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Idao de Tillard en vitesse maximale
Actualité - 28.01.2024

Idao de Tillard, sans limites !

Où sont ses limites ? Le triomphe absolu d’Idao de Tillard dans le Prix d’Amérique Legend Race (Gr.1) 2024 pose immédiatement avec lui cette question. Le crack de Thierry Duvaldestin et Cyril Sevestre a dominé de la tête et des épaules l’opposition proposée ce dimanche. Et pourtant, il n’a pas eu le parcours des plus faciles, contraint d’évoluer en épaisseur. Mais sa supériorité est telle qu’il a encore réussi à produire une accélération dont il a le secret. Son entraîneur parle d’énigme à son sujet. Quel plus bel hommage que la reconnaissance, humble, d’une forme de non-compréhension de l’alchimie qui compose un crack ? Ce sacre est encore celui d’un homme, Thierry Duvaldestin. Le professionnel ajoute une dimension familiale augmentée avec la contribution de son fils Clément comme driver.

Il y avait quelque chose de suranné dans le dernier tournant du Prix d’Amérique Legend Racee 2024. Celle d'avoir vu le grand favori voyager par l’extérieur, longtemps en quatrième puis troisième épaisseur dans la plaine, puis positionné à la fameuse place du mort dans le vocable si imagé anglo-saxon. Idao de Tillard (Sévérino) tirait pourtant encore dans le dernier tournant. Clément Duvaldestin avait la pose magnifique d’un pilote qui en a plein les mains. Et le contraste à cet endroit avec les autres protagonistes est saisissante. Le 6 ans est au-dessus du lot. Il va par dessus les autres. Il y a quelque chose d'Ourasi (Greyhound) à ce moment. Une forme de supériorité mystérieuse, presque gênante pour les autres. "Il a réalisé la meilleure performance de sa carrière", dira en conférence de presse Thierry Duvaldestin.

Bloquer pour gagner
La victoire s’est jouée à l’ancienne donc. Avec un vainqueur capable de renvoyer aux orties tous les dogmes modernes de l’optimisation des efforts. Il courait ferré des antérieurs – il est le premier depuis Bold Eagle en 2017 dans ce cas. Il n’a fait que tourner autour des autres, renvoyant aux Ourasi, Eléazar et consorts. Bref à un temps où on ne comptait pas les mètres par Tracking. Et derrière cela, il y avait les consignes de Thierry Duvaldestin. Celles de bloquer au maximim la course avec le favori, celles de toujours penser en réserve de vitesse disponible. L’entraîneur nous confie : "J’avais dit à Clément : "Tu bloques où que tu sois. Aie confiance en ton cheval. Si tu es tête et corde, tu bloques, si tu es en troisième épaisseur, tu bloque, si tu es au milieu, tu bloques." Et il l’a fait. Sauf que dans un Prix d’Amérique, on ne bloque jamais complètement. Il fallait qu’il garde sa réserve de vitesse le plus longtemps possible."

La course des extérieurs
Contraint à tous les extérieurs, Idao de Tillard s’est posé dans la descente aux côtés de l’animateur Hail Mary (Googoo Gaagaa). Et n’essaiera jamais de le déborder, selon les consignes de bloquer la course. Effectuer en quelque sorte une course d’attente en tête. Dans le dernier tournant, Hail Mary n’a pas encore rendu les armes mais son heure de fin d’effort approche. Ampia Mede Sm (Ganymède) qui planquait derrière Idao de Tillard n’a plus sa superbe. Et Idao de Tillard a produit sa fulgurante accélération à l’entrée de la ligne droite, comme si de rien n’était. Il fait le trou et se met à l’abri de tous les retours. Celui d’Hokkaido Jiel (Brillantissime) sera particulièrement incisif et lui permettra de chiper la deuxième place à Joviality (Chapter Seven), remarquable aux termes d’un magnifique parcours intérieur, derrière les leaders.

7e | PRIX D'AMERIQUE - AMERIQUE RACES PMU
Att - 2700 m - Groupe 1 - 1 000 000 €
IDAO DE TILLARD 1'11"6
Severino x America de Tillard (First de Retz)
Driver : C. Duvaldestin - Entraîneur : Th. Duvaldestin
Propriétaire : C. Sevestre - Eleveur : Ec. Chaunion
2e Hokkaido Jiel 1'11"7 Brillantissime x Victory Jiel
3e Joviality (swe) 1'11"7 Chapter Seven x Pasithea Face
4e : Go On Boy - 5e : Italiano Vero - 6e : Hooker Berry - 7e : Ampia Mede Sm

D'où vient-il ?

Idao de Tillard provient de l’élevage de Francoise Chaunion. Il est passé par le ring des ventes de Caen, où il a été vendu 27.000 euros, yearling. Il est signé par l’Elevage de Tillard, des deux côtés de son pedigree, fruit du rapprochement de deux gagnants de Critérium Continental (Groupe 1), Sévérino 1’11’’, son père –un « Tillard », même si son nom ne l’indique pas–, et Classe de Tillard 1’12’’ (Workahoklic), sa grand-mère. Avant « Idao », ces deux-là étaient deux des trois meilleurs représentants de l’élevage maison, le troisième étant le millionnaire Bonheur de Tillard 1’11’’ (Podosis), éclectique vainqueur des Prix de l’Atlantique et de l’Ile-de-France.

Gobernador 1'11''0 Buvetier d'Aunou (US) 1'14''4
Severino 1'11''2 Tangala 1'23''1
Katia de Tillard 1'20''3 Mon Tourbillon 1'14''1
IDAO DE TILLARD Elite de Tillard 1'20''5
First de Retz 1'11''8 Podosis 1'16''1
America de Tillard 1'16''0 Ballerine de Retz
Classe de Tillard 1'12''3 Workaholic (US)
Olympe de Tillard 1'19''3
© AprhLa joie de Clément Duvaldestin au passage du poteau
Thierry Duvaldestin partage une analyse qui rejoint la nôtre : "Quatrième épaisseur, troisième puis deuxième épaisseur. Il a toujours été mal embarqué. Et en plus, il avait la deuxième favorite dans son dos. Pour moi, ce n’était pas possible. Je pensais qu’il allait se faire "trouer" à la fin. Aujourd’hui, il a montré qu’il était le plus fort."

Le portrait du vainqueur

Acheté yearling sur la place des ventes de Caen par Thierry Duvaldestin, pour 27.000 €, Idao de Tillard représente l’élevage de la famille Chaunion, actuellement animé par Françoise. La grand-mère du champion est par ailleurs Classe de Tillard, une performeuse classique de l’élevage dans les années 1990. Copropriété de Cyril Sevestre, dont il porte les couleurs, Idao de Tillard se révèle vite un surdoué. Il s’impose en fin d’année de ses 3 ans dans l’incroyable réduction kilométrique d’1'10’’7 à Vincennes. Il devient le leader de sa génération à 4 ans, un âge où il remporte deux Groupes 1 (le Prix de Sélection et le Critérium Continental – Amérique Races PMU Q3). Réputé pour être l’un des champions les plus rapides sur un 200 mètres, il éblouit de nombreuses fois l’an dernier et accroche deux nouveaux Groupes 1 à son palmarès. Son échec dans le Prix d’Amérique Legend Race 2023 est à ranger dans le placard des mauvais souvenirs (vite éliminé sur faute). Promu depuis de nombreux mois favori de l’édition 2024, le crack est fidèle au rendez-vous en dépit d’une préparation finale perturbée par quelques soucis de santé. Il permet à Thierry Duvaldestin de remporter un troisième Prix d’Amérique comme entraîneur, un peu plus de dix ans après le doublé de Ready Cash (2011 et 2012). Il s'agit en plus, cette fois, d'un triomphe familial complet avec le fils du professionnel, Clément, dans le rôle de driver. À 25 ans, ce dernier devient l'un des plus jeunes vainqueurs de l'épreuve.

Une pression importante
Thierry Duvadestin : "On essaie de tout faire bien mais ce n’est pas toujours le cas. J’étais assez nerveux lors des quinze derniers jours. Il y a une semaine, je disais : "Vivement lundi après le Prix d’Amérique, que ce soit fini. Bien ou mal." C’est évidemment plus que bien."


© Aprh
Thierry et Clément Duvaldestin

L'émotion et les doutes de Thierry Duvaldestin

Il s'agit du troisième titre dans le Prix d'Amérique pour Thierry Duvaldestin, après ceux, en 2011 et 2012, signés avec Ready Cash (Indy de Vive). Le professionnel réagit avec son émotion à son retour dans le palmarès américaine, avec aussi, la présence de son fils Clément en position de driver : "Au moment de Ready Cash, Clément et Théo devaient avoir 10 et 12 ans. Idao de Tillard est un cheval que j’ai acheté, débourré. On a tous fait avec Clément, c’est fou. On l’a toujours estimé même si on s’est loupé une fois ou deux et, là, on n’a pas allégé du tout. On a même un peu alourdi. Avec 230 grammes, on était plus lourd que dans le Critérium. Je craignais trop qu’il tombe léger. Le cheval est fort. Je réalise mais je réaliserai peut-être plus, plus tard. C’est énorme. C’est une énigme ce cheval. On doutait avant la course car on a eu un ou deux trucs qui nous a embêté dans la préparation. On n’était pas sereins."

Les secrets de famille dans le Prix d’Amérique
Deux ans après le sacre de Nicolas Bazire avec Davidson du Pont (Pacha du Pont), sous les conseils tutélaires de son père Jean-Michel, c’est une autre famille des courses qui marque l’édition 2024 de son empreinte. Les Duvaldestin père et fils personnalisent aussi la transmission réussie.


Susanne Ohme, Idao de Tillard est son meilleur ami

Lad d’Idao de Tillard, Susanne Ohme, 30 ans, a noué une relation particulière, quasi fusionnelle avec Idao de Tillard. Elle nous en présente le contexte : "J’ai commencé à travailler chez Thierry Duvaldestin en novembre 2021. Il m’a confié Idao de Tillard assez rapidement après mon arrivée alors je suis à ses côtés pour toutes ses courses depuis deux ans. Pour moi, Idao est un ami, mon meilleur ami. Quand j’ai commencé ici je ne comprenais pas du tout le français alors Idao était le seul être avec qui je pouvais communiquer. Je parlais avec lui toute la journée !" Ce dimanche, elle a connu de très grandes émotions : "Il a été formidable. On a eu tellement de pression. Il y a beaucoup de stress quand on est au bord de la piste. Ces dernières semaines n’ont pas été parfaites pour Idao. On a été inquiets mais il faut faire de son mieux et croire en son cheval."
© B. Vandevelde - SETF
L'émotion de Susanne Ohme

Un soulagement pour Cyril Sevestre

Copropriétaire du crack, Cyril Sevestre possède ses couleurs depuis 2012. Il n'en finit pas de mesurer la chance qu'il a et nous partage une victoire en forme de soulagement : "Je ne sais plus où je suis, dans quel espace, mais je suis bien. J’ai un peu récupéré là mais je ne réalise pas encore. On a gagné le prix d’Amérique quoi ! Je suis content pour moi cheval car il le mérite on savait qu’il en avait les possibilités mais il fallait conclure. Maintenant c’est fait. Le restant de sa carrière est important mais il fallait qu’Idao de Tillard gagne un Prix d’Amérique. Cela me tenait à cœur. Il a prouvé sur la piste qu’il est le meilleur. Je me rappelle le jour de la vente. Je n’étais pas présent mais j’étais au téléphone avec Thierry Duvaldestin. C’est un rêve d’être propriétaire d’un trotteur mais sans penser en arriver là un jour. La chance sourit aux audacieux et j’ai eu énormément de chance. J’espère que d’autres personnes franchiront le pas. À la base, je suis turfiste, amoureux des trotteurs. Je suis venu aux courses par le jeu et, surtout, par la passion du trotteur. On est conscient que tout le monde ne vit pas ça dans leur vie. Nous, on a ça. D’autres ont les Jeux Olympique ou la Coupe du Monde."



L'hommage rêvé pour les "Tillard"

Les "Tillard", c'est elle. Françoise Chaunion a vécu le moment dont elle rêvait depuis longtemps : "L’année dernière, j’avais plus vécu la course qu’aujourd’hui (lire dimanche). C’était la joie de courir le Prix d’Amérique même si la disqualification était vite intervenue. Cette année, c’était plus tendu. Je la voulais tellement cette victoire ! C’est presqu’inimaginable même si, quelque part, je l’attendais au fond de moi. C’est une très large récompense pour des années et des années de travail. C’est évidemment un grand hommage à mes parents qui ont débuté l’élevage il y a tout juste cinquante ans. Je suis ravie. C’est fait ! C’était très important à mes yeux qu’un "Tillard" marque l’histoire. Cette victoire est plus qu’une étape de faite mais il faut que cela continue. Ce n’est pas la fin du tout, c’est au contraire un nouvel élan et cette récompense va me porter loin j’espère même si monter plus haut, ce sera difficile."
© Aprh
Françoise Chaunion avec Cyril Sevestre

Un pedigree en alternance

Idao de Tillard concentre, dans son proche pedigree, le meilleur des sangs français et américain, avec les caractéristiques propres à chacun de ceux-ci. Sévérino 1’11’’, son père, est un cheval classique, dans le plein sens du terme, gagnant de Critérium, fils d’un champion éclectique, Gobernador 1’11’’, deuxième d’un Prix de Cornulier (Groupe 1), puis vainqueur des Prix de France (Groupe 1) et de Paris (Groupe 1), de la lignée mâle d’un grand étalon standardbred, en l’occurrence Royal Prestige 1’11’’ (Speedy Crown). First de Retz 1’11’’ (Podosis), son père de mère, remporta deux fois le Prix de Cornulier (Groupe 1) et est également au palmarès du Prix de Normandie (Groupe 1), tout en ayant montré d’excellents moyens à l’attelage. Le père de mère précédent est l’américain Workaholic 1’11’’ (Speedy Crown) et, une génération plus tôt, on trouve l’excellent cheval monté Valmont 1’18’’ m. (Fandango). Les inbreedings phares du pedigree : Podosis (4x3) et Speedy Crown (5x4).

L'analyse des placés

■ David Thomain (2ème avec Hokkaïdo Jiel) : "On a bien voyagé et il a bien slalommé mais on a trouvé l’ouverture très tard. Quel finish il a eu. Le meilleur a gagné mais je suis vraiment content."
→ Jean-Luc Dersoir (entraîneur) : "Le cheval était bien. Beaucoup de gens avaient peut-être oublié sa victoire dans le Prix René Ballière et le fait qu’il détient le record de la piste. Il n’avait pas fait une préparation terrible mais il reste Hokkaïdo Jiel. C’est pour moi un aboutissement au sein d’une carrière avec l’Ecurie de M. Luck."
→ Eric Frémiot, manager de l’Ecurie Jean Luck : "Cette deuxième place dans un Prix d’Amérique est un aboutissement pour toute l’équipe. Pour l’élevage car c’est un cheval élevé à La maison, pour mon grand-père qui a investi depuis plus de quarante ans dans les chevaux, pour Jean-Luc Dersoir qui nous accompagne depuis tant d’année et pour toutes nos équipes qui oeuvrent au quotidien. Je ne trouve pas les mots. On rêve toujours de participer et d’être à l’arrivée de cette course. C’est exceptionnel."
■ Björn Goop (3ème avec Joviality) : "C’est une sacrée jument. Elle a très bien couru. Elle perd la deuxième place de si peu. On est ravis, on est heureux."
■ Romain Derieux (4ème avec Go On Boy) : "Cela a été un cauchemar toute la course. Des chevaux qui n’ont aucune chance ont cédé à 1.500 mètres de l’arrivée et ont emboucané la course. C’est vraiment écœurant. C’est un crack, il a effectué une ligne d’arrivée exceptionnelle comme il sait le faire. C’est vraiment dommage car il aurait pu très, très bien faire (N.D.L.R. : comprendre gagner)."
■ Mathieu Mottier (5ème avec Italiano Véro) : "L’année dernière, il était troisième. La dernière fois, alors que je le découvrais, il avait fait la faute en descendant. Aujourd’hui, j’ai fait plus attention et il était parfait d’allures avec le déferrage. Il avait peut-être aussi monté sur sa dernière course. Je n’ai aucun regret."

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