Tony Ryttar : "Je rêve à un duel épique dans la finale"
Tony Ryttar est un journaliste suédois. Plus qu’un journaliste, il est une figure du trot international. Grand voyageur, il couvre tous les grands événements et ne manque aucun Prix d’Amérique Legend Race notamment. Chroniqueur aux services de plusieurs médias, dont Travronden, il a vu son premier Elitloppet en 1982, l’année du deuxième sacre d’Idéal du Gazeau. C’est dans un rôle de grand témoin que Tony Ryttar éclaire avec son immense culture hippique l’édition 2024 de la plus grande course scandinave de l’année et plus prestigieux sprint européen.
À l’annonce de la venue d’IDAO DE TILLARD (Sévérino), premier invité de l’Elitloppet 2024, dès le 24 février, les Suédois passionnés de trot ont témoigné comme jamais leur enthousiasme pour leur grande course. Avant la mi-mars, lors de l’ouverture des premières offres de restauration pour le week-end, tout a été réservé en temps record. Idao de Tillard a joué un rôle d’aimant puis d’autres ont pris le relais et polarisé aussi l’attention sur l’édition 2024. La confirmation de participation du champion national FRANCESCO ZET (Father Patrick), dès le 16 mars, a enfoncé le clou. De toutes parts, l’épreuve de l’année est portée aux nues avant même son déroulement. Tony Ryttar partage ce point de vue et nous décrypte l’événement, au sens propre du terme, avec des arguments venus de Suède.
24h au trot.- Comment parler de cette édition 2024 ? Pourquoi est-elle déjà si médiatisée et annoncée comme une possible "course du siècle" ?
Tony Ryttar.- L’Elitloppet 2024 est vraiment exceptionnel et s’annonce sur le papier comme la meilleure édition que j’ai vue depuis longtemps. Je m’explique. Cela est dû à la conjonction de deux grandes composantes. Il y a d’abord une extraordinaire délégation française. Ce sont vraiment les meilleurs Français qui viennent. Et on n’est pas habitués à cela. On peut avoir le meilleur trotteur français ou deux parmi les meilleurs mais, cette fois, nous avons cinq tricolores et sans doute les cinq meilleurs. On n’a pas vu cela en Suède depuis très longtemps. Une telle concentration me rappelle l'Elitloppet de 1988. On avait cette année-là tous les meilleurs américains avec Mack Lobell, Napoletano, Sugarcane Hanover. Et ce sont d’ailleurs eux qui ont fait le spectacle et dominé cette édition. Et cette année, on se retrouve dans ce même scénario avec un très grand match entre la Suède et la France. Je répète que je n’ai jamais vu une équipe française aussi forte. Personnellement, je la trouve meilleure que celle de 2000 par exemple avec Général du Pommeau, Fan Idole, Giesolo de Lou et Ganymède.
C’est flatteur pour la délégation française 2024. Mais pour un grand match, il faut de très bons opposants. Qu’en est-il de l’équipe suédoise ? Francesco Zet est-il vraiment un phénomène ?
T.R.- Oui. Francesco Zet est invaincu en Suède depuis trois ans et en est à 18 victoires consécutives. Pourtant Francesco Zet est aussi objet de questions en Suède. Nous savons que c’est un super cheval mais qui n’a pas encore couru contre les tout meilleurs. Il n’a jamais rencontré San Moteur et Önas Prince par exemple. Bref, il n’a pas encore affronté l’élite ultime suédoise. Il a pour l’instant dominé sa génération essentiellement et quelques bons aînés comme l’australien Just Believe ou Power mais ces chevaux-là ne sont ni Idao de Tillard ni Hohneck. Cette course sera aussi pour nous celle de la confirmation que nous attendons de la part de Francesco Zet face, vraiment, aux meilleurs chevaux du monde, soit les meilleurs français et Joviality.
À quel champion suédois pourrait-on comparer Francesco Zet ?
T.R.- Il a le profil d’un Readly Express ou d'un Calgary Games, des superstars dans leur jeunesse. On a vu ensuite Readly Express confirmer son statut de crack dans le Prix d’Amérique. Ce qui est sûr, c'est que Francesco Zet est un super cheval. Son entraîneur Daniel Redén dit qu'il est le meilleur cheval qu’il ait entraîné et cela veut dire beaucoup. C’est un cheval que j’aime voir trotter, qui a beaucoup de charisme.
Les trois précédentes éditions avec cinq candidats français
→ 1968 :
Quibus V,
Seigneur,
Tahitienne J,
Thétis IV,
Train Bloc / meilleur classé :
Seigneur (2ème)
→ 1971 :
Tidalium Pelo,
Uhlan II,
Une de Mai,
Verdict,
Vismie / meilleur classé :
Tidalium Pelo (1er)
→ 1977 :
Dalko II,
Dauga,
Dimitria,
Eléazar,
Granit / meilleur classé :
Eléazar (1er)
Focus sur Clément Duvaldestin et Idao de Tillard
De votre point de vue suédois, pensez-vous que Clément Duvaldestin, un jeune driver qui a découvert Solvalla ce vendredi, l'avant-veille de l’Elitloppet, pourra se sortir du piège d'une course en batteries et finale en ayant reçu le 8 dans sa batterie avec Idao de Tillard ?
T.R.- Je suis allé dimanche dernier à la rencontre de Clément Duvaldestin chez lui, à l’entraînement, à la Ferté-Frênel. Et pour tout vous dire, avant de faire cette interview, je pensais que ce qu’il tentait avec
Idao de Tillard, pour un jeune driver comme lui, pouvait être difficile. Mais mon point de vue a changé depuis. Il m’a fait une grande impression. J’ai découvert quelqu’un de très calme, qui réfléchit beaucoup et n’est pas stressé. Je pense qu’il va faire les bons choix.
La très grande attente exprimée par tous à l’intention d’Idao de Tillard peut-elle impacter le déroulement de course, déjà dans sa batterie ?
T.R.- Je pense que le cheval et son driver seront au centre des attentions des autres participants. Il est possible que les drivers prennent leurs décisions en fonction des choix faits par Clément Duvaldestin et
Idao de Tillard. Ce pourrait être une course tactique. Mais on sait aussi qu’
Idao de Tillard peut appliquer toutes les tactiques et se sortir de tous les pièges. Je pense que Clément Duvaldestin aura le sang-froid pour prendre les bonnes décisions.
Que dire encore au sujet de Francesco Zet pour impressionner notre délégation nationale ?
T.R.- On ne connaît pas les limites de
Francesco Zet et on imagine des choses à son sujet. Son driver Örjan Kihlström ne lui a encore jamais demandé le maximum. On pense ainsi en Suède qu’il peut démarrer très vite, ce qui n’a jamais été fait jusqu’alors. L’impression partagée par mes compatriotes est que nous n’avons pas encore vu tous les talents de
Francesco Zet. On peut encore ajouter qu’il a un bon numéro dans sa batterie, le 5.
Passons à Joviality, l’autre star suédoise. Elle a été à la fois grande et un peu décevante durant l’hiver à Vincennes ? Vous rejoignez ce point de vue ?
T.R.- Non. De mon point de vue, elle m’a fait très grande impression à Vincennes, dans un contexte tellement différent et nouveau pour elle, avec les longues distances et la grande piste parisienne. Sa rentrée à Umåker a été super. Je crois en elle.
Le fait de retrouver le mile qu’elle n’a plus fréquenté depuis novembre 2022 et la fin de sa carrière américaine n’est-il pas un problème ?
T.R.- Je ne pense pas. Elle connaît par cœur le mile et le sprint. Et je pense même qu’avoir couru à Vincennes sur 2.700 mètres ne peut lui avoir fait que du bien pour des prochaines performances sur le mile.
Venons-en maintenant aux Français. Idao de Tillard est-il vraiment le candidat le plus attendu ?
T.R.- Oui complètement. Tous les Suédois veulent voir
Idao de Tillard à Solvalla. Ils aiment le cheval depuis son Prix d’Amérique. On pense que c’est un super crack et nous sommes très fiers de le recevoir. On est aussi impatients de revoir
Hohneck à Solvalla, sur une piste qu’il aime. Evidemment son meeting d’hiver manqué interroge. Est-il le même cheval que l’an dernier ? On fait confiance à Philippe Allaire pour avoir amené son cheval à son top.
Parlons casting. Malgré sa qualité que vous avez déjà évoquée, manque-t-il un cheval au départ cette année ?
T.R.- Personnellement, je ne pense pas. Il y a évidemment le cas de
San Moteur qui a été opéré cet hiver. Il a repris le travail mais son entourage a dit qu’il avait encore besoin de quelques semaines pour effectuer sa rentrée. La sélection des partants de l’Elitloppet est toujours un sujet de discussion en Suède. Il y a notamment beaucoup de monde qui veut entrer dans la liste avec les dernières places, les 14, 15 et 16. Je trouve qu’Anders Malmrot (N.D.L.R. : le directeur sportif de Solvalla) a fait un bon travail dans cet Elitloppet 2024.
© Site Stall ZetFrancesco Zet L’absence de trotteurs américains ne vous semble pas préjudiciable à la qualité du plateau ?
T.R.- C’est toujours très difficile d’avoir les meilleurs américains. D’une part, l’organisation d’un vol est très chère et, d’autre part, la saison américaine est à peine commencée. Il y a beaucoup d’argent pour l’élite des chevaux d’âge en Amérique du Nord qui sera distribué dans les prochaines semaines et mois. Anders Malmrot a bien essayé d’avoir
Jiggy Jog et deux autres américains mais sans succès. Franchement, cela ne change rien à l’exceptionnelle qualité du plateau de 2024.
Venons-en au dénouement final. Comment l’imaginez-vous ? Pour qui penchez-vous ?
T.R.- Je suis incapable de me prononcer. Par contre, j’aimerais que la finale devienne un moment épique et propose un duel entre
Francesco Zet et
Idao de Tillard dont on pourra encore parler dans dix, vingt ou trente ans. Un duel qui reste dans l’histoire et qui forge la légende de l’Elitloppet. Il y en a deux en Suède qui ont marqué l’histoire de la course. Le plus récent date de 1994, entre
Copiad et
Pine Chip (N.D.L.R. : ce dernier prendra le galop à quelques dizaines de mètres de la ligne finale et sera disqualifié, laissant sa deuxième place à
Abo Volo lequel concluait à distance des duettistes) [Retrouvez cette finale par
ce LIEN].
Le premier et le plus connu a eu lieu en 1973. Cette année-là, il y a eu une finale à deux (une épreuve race off) dans une troisième rencontre pour désigner le vainqueur (à retrouver par
ce LIEN). Et c’est
Ego Boy, un petit trotteur suédois entraîné dans le Nord du pays, qui a gagné contre l’américain
Flower Child. Ce duel est mythique. C’était un peu David contre Goliath. Et c’est le David suédois qui a terrassé le Goliath américain. À l’époque, cela faisait vingt ans que l’Elitloppet n’avait pas été remporté par un suédois.
Ego Boy a été un héros national. Cela reste pour beaucoup de compatriotes le plus grand moment de l’Elitloppet.
Les grandes éditions de Tony Ryttar
Outre les années mythiques 1973 et 1994, le journaliste suédois nous parle des années 1988 et 2000.
■ 1988 :
"La très grande année avec les meilleurs américains dont le vainqueur Mack Lobell. Il faisait grand soleil et très chaud et il y a eu, cette année-là, un public record. Les batteries et la finale ont été énormes".
■ 2000.
"Une super année avec de très bons français (Général du Pommeau (2ème), Fan Idole (3ème), Giesolo de Lou (disqualifié dans la finale), Ganymède (8ème de sa batterie)). C’est la grande édition remportée par Victory Tilly et c’était également la première participation de Varenne (5ème). Il faisait aussi très beau et personne n'a oublié le public qui a scandé Stigo pendant plusieurs minutes."
Francesco Zet favori chez les bookmakers
Tony Ryttar commente sur le sujet : "Francesco Zet est passé favori chez les bookmakers après le tirage au sort des places derrière l’autostart dans les batteries. Avec le 8, Idao de Tillard est au deuxième rang."
Rapports gagnants proposés par Unibet :
1. Francesco Zet – 3,75
2. Idao de Tillard – 4,5
3. Hohneck / Horsy Dream – 7,5
5. Don Fanucci Zet – 10
6. Go On Boy / Önas Prince – 12
8. Joviality – 26
9. Gaspar de Brion / Bengurion Jet – 41
11. Capital Mail / Denver Gio / Borups Victory – 67
14. Hustle Rain / A Fair Day – 151
16. Decision Maker – 201
© site solvalla.seLe duel de légende de 1994 entre Copiad (3) et Pine Chip