Il leur aura fallu faire leur place. Et si tout n'est pas encore simple ni gagné, les agents sont aujourd'hui des acteurs des courses au trot à part entière, comme ils ont su l'être au galop. Parfois pour le pire, avec des incompréhensions et des comportements inappropriés dans un milieu ancré dans ses habitudes historiques, et pour le meilleur quand on regarde les records des dernières saisons et la professionnalisation globale.
Où en est-on de la situation des agents à la fin 2020 ? Éléments de réponse.
Il semble loin le temps où les pelotons étaient composés d'éleveurs-propriétaires-entraîneurs-drivers. Aujourd'hui la grande majorité des pelotons, attelés comme montés, est composée de "pilotes", comme on les appelle. Si quelques-uns d'entre eux cumulent deux casquettes, assez exceptionnellement trois, les pilotes ont pris le dessus et s'appuient sur les services d'agents qui participent à l'organisation de leur emploi du temps et à leur trouver les meilleures associations possibles. Devant la multiplication des vocations constatées ces dernières années, LeTROT a ainsi modifié en septembre 2019 son Code, l'Article 36 en l'occurrence, afin de "connaître et d’agréer les personnes
qui s'impliquent dans les courses au trot via ce nouveau métier. Cette modification faisait suite aussi à une demande des entraîneurs qui étaient de plus en plus sollicités par les agents, sans pour autant les connaître officiellement. L’objectif a été d’identifier les agents et d’encadrer réglementairement leur rôle" explique-t-on à la maison-mère.
Que dit le Code ?
Cette modification au Code des courses est ainsi applicable depuis le 1er janvier 2020. Alors, forcément, au terme d'une année 2020 ô combien compliquée, ces douze mois auront permis de trouver ses repères et de mettre en places les règles. La mise en oeuvre est pour janvier 2021. C'est pourquoi les agents (ou mandataires selon les termes de la réglementation) vont devoir obligatoirement répondre favorablement aux critères de l'article 36, lequel précise :
"Toute personne agissant en qualité de mandataire d’une personne titulaire d’une autorisation de monter en qualité de jockey doit être agréée par les Commissaires de la SECF, qui peuvent, à tout moment, retirer leur agrément. Le mandat précisant ses pouvoirs doit être déposé auprès de la SECF."
Le contrat entre le mandataire et le jockey est lui aussi réglementé par l'article 36 :
"Dans le cadre de la procédure d’agrément, un contrat doit être établi entre le jockey et son mandataire et, avant signature, être soumis à l’approbation des Commissaires de la SECF qui vérifient que ses termes ne sont pas contraires au Code des courses au trot. Les Commissaires de la SECF peuvent exiger tout renseignement et tout justificatif qu’ils jugent utiles à l’examen du dossier. Toute modification ultérieure du contrat doit être immédiatement communiquée pour examen aux Commissaires de la SECF. En cas de non-conformité du contrat avec les dispositions du présent Code, ils peuvent procéder au retrait de l’agrément accordé au mandataire conformément au § I du présent article. L’agrément d’un mandataire visé au § I du présent article entraîne le paiement d’un droit d’enregistrement. Les agréments des mandataires ainsi que les liens contractuels sont publiés, au fur et à mesure, au Bulletin de la SECF."
Qui est agréé ?
Au fil des mois, ce sont pour le moment huit mandataires/agents qui ont obtenu leur agrément quand on sait qu'ils sont une petite quinzaine à officier d'une façon ou d'une autre.
Les huit agréés (au 29 décembre et par ordre alphabétique) :
Enzo Bodineau (Marius Coignard, Sébastien Ernault, François Lagadeuc, Paul Ploquin, Jean-Philippe Monclin),
Damien Caze (Romain Le Creps),
Alexandre Decoopman (Cédric Terry),
Edith Goetz (Franck Nivard),
Yves Morin (Émeline Desmigneux, Luc Legros),
Alexis Paysant (Victor Saussaye, Alexis Grimault, Théo Peltier),
François Pipaud (Franck Marty)
Benjamin Poirier (Florian Desmigneux, Clément Frécelle, Mathieu Fribault, Melvin Kondritz).
En même temps que nous rédigions ces lignes, nous apprenions qu'Edith Goetz ne serait plus l'agent de Yoann Lebourgeois en 2021. C'est aussi ça la réalité de cette nouvelle composante : il y a des associations qui se font et se défont.
Plusieurs noms manquent à cette liste et notamment les agents des deux numéros 1 en 2020 Eric Raffin (Sulky d'Or) et Mathieu Mottier (Étrier d'Or), ou encore celui qui fut le premier à lancer la fonction officieusement, Kamel Slimani lequel gère les intérêts d'Alexandre Abrivard, auteur de la meilleure année de sa jeune carrière en 2020. "Il s'agit d'une simple question de jours ou au plus de semaines" nous a expliqué pour sa part Franck Pinchinat, manager des deux David, Thomain et Bekaert.
Le contrat tripartite
Avec chacun des drivers/jockeys qu'ils gèrent, les agents/mandataires sont donc désormais liés contractuellement, via un document officiel validé par LeTROT (qui fait donc office de troisième partie) devant mentionner les informations suivantes :
- l’identité et les coordonnées du titulaire de l’autorisation de monter,
- l’identité et les coordonnées de l’agent qui doit être une personne physique majeure et ne pas être titulaire d’une autorisation d’entraîner ou de monter,
- l’objet et les limites de la mission confiée,
- la durée du contrat,
- l’engagement de respecter l’indépendance professionnelle du titulaire de l’autorisation de monter,
- les obligations financières du titulaire de l’autorisation de monter.
Autant de règles qui doivent permettre "dès début 2021", pour reprendre les termes de LeTROT qui fait donc preuve d'un peu de souplesse avant que les retardataires ne se mettent en règle, à interdire à toute "personne titulaire d’une autorisation de monter en qualité de jockey à utiliser les services d’un mandataire si celui-ci n’a pas été agréé par les Commissaires de la SECF sous peine de l’une des sanctions prévues par l’article 34 § IV du présent Code." De plus, les apprentis, lads-jockeys ou amateurs ne peuvent pas utiliser les services d'un agent au risque de s'exposer également à des sanctions.
Côté agents, il leur est interdit (directement ou indirectement) de parier sur des courses auxquelles participe un jockey/driver qu'il a dans son équipe, ni de "communiquer à des tiers des informations privilégiées, obtenues à l’occasion de sa profession ou de ses fonctions, et qui sont inconnues du public."
Le métier d'agent est donc désormais clairement encadré et s'il reste encore quelques détails à régler, la situation anarchique connue il y a encore deux ou trois ans n'a plus rien à voir avec celle constatée aujourd'hui. Bientôt, leur efficacité pourrait-elle devenir un outil d'analyse pour les parieurs les plus affamés de datas ? Et pourquoi pas.
En attendant, Guillaume Maupas, Directeur technique de LeTROT, voit une autre piste d'évolution, réglementaire celle-ci : "On pourrait imaginer solliciter un avis favorable du Ministère de l’Intérieur sur la moralité des personnes qui souhaitent obtenir cet agrément. C’est une discussion que nous devrons avoir avec France Galop et le Service Central des Courses et Jeux au Ministère. C’est la procédure actuellement pour toutes les autres personnes qui se voient délivrer un agrément par les Commissaires de la SECF (propriétaire, entraîneur ou jockey)."
Si Kamel Slimani fut le précurseur en accompagnant Jean-Michel Bazire dès les années 2000, Franck Pinchinat est agent depuis 2015 et a été le premier à le proposer comme un service à part entière à Matthieu Abrivard notamment. Il a répondu à nos questions.
Avant toute chose, pourquoi ne vous trouve-t-on pas encore dans la liste des agents agréés ?
Ce n'est qu'une question administrative, un document d'assurance manquant à mon dossier mais tout sera en ordre très prochainement.
Comment définissez-vous le rôle d'agent ?
Il s'agit d'accompagner au mieux les membres de mon équipe (David Thomain, David Bekaert et Maxime Tijou) afin d'optimiser leurs performances. Contrairement à ce qu'on peut croire, cela ne résume pas à la recherche de montes. C'est aussi être un soutien les jours moins positifs. Car les sportifs, les athlètes et donc les jockeys marchent aussi au mental : c'est même 50-60% de leur réussite. Leur talent entre en compte mais à ce niveau-là ils ont tous du talent et le psychique est donc capital. Je me dois donc d'être au niveau c'est pourquoi je suis depuis deux mois une formation de préparateur mental. J'ai toujours été passionné par la dimension psychologique de la compétition pour un sportif. J'en parle beaucoup avec Julien Fébreau, le commentateur de la F1 sur Canal+ et en parallèle préparateur mental pour de jeunes pilotes automobiles et l'aspect mental est primordial. En particulier la confiance qu'il faut maintenir à son meilleur niveau malgré les circonstances parfois négatives : pour exceller, la confiance est centrale et le métier d'agent tel que je le conçois aujourd'hui est de savoir trouver les justes mots pour améliorer les choses, de telle sorte qu'ils soient à 200% quand ils se mettent au sulky ou en selle.
Concrètement, cela donne quoi ?
On s'appelle tous les jours, parfois matin et soir avec David Thomain et David Bekaert. On évoque beaucoup de sujets, les courses et les chevaux évidemment mais pas seulement car il est important de savoir parler d'autres choses pour évacuer la pression. Et on rentre dans les détails pour trouver les points d'amélioration, souvent ce sont eux qui font la différence. On parle aussi de l'image qu'ils véhiculent car c'est crucial à mes yeux.
Le rapport avec les entraîneurs a-t-il progressé ?
J'ai été parmi les premiers à structurer l'activité avec plusieurs drivers et il est clair que la situation a très nettement évolué sur les cinq dernières années. On n'est pas, cela dit, encore considérés comme nos collègues du galop. C'est ainsi. Mais tout est une question de temps. Selon moi les agents ont contribué à l'évolution du métier de drivers mais aussi à atteindre des scores exceptionnels comme celui d'Eric Raffin ces deux derniers exercices, quand bien même il est le numéro 1 incontestable.
Quelle est votre position concernant les agréments ?
Ils vont nous permettre d'être reconnus officiellement ce qui est, de fait, très important. J'aurais simplement aimé plus de concertation avec nous les agents. Je considère notamment que le % revenant à l'agent ne regarde pas la société-mère.
À quelques heures de la fin de l'exercice 2020, comment jugez-vous votre année ?
Ce fut une saison particulière pour tous bien sûr. Mais on est très satisfaits car on est en constante progression et c'est le plus important : faire toujours mieux à tous les étages tout en fidélisant les clients au maximum.
Le mental c'est 50 à 60% de la réussite d'un pilote
Franck Pinchinat
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