... ©BrunoVandeVelde/SETF
Histoire de fers
Actualité - 16.05.2024

Des pratiques de déferrage raisonnées et raisonnables

L'adoption par le Comité de la Société d'Encouragement à l'élevage du Trotteur Français (SETF) d'une nouvelle réglementation sur le déferrage, plus restrictive, ne bouscule pas fondamentalement le principe du droit au déferrage. Elle l’encadre plus qu’aujourd’hui. À partir du 1er juillet, un trotteur ne pourra plus être déferré plus de 15 fois sur douze mois glissants. Et les 2 et 3 ans ne pourront plus être plaqués. Deux décisions qui s’inscrivent dans la volonté d’éviter les possibles excès. Le déferrage à la Française entre donc dans une ère nouvelle marquée par l’attention pour "des pratiques raisonnées et raisonnables". Une philosophie qui intègre aussi en son cadre, plus clairement que par le passé, la notion de bien-être équin.

Le déferrage et sa réglementation font partie des sujets qui peuvent fâcher. Ou du moins opposer frontalement les tenants de deux lignes de conduite radicalement différentes. D’un côté, on a les opposants au déferrage. Leurs arguments vont du bien-être équin à sa conséquence sur la capacité à faire durer un compétiteur, en passant par l’équité des chances (si tous les candidats sont ferrés, ils évoluent dans le même et strict contexte concurrentiel). Plusieurs ont développé leurs convictions dans notre édition du 15 juin 2022. De l’autre, il y a les partisans du déferrage. Pour eux, il est consubstantiel de la performance, la raison même des courses, et découle du libre-choix de chacun, qui dispose des mêmes droits de déferrer ou non. Là encore, plusieurs professionnels sur cette ligne nous ont détaillé leur point de vue en 2022 (édition du 26 juillet).

Le sujet est toujours là et un statu quo a fait office d’arbitre depuis plusieurs années. Les choses viennent d’évoluer, avec de nouvelles conditions plus restrictives à partir du 1er juillet. Parmi les éléments de contexte, il y en a deux qui prédominent. D’une part, la tendance permanente au plus de déferrage (voir les données plus loin). Désormais, plus de 50 % (52,2 % en 2023) des trotteurs courent déferrés plus de six fois par an. Ils n’étaient que 37,8 % dans ce cas de figure en 2019 et 43,7 % en 2021. D’autre part, la montée en puissance du bien-être équin n’accepte plus les cas "borderline". En interdisant de courir déferré(e) plus de 15 fois sur douze mois glissants, ce sont les 8 % des partants les plus exposés (une donnée de 2023) que l’on contraint à rejoindre une pratique du déferrage que l’on veut plus raisonnable.

Bruno Muel, président de la Commission du Code

Dans son rôle de président de la Commission du Code des Courses de la SETF, Bruno Muel a été l'un des principaux acteurs de la réforme de la réglementation sur le déferrage.

24h au Trot.- Pouvez-vous nous parler du processus qui a conduit à revoir les règles de déferrage votées lors du Comité de la SETF ce mercredi ?
Bruno Muel.- Ce sujet est en fait sur la table depuis plusieurs mois et avait été mis entre parenthèses le temps des élections car c’est un sujet qui peut être irritant et qui se devait d'être abordé dans la sérénité. Nous nous en sommes saisis en février lors des premiers travaux de la nouvelle Commission du Code dont j’ai été élu président. J’ai interrogé et consulté sur le sujet tous les présidents des Comités régionaux, sur la base des différentes données à notre disposition. La question de la révision de la réglementation du déferrage devait absolument avoir un retour et une expression du terrain. Par exemple, six Comités se sont prononcés pour l’interdiction du plaquage à 2 et 3 ans et les trois autres ont exprimé un avis contraire.

Concernant le maximum de 15 déferrages par cheval sur une année glissante, quels principes ont œuvré ?
B.M.- Nous sommes partis de la conclusion de l’étude de Jean-Marie Denoix qui montrait qu’un trotteur mettait un mois pour récupérer l’intégrité de son pied (corne notamment) après une course déferrée. Il nous a semblé qu’il était temps de prendre une décision de régulation, de dresser un cadre pour éviter les abus. On sait que 95 % des entraîneurs travaillent très bien mais on sait aussi qu’il peut y avoir des abus, forcément dommageables pour notre image et notre profession. La première proposition était de limiter à 12 déferrages sur 12 mois glissants. La Commission du Code a demandé à être plus souple. Ce qui a conduit à ne pas comptabiliser les courses sur l'herbe et à passer à 15 fois sur 12 mois glissants. Cela concerne moins de 8 % des partants. Pour nous, ces décisions s’inscrivent dans une plus grande prise en compte du bien-être animal.

Est-ce que le sujet de la baisse des partants a aussi motivé ces nouvelles règles ?
B.M.- Pas vraiment. On ne peut citer le recours au déferrage comme facteur direct de la baisse des partants. Il y a plutôt un ensemble de facteurs qui conduisent à la baisse des partants. Et parmi eux, le recours excessif au déferrage peut conduire à avoir des chevaux qui courent moins souvent s’ils ont perdu en souplesse par exemple. On est quand même ici dans le cadre d'une relation indirecte et multifactorielle. Il faut aussi rappeler que les chevaux peuvent réagir très différemment au déferrage. Quant à l’interdiction du plaquage à 2 et 3 ans, il me semble logique. Il a été prouvé que le plaquage (je ne parle pas ici de la résine), avec ses clous, pouvait abîmer les parois des pieds et impacter à terme le physique des jeunes trotteurs.

Pourquoi avoir opté pour une interdiction complète et non pour une limitation du nombre de recours au plaquage par exemple ?
B.M.- Dans nos consultations, notamment dans les Comités régionaux, beaucoup de professionnels nous ont répondu qu’ils plaquaient parce que le "voisin" plaquait. Ils le faisaient donc pour rester concurrentiels. En interdisant le plaquage, on replace tout le monde à égalité en quelque sorte.

Quel premier bilan après trois mois à la tête de la Commission du Code des courses ?
B.M.- Je suis vraiment content de l’implication de tous les membres de la Commission du Code. Chacun est force de proposition, a envie de travailler et les débats sont riches et sains. Cela fait bien avancer les choses. Le travail dans notre commission représente un important investissement personnel de temps pour chacun de ses membres. Des questions importantes pour le futur vont être à notre ordre du jour prochainement comme celle concernant le poids des jockeys. Ce sera aussi un sujet majeur pour l’avenir des jeunes dans nos métiers. Nous allons débattre en sérénité et prendre du temps sur ce type de problématique.


© ScoopDyga
Bruno Muel
"Encadrer les pratiques de déferrage pour rester dans des pratiques raisonnées et raisonnables"
Arnaud Duluard est responsable du Département Élevage, Bien-être & Santé animale - Vétérinaire conseil de la SETF
"L’étude de référence réalisée il y a quelques années avec le professeur Jean-Marie Denoix (CIRALE) sur l’impact du déferrage sur le confort du pied du trotteur concluait que, si on n’abuse pas et que l’on est dans des pratiques raisonnées et raisonnables, on ne porte pas atteinte au bien-être animal. Parallèlement, depuis 2015, nous avons suivi l’évolution des pratiques de déferrage dans les courses au trot en France. Ce qu’on constate, c’est que le recours au déferrage est de plus en plus important. On a une tendance qui s’installe et qui nous dit qu’il faut que l’on soit prudent et que l’on cadre cette pratique. Les cas des partants déferrés 15 fois et plus sur une année glissante concernent 7 à 8 % de la population. La mesure prise vise bien à préserver les bonnes pratiques. On sait que la grande majorité des professionnels travaillent bien et ne déferrent pas excessivement. Mais, pour préserver les risques, mettre ce cadre permet de devancer les excès. C’est aussi un signe fort de prise en considération du bien-être animal. Pour résumer, on encadre mieux les pratiques de déferrage pour rester dans des pratiques raisonnées et raisonnables."

La réaction de Stéphane Meunier, Président du SEDJ

"Membre de la Commission du Code, j'ai été amené à travailler sur le dossier et au nom du SEDJ, je peux dire que nous sommes en complète adéquation avec cette proposition. L’idée est d’encadrer les potentiels abus et après multiples discussions, nous avons acté le principe de cette limitation."

24h au trot : Comment en êtes-vous arrivé au chiffre de 15 déferrages maximum par an ?
"Le débat s’est prolongé et on a fini par trouver un consensus autour de 15 en se basant sur l'exemple d'un entraîneur courant toutes les étapes du GNT et la Finale : comment choisir vis-à-vis du public telle ou telle étape pour ne pas déferrer ? Il était de toutes façons difficile de trouver le meilleur nombre et il fallait en arrêter un."

Est-ce vraiment contraignant ?
"En toute franchise, pour la grande majorité des entraîneurs, je pense que cela n'engendre aucune contrainte particulière. Cela symbolise plus qu'autre chose notre volonté d'encadrer la pratique. L'option de contraindre une rythmique, comme une fois par mois par exemple, aurait pu engendrer des effets collatéraux sur le plaquage."

C'est-à-dire ?
"Plaquer n'est pas sans conséquence et l'usage des clous à tête plate peut abîmer les parois des pieds. C'est pourquoi la décision pour les jeunes chevaux est très bonne et va également dans le bon sens."

L'avis de Jean-Michel Baudouin

Professionnel adepte du déferrage (lire notre édition du 26 juillet 2022), Jean-Michel Baudouin nous livre sa réaction sur les nouvelles règles de déferrage.

24h au trot.- Sur le volet qui limite à 15 courses sur 12 mois la présentation d'un même cheval déferré, votre avis ?
Jean-Michel Baudouin.- Je trouve que c'est déjà très bien. 15 fois dans une année sans compter les courses sur l'herbe, c'est énorme. GASPAR D'ANGIS a couru 15 fois l'an dernier dont 14 fois déferré. C'était beaucoup. Cette limite peut impacter certains entraîneurs mais une telle décision impactera toujours certains. Je trouve pour ma part que c'est une très bonne décision si le bien-être animal y gagne aussi.

Concernant l'interdiction du plaquage à 2 et 3 ans ?
Cela me semble moins simple. Un cheval comme LUCKY SIBEY est plus malheureux ferré que plaqué. Où est la protection animale dans ce cas pour un cheval heureux d'être plaqué ? Mais on est là dans un cas sans doute particulier et il ne faut pas en faire une généralité. Je respecte cette décision mais il ne faudrait pas non plus qu'elle ouvre la porte à de nouveaux produits (développés par les marchands de fers) qui seraient pires que les plaques. Il ne faudrait pas que la solution retenue soit pire que ce qu'elle prétend protéger.
© 24h

A voir aussi :
...
Objectif atteint pour Lemon Tree

Placé au niveau Groupe 2 et quatrième du Prix du Comte de Pierre de Montesson (Gr.1) en début d’année 2024, Lemon Tree (Face Time Bourbon) a été arrêté sept mois avant de faire sa réapparition fin ...

Lire la suite
...
Le Bourgogne,
un must des tables de fêtes

La destination finale du Prix d’Amérique Legend Race se fait de plus en plus proche : le Prix de Bourgogne-Amérique Races Q5 (Groupe 2) est l’avant-dernière étape sur le chemin royal. A l’origine, elle était ...

Lire la suite
...
Les restants engagés du Prix de Bourgogne

21 chevaux fournissent la liste des restants engagés pour le Prix de Bourgogne Amérique Races Q5 de dimanche prochain à Vincennes après les forfaits enregistrés ce matin. Il s'agit du pointage de 13h30 et cette liste peut encore é...

Lire la suite
...
Liberty Josselyn en pouliche d'avenir

La troisième course de l'hiver aura été la bonne. Préservée en vue du meeting après un début de carrière très encourageant, Liberty Josselyn (Face Time Bourbon) trouve son jour dans ce Prix de ...

Lire la suite