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Actualité - 03.10.2024

Sur le principe du banc d'essai

L'entrée du sulky américain, dans une version allégée, en janvier dernier dans le paysage du trot français n'est pas qu'une simple nouveauté commerciale. Le matériel introduit avec lui une position spécifique pour ses utilisateurs drivers, décalés vers l'arrière du pont. Les victoires signées avec son sulky américain depuis par Eric Raffin, et d'autres aussi, ont fait le relais en termes de communication. Après avoir donné la parole aux pilotes qui l'utilisent ou l'ont testé dans le volet #1 de notre dossier, notre deuxième volet propose un comparatif, une pratique commune dans la presse automobile par exemple, entre le sulky dit américain et le sulky classique, lequel a connu aussi des évolutions.

Peut-on documenter les différences mécaniques du point de vue du trotteur en plein effort en fonction de l'utilisation du sulky américain et du sulky classique utilisé en Europe ? Oui, grâce à une étude universitaire et indépendante conduite par une équipe finlandaise. Le travail a ceci d'important qu'il ne dépend pas de financements privés, avec d'éventuels intérêts partisans en arrière-plan. Il est actuellement en cours de finalisation à l'université de Jyväskylä et sera soumis dans les prochains mois à une publication dans une revue scientifique internationale pour lui donner une visibilité publique. Un des trois étudiants signataires de l'étude, Jyri Hellevuo, nous a servi de guide.

Une étude scientifique éclairante

Réalisée par Jyri Hellevuo, Joakim Kopperoinen et Tiia Könönen, tous étudiants en biologie du sport à l'université finlandaise de Jyväskylä, une "Recherche sur l'impact des sulkys de course sur la mécanique des mouvements" est en cours de finalisation.
Son objectif est de comparer les sulkys traditionnels au sulky américain de marque U.F.O. en utilisant le même cheval. L'analyse des mouvements en 2D a été effectuée sur une zone marquée de 20 mètres. Des marqueurs ont été placés sur les articulations du cheval, qui ont ensuite été numérisés à partir d'images fixes pour créer un modèle de cheval en forme de bâton. Le cheval a été conduit à travers la zone à une vitesse de course avec les deux types de sulky.
Licencié en sciences du sport, maréchal-ferrant certifié et entraîneur amateur à Jyväskylä, Jyri Hellevuo est l'un des trois contributeurs de cette étude dans le cadre d'une spécialisation en physiologie de l'exercice. Il nous résume les conclusions de ces travaux réalisés avec le sulky américain UFO d'une part et le modèle européen Custom Speedmaster d'autre part (à noter que ce dernier est un modèle d'entraînement et non de compétition).
■ Avec le sulky américain, le cheval tient sa tête plus basse, ce qui, selon la littérature de référence, affecte positivement la mobilité de la colonne vertébrale thoracique et lombaire.
■ L'angle de l'articulation de la hanche est plus vertical avec le sulky américain, ce qui pourrait améliorer la production de puissance des membres postérieurs, un peu comme les athlètes qui s'efforcent de soulever leurs hanches vers l'avant et vers le haut lorsqu'ils courent.
■ Une plus grande amplitude de mouvement a été observée au niveau de la hanche avec le sulky américain.
■ La caractéristique essentielle du sulky américain est la force ascendante exercée sur le sternum du cheval. Cette force ne disparaît pas mais est transférée au sol via la roue avec une amplitude égale et opposée en raison du centre de gravité du driver et de son effet de levier. Par rapport aux sulkys traditionnels, le centre de gravité du driver est placé plus en arrière dans les sulkys américains, ce qui crée un effet de levage. Cette conception économe en énergie peut offrir un avantage substantiel car une masse tirée sur un roulement nécessite moins d'énergie qu'une masse portée. Dans notre étude, les sulkys traditionnels ont exercé une force équivalente à 12 kg sur le sternum du cheval, tandis que le sulky américain a exercé une force équivalente à 26 kg.

Le modèle homologué en France n'est pas... américain

Le modèle homologué par la Société d'Encouragement à l'élevage du Trotteur Français (SETF), sous l'appellation commune de sulky américain, est le modèle Yankee de la société finlandaise Finntack. Développé spécialement pour répondre aux exigences du marché européen, il est très différent du modèle américain d'origine, notamment développé par les marques références U.F.O. et Brodeur. Le sulky est nettement plus léger que son "petit" frère US (lequel est en effet plus étroit encore) avec le recours à un alliage issu de l'aviation pour sa partie pont et au carbone pour ses brancards quand le modèle originel est en métal et acier. Le siège est également en position centrale alors qu'il est excentré (vers l'intérieur au regard de la courbe des tournants et donc à gauche aux Etats-Unis) de l'autre côté de l'Atlantique. Le modèle américain originel est autorisé en Scandinavie uniquement dans les épreuves avec départ autostart. Le modèle Yankee, à l'image de tous les sulkys classiques, l'est pour toutes les courses.

© G. Forni/Rosselini
Sulkys américains U.F.O. en Italie
© Etude 2023 par Jyri Hellevuo, Joakim Kopperoinen, Tia Könönen
À gauche : le trotteur test avec un sulky classique ; à dr. : le même trotteur avec un sulky américain U.F.O.

Le 117ème sulky homologué par la SETF

C’est le 25 janvier 2024, lors de la parution du Bulletin Officiel n°4 de 2024, que la SETF a délivré son agrément au modèle Yankee de la société finlandaise Finntack. Il s’agit du 117ème modèle de sulky homologué en France.

Un produit au cœur d'une bataille commerciale

Le sulky est devenu plus que jamais un paramètre incontournable dans la construction d'une victoire. Le fameux effet levier "antigravitationnel" qui optimise la propulsion créée par le sulky américain n'a pas laissé la concurrence immobile. Absent du marché du sulky américain, le numéro 1 européen du marché, le Finlandais Custom, développe une approche parallèle. Son dirigeant Jussi Peltonen nous apprend ainsi : "Tout d'abord, je tiens à préciser que l'unique sulky américain comporte des caractéristiques bien précises. La structure doit être fabriquée d'un seul tenant, généralement en acier, et la mesure entre les traces de roues doivent être de 135 cm. La mesure entre les brancards au niveau des cale-pieds de 105 cm maximum et le siège est décalé du pont pour être plus proche de la corde, à gauche principalement dans les pays scandinaves. Ils sont autorisés uniquement dans les épreuves avec un départ à l'autostart. Nos sulkys Chrono et Multicarbone IV, régulièrement utilisés en France, sont détenteurs de nombreux records dans le monde depuis déjà plusieurs saisons. Ils possèdent plusieurs réglages au niveau du pont et du siège, qui permettent aux professionnels de gagner en aérodynamisme et procurent un effet de propulsion avec une position du driver plus allongé." Ce constat de position également reculée sur les sulkys classiques, avec son effet propulsion en corollaire, est par ailleurs évoqué par Alexandre Abrivard (lire plus loin).

Un succès commercial pour Finntack
Modèle développé pour l’Europe, en lien avec la réglementation de ces pays, on compte actuellement 40 sulkys Finntack Yankee en France, Suisse, Espace, Italie et Pays-Bas. 30 sulkys sont en commande en France et seront livrés dans les prochaines semaines.

Quelques utilisateurs français
Tous ont investi dans un sulky américain : Eric Raffin, François Lagadeuc, Thierry Duvaldestin, Philippe Allaire, Dominik Locqueneux, Arnaud Chavatte.


© ScoopDyga
©ScoopDyga
Théo Duvaldestin avec Masina de Tillard à Enghien

L’histoire du sulky américain d’Eric Raffin commence… en Suède

Le sulky noir d’Eric Raffin que l’on voit en France a été livré au professionnel en Suède lors du week-end de l’Elitloppet, les 25 et 26 mai derniers. La prise de contact s’est donc déroulée sur l’anneau de Solvalla. Et elle s’est bien passée se souvient le pilote qui nous apprend : "La première fois que j’ai drivé avec mon sulky, cela s’est soldé par une victoire avec Oriana Boko (Father Patrick) dans la Breeders Crown 3 Ans pouliches durant le week-end de l’Elitloppet à Solvalla. Un bon souvenir."

Témoignages de professionnels

Alexandre Abrivard veut se forger une opinion
Il fait partie des possibles futurs utilisateurs du sulky américain mais Alexandre Abrivard demande, à ce stade, à encore tester le produit. Il nous déclare : "Je n'ai presque pas de recul avec le sulky américain. Nous n'en avons pas actuellement à la maison mais il y en a un en commande qui devrait bientôt arriver. J'ai eu l'occasion de l'utiliser en Suède et en Italie. Comme la pointe des pieds est simplement posée sur la palette, cela demande un réglage précis pour être bien en équilibre. Avant le sulky américain, nous reculions déjà nos sièges et baissions le pont du sulky pour gagner en vitesse et être plus aérodynamique. Nous allons l'utiliser dès qu'il arrivera à la maison. Je ne suis pas certain qu'il convient à un cheval steppeur sur les 2.700 de la grande piste mais il devrait bien correspondre pour les chevaux plus faciles dans les allures. J'ai besoin de me faire mon idée dans les prochaines semaines."

La synthèse de Gabriele Gelormini, utilisateur averti
"Je suis un adepte du sulky américain depuis longtemps en Italie et en Suède. Le sulky que nous utilisons désormais en France a l’avantage d’avoir les brancards en carbone et d’être plus léger que les "traditionnels américains". Notre position nous oblige à avoir un contact différent avec la bouche du cheval et j’ai l’impression que cela donne plus d’envie à nos chevaux de prolonger leurs efforts sans pour autant utiliser davantage la cravache. Il est moins adapté pour les chevaux compliqués car vous êtes plus loin de la bouche."

Romain Derieux a passé commande
Grand voyageur, Romain Derieux connaît désormais l’Europe du Trot comme sa poche. Avec son champion Go On Boy (Password), actuel leader de l’UET Elite Circuit, il a souvent affronté des rivaux équipés d’un sulky américain. Il vient de s'imposer avec un son champion à Mons avec un modèle américain et nous apprend : "J’avais travaillé Go On Boy avec un sulky américain à la maison avant de le présenter comme cela à Mons (N.D.L.R. : dans le récent Grand Prix de Wallonie). Je me sens assez bien dedans même si j’ai encore besoin d’effectuer des réglages. La position me convient. À Mons, nous avons fait la course en tête et les conditions étaient donc très favorables. Je pense que Go On Boy aurait gagné avec un autre sulky. Je l’ai commandé pour mon écurie et je pense qu’il pourra s’adapter à la grande majorité de mes chevaux. Je pense que cela va nous permettre d’évoluer et de moins solliciter nos chevaux à la cravache en fin de parcours."

Une position basse

Installé en position abaissée par rapport à son homologue traditionnel, le pilote voit son horizon se réduire. C'est pourquoi, les drivers sont souvent contraints de sortir leur tête de la ligne axiale du cheval pour vraiment voir vers l'avant. Un point mis en avant par Eric Raffin : "Le principal changement pour les drivers, outre la position arrière, est la vue. Le siège du sulky est tout de même plus bas et nous oblige à nous pencher pour voir les concurrents qui nous précèdent. Cela nous demande plus de concentration et de vigilance dans un parcours. Personnellement, je préfère être aux avant-postes avec ce sulky."
©ScoopDyga
La vue d'Eric Raffin

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