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Stéphane Bourlier chronomètre à la main
Actualité - 18.05.2024

Stéphane Bourlier, la valeur du travail

Depuis bientôt trente ans qu’il s’est installé à son compte dans un haut lieu de l’élevage sarthois, celui des « Ludois », Stéphane Bourlier s’est tracé un parcours professionnel qu’il ne doit qu’à lui-même, avec le travail érigé en valeur inaliénable. Dans la lignée de son meilleur début de saison après deux précédents exercices qui ont été les meilleurs de sa carrière, sa première et récente victoire dans un Groupe 2 avec Kelly de Banville dans le Prix Henri Ballière-Étrier 4 Ans Q2 à Caen apparaît comme une juste récompense sans être une fin en soi.

S’il dit ne pas faire plus attention que cela à son nombre de victoires, Stéphane BOURLIER (57 ans) sait pertinemment que le récent succès de KELLY DE BANVILLE (Eridan) dans le Prix Henri Ballière-Étrier 4 Ans Q2 est de ceux qui marquent une carrière. Un premier Groupe 2 dans un palmarès d’entraîneur qui totalise 699 gagnants depuis ses débuts au printemps 1996 est tout sauf anodin, surtout avec le parcours qui est le sien. "J’ai démarré avec un van deux places, une Ford Escort et neuf courses gagnées. C’est dire si j’ai commencé avec rien, en sourit-il près de trente ans plus tard. Je me suis lancé en me disant que, comme je n’avais rien, au pire je finirais avec rien... Beaucoup ne donnaient pas cher de moi." Ils ont depuis révisé leur jugement. Et ceux qui douteraient encore n’ont qu’à venir découvrir le Haras du Tronchet, le berceau des "Ludois" si cher à Rolande LABBE, l’éleveuse entre autres de VIVE LUDOISE (Kronos du Vivier), qui gagna sous ses couleurs et
pour l’entraînement de Jean-Claude HALLAIS le Prix de Cornulier en 1984, pour comprendre le chemin parcouru par
le professionnel sarthois. Soixante-dix hectares de terrain, près de quatre-vingt-dix chevaux avec l’élevage, deux pistes en sable, de très nombreux paddocks - "tous les chevaux vivent dehors" - composent l’outil de travail.

Quand je n’ai pas le moral, je monte en haut de ma butte, je regarde mes chevaux et ça va tout de suite mieux !

Le travail est justement une valeur essentielle aux yeux de Stéphane Bourlier qui, dès l’achat du domaine auprès de Mme Labbé, se lança dans des travaux. "Aujourd’hui, s’il fallait recommencer, je ne suis pas sûr que les banques me suivraient", s’interroge-t-il. Il ne faudrait pas compter non plus les heures, les jours, les mois, les années d’une vie consacrée aux chevaux. "Je ne peux pas me plaindre. J’adore ce que je fais. Quand je n’ai pas le moral, je monte en haut de ma butte, je regarde mes chevaux et ça va tout de suite mieux !" Il peut alors aussi prendre le temps de se retourner sur son parcours. "J’éprouve un peu de fierté quand je vois la structure aujourd’hui, reconnaît-il sans forfanterie aucune. Mon seul regret est que mon père qui était mon premier supporter ne soit pas là pour voir tout ça. Il nous a quittés trop tôt."

Kelly de Banville, une « Présidentiable » assagie
Si, aujourd’hui, elle peut prétendre au Prix du Président de la République-Étrier 4 Ans Finale (Groupe 1), KELLY DE BANVILLE a donné du fil à retordre à son entourage. Là encore, Stéphane Bourlier met en avant le travail. "Il y a un an, elle ne faisait que des fautes. Elle était très compliquée. On a fait du super boulot avec l’équipe qui m’entoure, rappelle-t-il. Son défaut de jeunesse, c’est-à-dire d’être agressive, de commettre des fautes, est devenue une qualité car cela l’a endurcie. Elle a travaillé plus que les autres car, à chaque fois qu’elle était fautive, elle refaisait des tours de piste." Quelques jours après sa démonstration caennaise, la fille d’Eridan est dans son paddock, seule comme d’habitude. "Elle ne supporte personne", explique son entraîneur qui peut se féliciter de l’avoir envoyée quelque temps chez Charles Antoine MARY après le meeting d’hiver. "J’ai pensé que cela lui ferait du bien. Si j’avais la place suffisante, j’aurais une piscine. Elle en est revenue beaucoup plus belle physiquement." Avant l’échéance présidentielle du 23 juin, la jument de Yoland FOURNIER sera en piste dans le Prix Lavater-Étrier 4 Ans Finale Q3 le 31 mai.

2024 : une première partie de saison idéale

Alors que les exercices 2022 et 2023 ont été déjà très bons, les meilleurs mêmes, avec un record de 42 gagnants l’an dernier pour près de 880.000 € d’allocations, l’actuelle saison est partie sur des bases encore plus élevées. Jamais encore, l’écurie sarthoise n’avait gagné autant de courses (17) après quasiment cinq mois. Le succès caennais de KELLY DE BANVILLE est le meilleur ambassadeur de cette réussite. "Je ne suis pas à la recherche du record de victoires mais à ne pas avoir de problèmes financiers, définit Stéphane Bourlier. Je ne veux pas attendre de gagner une course pour payer une facture, ce que j’ai connu. Quand vous n’avez pas le souci des rentrées d’argent, ça change tout. Vous ne travaillez plus dans le même état d’esprit." À la question de savoir à quoi ou à qui faut-il attribuer cette réussite, la réponse fuse : "C’est la qualité des chevaux qui s’est améliorée. Sans bons chevaux, vous n’êtes rien. Par exemple, les juments qui sont rentrées à l’élevage ont obtenu de meilleurs résultats en courses. Elles sont croisées avec de meilleurs étalons et donc la génétique dans l’ensemble s’améliore".
Stéphane Bourlier prolonge l’analyse de cette réussite en insistant sur l’importance de ceux qui l’entourent. "Quand vous avez une structure comme la mienne, vous n’y arrivez pas tout seul. Si vous n’avez pas de bons gars autour de vous, vous n’êtes rien. J’ai la chance d’avoir une bonne équipe qui connaît ma méthode de travail", insiste-t-il. Cela tombe d’autant mieux que les aléas n’ont pas épargné Stéphane Bourlier ces derniers mois, entre une chute en couse à l’automne et une autre à l’entraînement en début d’année qui a nécessité une intervention chirurgicale au niveau des tendons de l’épaule droite. Depuis, il multiplie les séances de rééducation pour retrouver toute la mobilité de son bras et ne peut donc pas atteler.


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Stéphane Bourlier avec Kelly de Banville
Et puis, ce dont il a souffert dans sa jeunesse - "j’étais reconnu comme un bon salarié dans les écuries par lesquelles je suis passé mais on ne me faisait pas confiance en courses" -, il s’applique à ne pas le répéter : "Je donne leur chance aux gars qui travaillent chez moi". Citons entre autres Clément FRECELLE et Louis JUBLOT les années précédentes. Corentin GOURGAND aujourd’hui. Tout cela permet aussi de tendre vers ce qu’il définit comme la satisfaction principale qui le guide : "Avoir l’impression, je dis bien l’impression, d’avoir travaillé le mieux possible avec mon cheval, qu’il ait gagné un Groupe 2 ou une course à Durtal". Cette réussite a été une motivation depuis qu’il s’est installé. "J’avais cette envie d’y arriver, confie-t-il, avec des valeurs importantes que sont le travail et l’argent. Je n’ai jamais eu de propriétaire qui est venu dans ma cour avec un Ready Cash ou un Love You ou qui m’a donné 30 000 € pour acheter un yearling aux ventes. Je me suis fait tout seul, avec mes associés qui sont devenus mes amis." Un homme en particulier incarne cela : Patrice OGER. Médecin au Lude, il est le plus fidèle de ses propriétaires.

L’équipe
Elle est composée de quatre salariés : Corentin GOURGAND, William DERSOIR-HABIB, Sébastien MIGAUD et Noam Delbecq. Elle est renforcée plusieurs jours de la semaine par deux prestataires que sont Gaylor MONNIER et Caroline BRASSINNE. Stéphane Bourlier peut aussi compter sur le soutien de sa compagne Catherine Mulochet pour la comptabilité.



À la "Marmion"

La rééducation que Stéphane Bourlier poursuit pour retrouver toute la mobilité de son bras droit l’empêche de s’asseoir au sulky de ses pensionnaires et cela encore pour plusieurs semaines, voire quelques mois. "Ça me manque", répète-t-il. Mais, comme toujours, il cherche à voir le positif. "Ma méthode de travail repose sur le fait que les chevaux bossent les uns derrière les autres. C’est moi qui suis au sulky du cheval de tête et je donne la cadence, décrit-il. Le côté positif de mon indisponibilité est que je vois forcément beaucoup plus de choses." Or, l’observation est un point fondamental selon lui. "J’ai ainsi beaucoup appris de Jean-Michel BAZIRE quand il drivait mes chevaux, raconte-t-il. On essayait toujours d’améliorer les choses. Je me suis servi de tout cela. Il faut regarder les autres travailler. J’adorerais passer des matinées chez Philippe ALLAIRE pour voir et comprendre comment il façonne tous les ans des poulains et fait des étalons. Il ne faut pas rester dans sa bulle. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus dans dix ans."

Il ne faut pas rester dans sa bulle. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus dans dix ans.

Sa situation actuelle le rapproche aussi d’un autre professionnel dont les résultats l’inspirent : Jean Paul MARMION. L’entraîneur angevin ne se met plus au sulky depuis des années. "Pour rigoler, je lui ai demandé si je pouvais aller faire un stage chez lui pour voir comment il pratiquait. Il m’a juste dit qu’il y avait besoin d’un 4x4 et d’une butte. J’ai le 4x4 mais pas encore la butte (sourire) ! Jean-Paul est un exemple, redevient-il sérieux. Il fait partie des meilleurs entraîneurs depuis des années avec une méthode de travail bien à lui, des chevaux tardifs et très peu d’entiers." C’est depuis l’intérieur de ses pistes que Stéphane Bourlier observe donc très attentivement le travail de ses pensionnaires et donnent ses consignes à son équipe. "Je suis avec mon chronomètre et mon stéthoscope pour prendre le pouls des chevaux après le travail", avance-t-il.


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Vue des pistes

Les pistes
Les chevaux de Stéphane Bourlier travaillent sur deux pistes : une petite de 800 mètres et une grande d’à peine 1 000 mètres. "C’est une piste sélective même si elle l’est moins qu’avant, note-t-il. J’ai fait enlever du sable de façon à ce qu’elle soit moins profonde. Pour les poulains, elle est ainsi moins difficile. Mais elle reste sélective et m’a permis d’améliorer mes chevaux en les rendant plus durs à l’effort."


Derrière l’entraîneur, l’éleveur

Si, d’ici quelques années, Stéphane Bourlier ne devait avoir plus qu’une seule casquette, on parierait volontiers pour celle d’éleveur. Dès qu’il s’est intéressé aux courses au contact d’un père turfiste, il avait retenu que les meilleurs résultats étaient obtenus par les entraîneurs qui s’appuyaient sur leur élevage. Aujourd’hui, le sien pour lequel il a conservé le label "Ludois" est composé de 18 poulinières dont certaines en association. C’est un pan de son activité auquel il est très attaché. Il a d’ailleurs aussi une poulinière AQPS dont les produits sont élevés comme les trotteurs. "J’adore ça. Je fais mes poulinages, comme lundi dernier en rentrant de Vichy, raconte-t-il. Ces dernières années, j’ai investi davantage dans les saillies avec l’espoir d’avoir d’ici trois ou quatre ans un "Ludois" qui avance." Est-ce OSCAVIVA BOG qui le lui donnera ? "À ce jour, tous ses produits en âge de courir, c’est-à-dire au nombre de neuf, à commencer par ERODE LUDOIS, ont tous gagné ! Il ne doit pas avoir beaucoup de poulinières au stud-book comme elle", avance-t-il à propos de sa poulinière suitée d’un mâle de Timoko et pleine de Just A Gigolo.


Stéphane Bourlier avec Oscaviva Bog (© PC)

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