye. L’essai sera concluant et l’acheteur et le vendeur se mettront d’accord sur un prix d’un montant inférieur à 10.000 €.
D’une fille d’Oiseau de Feux à Inmarosa
La doublée placée de Groupes 1 qu’est
Inmarosa est le troisième produit de
Varkava (
Oiseau de Feux) que Ludovic Fleury a élevée et vendue avant de la racheter après sa carrière de courses.
"Elle a montré assez tôt de la qualité (N.D.L.R. : elle a gagné à l’automne de ses 2 ans à Laval et a terminé à l’été de ses 5 ans avec 3 victoires et plus de 50.000 €)
et j’ai eu la possibilité de la racheter alors qu’elle était pleine de son premier produit par Laetenter Diem, explique l'éleveur.
J’avais acheté sa mère, Kalise Dry, la grand-mère d’Inmarosa donc, car c’était une fille d’Oiseau de Feux dont j’étais l’un des co-propriétaires." À noter que
Kalise Dry est aussi la grand-mère de
Hannibal Tuilerie (Remember Jihem), vainqueur à deux reprises en début de meeting. Si le premier produit de
Varkava ne s’est pas qualifié, le deuxième, né de son union avec
Village Mystic, a donné
Holy Roman Emperor, vendu 6.000 € à Caen à la famille Mortagne qui lui a fait prendre plus de 88.000 € à la fin de son année de 6 ans. Sa «
K » par
Eye Of The Storm nommée
Knitulia a aussi été vendue à Jacques Cottel, tout comme sa pouliche par
Bold Eagle née en 2022 et appelée par
Miskava.
Une pouliche qui avait besoin de temps
Yearling,
Inmarosa avait été retirée du ring des Ventes de Caen, faute d’avoir atteint le prix qu’en escomptait Ludovic Fleury.
"Je suis éleveur-vendeur et je suis toujours déçu quand je ne vends pas mais je cherche à en comprendre les raisons, avance l’animateur manchois de Coutainville Élevage.
Dans ce cas précis, j’avais la réponse avant même que la pouliche ne passe sur le ring. En effet, elle avait été malade pendant la préparation des ventes et n’était pas au mieux le jour où elle a été présentée."
De retour chez son éleveur, celui-ci donne sa chance à cette femelle qui a visiblement besoin de temps.
"Elle a passé l’hiver entre son box et le paddock. Je lui ai laissé le temps de grandir, raconte Ludovic Fleury,
et c’est seulement quand j’ai jugé qu’elle était apte à être débourrée que je l’ai envoyée. Je n’ai fait que mon métier d’éleveur."
C’est seulement quand j’ai jugé qu’Inmarosa était apte à être débourrée que je l’ai envoyée. Je n’ai fait que mon métier d’éleveur. (Ludovic Fleury, son éleveur)
"À l’époque où j’ai acheté Inmarosa, son père Amiral Sacha, un trotteur dont j’aimais beaucoup le physique, était au début de sa carrière d’étalon", avance de son côté Jacques Cottel pour expliquer son intérêt pour cette pouliche issue de la troisième année de production de celui qui ne saillira que sept années, faute d’une fertilité suffisante. Plus de trois ans et demi après, le propriétaire peut plus que jamais se féliciter de l’achat de cette pouliche dont les gains approchent les 600.000 € de gains. Le choix d'
Amiral Sacha pour Ludovic Fleury venait notamment du fait qu'il avait aimé le comportement de sa mère,
Nostalgique Sacha (Goetmals Wood), en courses.
Au mois d’août de ses 2 ans,
Inmarosa se qualifie sur la piste de Meslay-du-Maine en 1’19’’1 présentée par Étienne Hamard.
"Par rapport aux autres produits de cette promotion que j’ai fait naître, elle avait pris du retard forcément, mais c’est pourtant la première qui s’est qualifiée et la première qui a gagné", nous apprend Ludovic Fleury.
© ScoopDygaL'arrivée du Critérium des 5 Ans "Elle a tout simplement quelque chose en plus que les autres, poursuit Ludovic Fleury,
elle sort de l’ordinaire. Elle a pourtant été élevée comme les autres. Au pré, je ne peux pas dire qu’elle sortait du lot comme j’entends parfois des éleveurs le dire."
Le meilleur produit d'Amiral Sacha
Fils de Ganymède élevé par Chantalle Mottier, vainqueur de Groupe 1 dans le Grand Prix de Wallonie à Mons (Belgique) et placé à trois reprises à ce niveau (Grand Prix de l'UET, Critérium Continental et Prix de Sélection) pour l'entraînement de Florent Lamare, Amiral Sacha est entré au haras en 2015 tout en poursuivant sa carrière de courses jusqu'à l'automne 2018, période à laquelle il se retira définitivement de la compétition avec plus de 1,1 M€ de gains. Au haras, entre 2015 et 2022, soit sept années de production, avant d'être retiré faute de fertilité suffisante (les "M" sont donc sa dernière génération), Amiral Sacha comptabilise 186 produits (source SETF), dont Inmarosa (581.390 €) est la plus riche avec Galago du Cadran (220.410 €), et 43 % de chevaux qualifiés.
Un jeu de jambes qui sort de l'ordinaire
Ce quelque chose que les autres n’ont pas s’appuie notamment sur un jeu de jambes qui lui permet de placer de fulgurantes accélérations finales quand Léo Abrivard, son partenaire attitré, lui masque l’effort.
"On a pu voir à plusieurs reprises qu’elle est capable de finir sur le pied de 1’05’’ ou 1’07’’ quand on lui cache l’effort, apprécie son propriétaire.
Après, elle a montré dernièrement qu’elle est aussi capable d’aller loin en tête car il ne lui a pas manqué beaucoup pour finir." Référence à sa quatrième place dans le Prix Doynel de Saint-Quentin du 2 décembre où Léo Abrivard a adopté cette tactique alors qu’
Idao de Tillard jouait lui les attentistes jusque dans la montée.
"Maintenant Je ne suis pas sûr que Laurent Abrivard pensait qu’elle serait capable de faire cette carrière-là quand elle avait 3 ans", avance Jacques Cottel pour souligner la progression de sa jument.
À l'aube de son début d'année de 6 ans,
Inmarosa est bien la meilleure femelle de sa génération -
Idylle Speed (
Carat Williams) a gagné le Critérium des 3 Ans (Groupe 1) mais a dû se retirer de la compétition au début du printemps dernier - comme en témoignent notamment ses deuxièmes places dans les Critérium des 4 Ans et des 5 Ans, respectivement remportés par
Italiano Véro (Ready Cash) et
Idao de Tillard (
Sévérino).
"Ce sont ses deux meilleures performances, juge Jacques Cottel.
Maintenant ce n’est pas facile pour une femelle de tomber dans une génération dominée par un cheval comme Idao de Tillard. Mais elle a montré qu’elle n’était pas loin de le battre comme dans le Critérium, même si je sais que le mâle a beaucoup de poids sous les pieds et que son physique n’est pas le même. Le matin, elle s’économise et se transcende une fois qu’elle est en piste, avec une vitesse de jambes qui sort vraiment de l’ordinaire."
Vous voyez, je rêve encore et pourtant on ne peut pas dire que je sois un rêveur. (Jacques Cottel)
Le propriétaire n’a d’ailleurs pas renoncé à voir
Inmarosa battre celui qui s'avance vers le Prix Ténor de Baune - Amérique Races PMU Q4 pour décrocher une quatrième couronne dans un Groupe 1 :
"Si nous la courons dans le "Ténor de Baune", c’est bien avec l’espoir qu’elle décroche son ticket pour le Prix d’Amérique ! Sinon, il lui restera encore une possibilité dans une autre qualificative. Et puis, si ce n'est pas pour cette année, alors ce sera pour l’année suivante. Vous voyez, je rêve encore et pourtant on ne peut pas dire que je sois un rêveur".
© J.-C. BriensJacques Cottel (à gauche)