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Le poids de l'Étrier
Actualité - 13.06.2024

En élevage, l’omniprésence génétique du trot monté

Dans dix jours, à Vincennes, la Journée des Champions proposera un Festival du trot monté (ou Étrier pour reprendre les codes voulus par la SETF) avec trois courses de Groupes 1, toutes classiques, les trois Finales des Étrier 3 ans, 4 ans et 5 ans : Prix d'Essai, Prix du Président de la République et Prix de Normandie. L'occasion pour nous de vous proposer un dossier analytique sur la spécialité en trois volets. Deuxième épisode : le poids du trot monté dans l'élevage du trotteur français.

Le caractère essentiel de la spécialité de l’Etrier dans l’élevage trotteur français est une vérité historique. Il n’est que de se référer à notre encadré pour le mesurer. D’hier à aujourd’hui, cela se vérifie, y compris lorsque le sang américain s’en mêle, que l’on se réfère à l’ancien ou au récent.

Carioca II : un prototype
Carioca II est le prototype du trotteur "vieil américain", si l’on nous autorise l’expression, en tant que petit-fils, en lignée mâle, du standardbred Sam Williams. Il fut un champion sous la selle, vainqueur, avec brio, après un mauvais départ, du classique Prix de Vincennes (Groupe 1), en 1949. Acheté par les Haras Nationaux, il quitta la compétition dès l’âge de 4 ans pour devenir un étalon de tête, six fois sacré meilleur de ses pairs, en 1960, puis de 1962 à 1966. Carioca II sera seulement détrôné par Fandango, le phénomène monté que l’on sait, assurément le plus grand de tous les temps et lui aussi reproducteur phare (N.D.L.R. : voir notre encadré à ce sujet).
Carioca II nous emmène jusqu’aux temps modernes, car Coktail Jet et Love You, c’est lui. Le père et le fils descendent, en effet, en lignée mâle, de Carioca II, par l’entremise de Quouky Williams, Fakir du Vivier et Sabi Pas. Les racines de cette lignée si vivante sont donc "montées". Sa présente réussite est incarnée, par exemple, par un Booster Winner (Love You) qui n’est autre que le dauphin de Ready Cash au palmarès des étalons 2023. Un Booster Winner qui s’est forgé l’essentiel de son palmarès dans la discipline de l’Etrier, s’imposant dans les Prix d’Essai (Groupe 1), des Elites (Groupe 1) et des Centaures (Groupe 1) ou encore se classant deuxième du Prix du Président de la République (Groupe 1). Un Booster Winner qui, s’il produit des trotteurs montés de premier plan – Kyt Kat, Ibra du Loisir et autres –, n’est pas avare, en regard, de distinctions "attelées", comme celle, tout bonnement, du Prix d’Amérique Legend Race (Groupe 1), que lui a offerte Hooker Berry en 2023.

Fuschia, père fondateur et trotteur monté

Le père fondateur de la race trotteur français demeure l’inestimable Fuschia. Or, ce fils de Reynolds, né en 1883, des œuvres d’une jument issue de pur-sang, était un trotteur monté, gagnant quinze de ses dix-sept courses dans la spécialité, à 3 et 4 ans. Fuschia sera tête de liste des étalons quatorze fois consécutivement, de 1893 à 1906, un score encore jamais égalé. En prolongement, il essaimera, en tous sens, en lignée mâle, via quatre branches principales, constituées 1) des Narquois, Beaumanoir, Koenigsberg, Boléro, Loudéac, Fandango et autres, 2) des Bémécourt, Ontario, Hernani III, Quinio, Kerjacques et autres, 3) des Bémécourt, Intermède –trotteur monté, onze fois numéro un des étalons et auteur de l’exceptionnelle Uranie –, Gaël, Jamin et autres, 4) et des Bémécourt, Jongleur, Kalmouk, Salam, Duc de Normandie II et autres. Les fondements du trotteur français, au sens strict, sont bel et bien là et ils sont redevables à la discipline de l’Etrier.

Carioca II nous emmène jusqu’aux temps modernes, car Coktail Jet et Love You, c’est lui.

Dans le contexte d’aujourd’hui, pas d’incompatibilité américaine avec l’Etrier

L’avènement de Ready Cash et de la lignée qui est la sienne, c’est-à-dire celle, américaine récente, de Viking's Way et de Mickey Viking, aurait pu laisser à penser, au premier abord, que l’influence montée allait s’estomper. Mais il n’en est rien : Ready Cash produit de grands compétiteurs montés – avec, tout de même, entre autres, deux gagnants de "Cornulier" au sein de sa progéniture, soit Traders et Flamme du Goutier (x2) – et, surtout, ceux-ci s’annoncent de bons reproducteurs.


L’empreinte montée de la lignée de Kerjacques

Des trois grands chefs de race de la seconde moitié du vingtième siècle, à savoir Carioca II, Fandango et Kerjacques, ce dernier est celui dont l’hégémonie a été la plus longue, qu’il la doive à lui-même ou au principal propagateur de son sang, Chambon P. A eux deux, ils ont dominé le classement des pères de vainqueurs pendant deux décennies, sans discontinuer, le père, à onze reprises, de 1970 à 1980, et le fils, dix fois, de 1981 à 1990. Si Kerjacques n’a pas gagné au plus haut niveau, monté, il s’y est tout de même classé deuxième du Prix de Normandie (Groupe 1), pour son unique essai dans la spécialité, dans la foulée de son succès dans le Critérium des 5 Ans (Groupe 1). Et puis il s’agit d’un fils de Quinio, qui était, lui, un champion sous la selle, lauréat des Prix du Président de la République (Groupe 1) et de Cornulier (Groupe 1). Chambon P, de son côté, a fait preuve d’une grande pluridisciplinarité, étant, à 3 ans, gagnant de Groupe 1 attelé, à la faveur du Critérium des Jeunes, puis monté, à l’occasion du Saint-Léger des Trotteurs. Il s’est poursuivi, principalement, via Sancho Panca, si talentueux performer à l’attelage, trop fragile pour être essayé sous la selle, qui sera, à son tour, tête de liste des étalons. Pour nous ancrer dans la réalité d’aujourd’hui, soulignons que c’est à Sancho Pança que l’on doit Prince Gédé, éclectique vainqueur des Prix de Normandie (Groupe 1) et de Paris (Groupe 1) – sans compter qu’il perdit un Prix de Cornulier sur disqualification –, puis étalon en vue, à l’actualité brûlante, en tant que père de la toute bonne compétitrice montée Edition Gema et aussi, bien sûr, comme père de mère d’un certain Horsy Dream.


©BVDV/SETF
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Fandango : l’atout "glamour"

Immense crack, aux trente-huit victoires consécutives et à l’invincibilité préservée, dans la discipline du trot monté, pendant plus de deux ans et demi (sic !), vainqueur de deux "Cornulier" – dont le premier à 4 ans, âge auquel il demeure le seul au palmarès de la grande course –, mais aussi des Prix de Vincennes (Groupe 1), du Président de la République (Groupe 1) et de Normandie (Groupe 1), ainsi que de trois Prix des Elites (Groupe 1) et de deux Prix des Centaures (Groupe 1), Fandango remporta également le Critérium des 3 Ans (Groupe 1), puis se classa deuxième du Critérium des 4 Ans (Groupe 1) et troisième du Critérium des 5 Ans (Groupe 1). Autrement dit, il conciliait les aptitudes. Son influence d’étalon a été très importante et, trois fois, de 1967 à 1969, il monta sur la première marche du podium des pères de vainqueurs, s’exportant jusqu’en Scandinavie, où son fils, Tibur, a durablement défrayé la chronique des courses et de l’élevage. En France, la lignée mâle de Fandango s’est fissurée, au fil des années, et elle ne perdure plus, désormais, que par le truchement de l’améliorateur Gazouillis, qui performa lui-même monté, et de ses continuateurs. En vérité, c’est au féminin que se décline le mieux la présence de Fandango de nos jours, en ce sens qu’il a été un remarquable père de poulinières et que ses descendantes, même lointaines – cela va de soi, avec le temps –, sont spécialement recherchées et appréciées, particulièrement en complément du "jeune" sang américain.



La preuve par l’exemple avec Bird Parker

La principale illustration de la perpétuité de cette lignée au monté est apportée par Bird Parker. Ce dernier est le deuxième meilleur étalon du dernier meeting d’hiver, derrière son père, et ses quatre victoires de Groupe 1 se partagent, équitablement, entre selle (Saint-Léger des Trotteurs, Prix de Vincennes) et sulky (Critérium des 4 Ans, Prix de Paris). Et désormais Bird Parker d’être l’auteur au haras, notamment, d’Izoard Védaquais, Hussard du Landret, Idéale du Chêne
Plus généralement, la descendance de Viking’s Way et de Mickey Viking n’est nullement incompatible avec l’Etrier. En témoignent, de façon emblématique, les cinq Prix de Cornulier (3 + 2) de Jag de Bellouet et de Bilibili, respectivement fils et petit-fils de l’étalon vedette du regretté Albert Cayron. De la sorte, il apparaît que l’américanisation de notre race ne la ferme pas au trot monté, à plus forte raison dans le contexte de la monte en avant, laquelle favorise l’alchimie, et du lissage, partiel, depuis les années 1990, de la piste de Vincennes, l’ayant rendue moins déclive et, ce faisant, mieux adaptée aux aptitudes et aux allures des trotteurs standardbreds.

Horsy Dream : le modèle le plus contemporain

Pour conclure, on se doit de faire un focus sur Horsy Dream, notre héros de Solvalla, dont le père, Scipion du Goutier, est un sextuple lauréat de Groupe 1, monté, à la lignée mâle américaine, s’agissant de celle de Sharif di Iesolo – français par sa mère – et de Quick Song. Dans le rôle du père de mère, Prince Gédé, frappé du sceau de Kerjacques et de Chambon P, évoqué par ailleurs. Touche exotique, enfin, avec Sugarcane Hanover, en lieu et place d’arrière-grand-père maternel. Un exemple de complémentarité parfaite entre les sangs et les aptitudes, y compris à l’Etrier.
©SETF
Idéale du Chêne, fille de l'éclectique Bird Parker

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