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Actualité - 24.01.2021

Bahia Quesnot : « fantastique et héroïque ! »

Tout s'est fini par une lutte acharnée entre deux juments. Et c'est Bahia Quesnot qui a pris le meilleur sur Flamme du Goutier dans les cent derniers mètres du Prix de Cornulier (Gr.1). C'est la victoire du courage et de l'exceptionnel. Bahia Quesnot a 10 ans, était ferrée et remporte ici sa première victoire à Vincennes !

Les mots ne viennent pas tout de suite dans la bouche de Junior Guelpa à l'arrivée du Prix de Cornulier que sa pensionnaire Bahia Quesnot (Scipion du Goutier) vient de remporter. Il est comme groggy. Il commence par « fantastique ! ». Puis au fur et à mesure qu'il reprendra ses esprits, ce sera « héroïque » qu'il tiendra à attacher au triomphe de sa jument. C'est au terme d'un duel avec Flamme du Goutier (Ready Cash), lancée dès le dernier tournant, que la partenaire de Matthieu Abrivard a pris le meilleur sur celle d'Antoine Wiels. La course a été sélective, très sélective même. La réduction kilométrique de la lauréate (1'12''8) doit en effet être rehaussée par les conditions particulières du jour. Après des précipitations et un épisode neigeux, la piste était fouillante dans sa partie supérieure. Plusieurs concurrents, comme Fado du Chêne (Singalo) et Feliciano (Ready cash), jamais vraiment en course, n'y ont pas trouvé leur compte. Avec Etoile de Bruyère (Kénor de Cossé) sur le podium, comme l'année dernière (elle avait conclu deuxième), le Prix de Cornulier s'est finalisé sur une combinaison de juments. Mais plus que tout, c'est le profil très atypique de la gagnante qui restera dans les palmarès.
Ce sont deux juments aux profils bien différents qui se sont affrontées pour le titre suprême du monté. Entre Bahia Quesnot et Flamme du Goutier, cela a été l'explication entre une compétitrice qui ne dit jamais non et une tireuse d'élite qui tire juste mais ne tire qu'une seule fois. Et c'est la première qui l'a emporté après avoir subi l'orage de la seconde dès la mi-tournant. En entrant dans la ligne d'arrivée, Flamme du Goutier semblait partie pour la gloire mais Bahia Quesnot a alors puisé dans son mental hors-norme pour revenir prendre le meilleur.

Une gagnante atypique
Quatre sorties au monté en tout et pour tout avant ce grand jour pour Bahia Quesnot avec pour seule performance une deuxième place en août 2015, avec Matthieu Abrivard déjà. C'est d'ailleurs grâce à cet accessit, et les 17 500 € d'allocations engrangées, que Bahia Quesnot était assurée d'être au départ du Cornulier. Pour le reste, le palmarès attelé de la doyenne de l'épreuve, âgée de 10 ans, comptait deux succès de Groupe 3 en France. Ses titres de gloire, un Groupe 1 en Italie, des places dans des Groupes 1 européens, ne lui conféraient pas un profil de gagnante de Cornulier. Un point sur lequel est revenu son entraîneur Junior Guelpa : « C’était un coup de poker. Je croyais en ma jument. Je savais qu’elle ne me lâcherait pas. » Pour le professionnel, il s'agit évidemment du grand titre de sa carrière à ce jour. Il coche directement la case Groupe 1 sans être passé dans l'Hexagone par un succès de Groupe 2. Atypique encore : Bahia Quesnot remporte ici sa première victoire à Vincennes !

La victoire de l'émotion
L'entraîneur de 33 ans est sur un autre monde : « On fait ce métier pour vivre des moments comme cela. C’est un métier très compliqué, alors quand on touche au Graal, c’est l’apothéose. Tout se relâche maintenant, tout retombe. » Il pense aussi à sa famille qui ne peut pas être là - seule sa soeur Paola est présente -, Covid oblige, ajoutant : « Avec mon père, on a fait un travail d’orfèvre. » Il dit encore : « On me parle déjà de la semaine prochaine [le Prix d’Amérique]. Mais, pour l’instant, je n’en ai rien à faire de la semaine prochaine. C’est fait aujourd’hui. Demain, on verra cela au calme. Un Groupe 1, un Cornulier, pour un petit entraîneur comme moi, c’est énorme ! Gagner la plus belle course au monté au monde, c’est fantastique. » Car il faut rappeler que ce coup de poker s'inscrit aussi dans une logique de préparation pour le Prix d'Amérique comme nous l'avait exprimé Junior Guelpa il y a deux semaines : « Je pense que le « Cornulier » sera tout bénéfique : elle fera une vraie course. Cette sortie va vraiment l’ouvrir pour « l’Amérique » et, en plus, elle ne sera pas ridicule. On ne se fixe pas d’objectif particulier dans le Groupe 1 monté. Qu’elle donne son meilleur sera bien. » On a vu. Rendez-vous maintenant la semaine prochaine.

Un Groupe 1, un Cornulier, pour un petit entraîneur comme moi, c’est énorme !
Junior Guelpa

© ScoopDyga
Le rôle de la piste
Bahia Quesnot était ferrée ce dimanche. Il faut remonter à 2013 pour trouver le précédent cas de figure avec Singalo. Au niveau Groupe 1, les vainqueurs ferrés ne sont pas légion. Voici les trois derniers avant l'exploit du jour : Traders dans le Prix de l'Ile-de France (monté) en 2018, Davidson du Pont dans le Prix de Sélection (attelé) en 2018 et Bilibili dans le Prix de l'Ile-de-France (monté) en 2017. Pourtant, Junior Guelpa corrige lui-même cette donnée, en tenant compte de la piste particulièrement fouillante du jour : « Bahia était parfaite aux heats et aux canters. Par contre, j’ai vu deux ou trois de nos principaux rivaux qui n’étaient pas dans la bonne cadence aux canters. Le fait de l’avoir laissée ferrée a énormément joué en notre faveur. La piste était fouillante en dessus mais très ferme en dessous. Cela n’a pas dû plaire à beaucoup de chevaux. »

La grande émotion aussi pour Matthieu Abrivard
À 35 ans, Matthieu Abrivard inscrit une cinquième fois son nom au palmarès du Prix de Cornulier après ses succès avec Jag de Bellouet (2004 à 2006) et Bellissima France (2016). Lui aussi semble particulièrement touché, nous expliquant : « Je suis ému. C’est magnifique. C’est du beau travail. Je pense à ma famille, à mes enfants. Ce sont des moments magiques qu’il faut savourer. Tu peux gagner toutes le courses que tu veux dans une année mais passer le poteau en tête dans le Cornulier, c’est toujours une saveur différente. C’est inexplicable. Il y a beaucoup de choses qui ressortent à chaque fois. Et puis, je vieillis. L’an dernier, je n’ai pas gagné beaucoup de courses montées. Je monte de moins en moins. J’ai eu la chance que Junior vienne me voir en début d’hiver pour monter sa jument. Je me voyais une bonne chance avec elle et j’ai voyagé en première classe. »






Une victoire qui balaie les hésitations de Matthieu Abrivard comme jockey
Il ne l'avait pas crié sur les toits mais Matthieu Abrivard avait pensé arrêter de monter dans les prochains jours. Cette hypothèse est désormais révolue avec ses propos : « Au début, j’avais dit : « Si je gagne dimanche le Cornulier, après je vends mes bottes ». Mais mon beau-frère a un bon cheval à monter mardi et m’a dit : « Garde tes bottes jusqu’à mardi ». Bon, l’hiver, ça va, je monte régulièrement et je suis bien souple. Mais quand je suis un laps de temps sans monter, c’est plus dur de se remettre dans le bain. Le reste de l’année, au monté, c’est un peu long pour moi. Au monté, il faut être à 200 % et, des fois, je manque de souplesse. Il faut que je fasse attention. Une victoire comme cela, ça rebooste, c’est sûr. Je vais essayer de finir l’hiver en beauté et on verra plus tard. »

J’avais dit : « si je gagne dimanche le Cornulier, après je vends mes bottes ».
Matthieu Abrivard

© ScoopDyga
La grande joie de Tahar Ait-Hamouda
« C'est un truc de fou. » Voilà comment Tahar Ait-Hamouda entame la conversation quand on l'aborde. Copropriétaire de Bahia Quesnot, qui court sous ses couleurs, il était présent à Vincennes dimanche. Nous reviendrons dans notre prochaine édition sur ce que représente cette victoire pour le propriétaire et les siens.


Le décryptage de la course
Entraîneur de Flamme du Goutier, Thierry Duvaldestin est déçu non pas de la performance de la jument mais de la monte de son jockey. Le professionnel pense que s’il avait été plus patient et que sa représentante n’était sortie qu’à l’entrée de la ligne d’arrivée, elle aurait pu s’imposer. La jument devrait être maintenant au départ du Prix de l’Île-de-France. Une analyse que partage d'ailleurs le jockey Antoine Wiels : « J’ai été un peu chaud. J’aurais mieux fait de retemporiser dans le dernier tournant et de me mettre dans le dos de Matthieu [sur la lauréate Bahia Quesnot]. La gagnante fonçait pour finir. Elle est bien revenue. »
Deuxième l'an dernier, Etoile de Bruyère a perdu un rang cette année mais reste sur le podium. Elle a encore produit une belle fin de course et a fait dire à Charles Dreux, ravi de sa performance : « Elle répète et s’est donnée à fond. Avec ses allures rasantes, elle n’a pas été avantagée par la piste et n’était pas parfaite aux canters. »
Quatrième avec Jerry Mom, en perdant la troisième place à la fin face à Etoile de Bruyère, David Thomain nous a expliqué : « On a couru derrière et tranquille. Il est venu finir sur des chevaux fatigués. C’est que nous avions imaginé avec une épreuve qui s’est disputée à un rythme élevé. Contrat rempli. La piste ne l’a pas dérangé. »
C'est Etonnant qui a lancé la course en haut de la montée, prenant de vitesse alors Freeman de Houelle. Le pensionnaire de Richard Westerink a ensuite conservé au courage la cinquième place que nous a commentée l'entraîneur : « Je suis très satisfait car il a fait une vraie course aujourd’hui. Il a terminé fatigué mais réalise une très bonne performance. » Pour la suite du programme d’Etonnant, Richard Westerink évoque sans conviction le Prix d’Amérique tout en préférant y présenter Frisbee d’Am. Etonnant devrait aller pour sa part sur le Prix de l’Île-de-France, sur sa distance de prédilection (2175m).

Au-delà des cinq premiers
Très en vue, Feeling Cash et Fado du Chêne n'ont jamais pu intégrer la première partie du peloton. Ils ont respectivement conclu septième et huitième. Jockey de Feeling Cash, Eric Raffin nous a précisé : « Jamais dans le coup, battu du départ à l’arrivée. »
Au sujet de Fado du Chêne, Julien Le Mer évoque un jour sans : « Le cheval est bien sorti du fil mais s’est montré très froid par la suite. Il a fallu que Paul [Ploquin] l’emploie de bonne heure. Il était trop froid aujourd’hui pour envisager une bonne performance. Il a peut-peut le « Calvados » encore dans les jambes. La piste était pareille pour tout le monde et c’était peut-être un jour sans. »

Déception pour Gladys des Plaines
La déception était perceptible dans le camp de Gladys des Plaines, disqualifiée. Son entraîneur Gilles Curens nous a confié : « La jument a répondu par une faute à la suite d’un mouvement devant elle quand il a fallu la décaler. Elle avait encore du gaz et Mathieu [Mottier] pense qu’elle aurait été à l’arrivée. Elle n’était sans doute pas très à l’aise sur cette piste fouillante aujourd’hui. » La 5 ans ne devrait pas participer pas participer au prochain Groupe 2 qui s’offre à sa génération dans une semaine. Son objectif à venir est le Prix des Centaures (Gr.1), le 14 février.
© ScoopDyga
4e | PRIX DE CORNULIER
M - 2700 m - Groupe 1 - 700 000 €
BAHIA QUESNOT 1'12"8
Scipion du Goutier x Queen Ines (Install)
Jockey : M. Abrivard - Entraîneur : J. Guelpa
Propriétaire : T. Ait-hamouda - Eleveur : A. L. Lefebvre
2e Flamme du Goutier 1'12"9 Ready Cash x Utopie du Goutier
3e Etoile de Bruyere 1'13"2 Kenor de Cosse x Reinette du Tijas
4e : Jerry Mom - 5e : Etonnant - 6e : Dynamite Marceaux - 7e : Feeling Cash

D'où vient-elle ?

Elevée dans la Manche par la famille Lefebvre, Bahia Quesnot est la sœur de trois vainqueurs : Vénus Quesnot (25 060 €), Elliot Quesnot (13 690 €) et Figaro Quesnot (12 190 €). Leur grand-mère est la bonne Idumée du Dollar (205 224 €), auteure de Tidumée (139 870 €) et Bianca Nostra (137 920 €).

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