« Je vis un truc de fou. » Voilà comment Tahar Ait-Hamouda, propriétaire majoritaire de Bahia Quesnot, qui court sous ses couleurs, entame notre échange, une bonne heure après le triomphe de sa Bahia dans le Cornulier. Qui est ce passionné, parti de rien et aujourd'hui à la tête d’un effectif d’une vingtaine de trotteurs, poulinières et poulains inclus ?
C’est la victoire d’une jument de classe mais qui portait avec elle beaucoup d’inconnues dans le Prix de Cornulier (Gr.1). Bahia Quesnot (Scipion du Goutier) était la candidate la plus riche au départ mais avait un palmarès quasiment vierge au monté (une deuxième place en 2015 pour un total de quatre tentatives). Bien mince face aux meilleurs spécialistes du monté du moment. Elle n’avait encore jamais gagné à Vincennes. Une incongruité dans le curriculum vitae d’une performer de top niveau international de 10 ans, lauréate de Groupe 1 en Italie en décembre dernier. Elle courait ferrée, là encore presque une anomalie dans le contexte de la plus haute compétition. Bref, Bahia Quesnot est une lauréate atypique. Elle est même comme la synthèse d’une concordance des improbabilités. Mais cette concordance a bien été la plus forte dimanche. Et elle nous permet de découvrir l’homme qui se cache derrière toute la carrière de Bahia, son copropriétaire le plus investi, Tahar Ait-Hamouda.
24H au Trot.- C’était un drôle de pari. Vous étiez dans l’attente de voir ce qu’elle pouvait faire ou plutôt dans l’attente d’une bonne performance ?
Sincèrement, en fait, j’y croyais. Même si les journalistes et globalement les professionnels avaient du mal à lui accorder une première chance, j’étais dans l’attente d’une bonne performance. Je connais ma jument. Et je trouve que l’histoire est belle avec Matthieu Abrivard. Je vous explique. Je n’interviens jamais dans les engagements de mes chevaux. C’est Junior [Guelpa] qui a carte blanche. Mais il faut savoir qu’il y a quelques années, j’avais demandé à Matthieu de monter Bahia Quesnot quand elle était chez Cédric Herserant. À l’époque, Matthieu avait Bellissima France qui n’était pas encore arrivée au niveau du Cornulier et il nous avait dit : « Non je ne peux pas, j’ai Bellissima. » Quelques années après, Junior, sans rien nous dire, a demandé à Matthieu également. C’est incroyable.
Pourquoi Matthieu Abrivard ?
C’est le cavalier qui lui convient. C’est quelqu’un qui est très calme et posé. Il fallait venir de derrière. Il l’a démarrée, il l’a cachée derrière Etonnant. En haut de la montée, elle a toujours un coup de blues. Et il l’a lancée dans le dernier tournant. Dans la ligne d’arrivée, elle repart tout le temps, à chaque fois. Matthieu l’a montée comme dans un rêve. Elle a été préparée comme dans un rêve également.
Elle passait pour être meilleure sur piste plate. Votre avis ?
C’est vrai mais elle avait quand même fait des trucs à Vincennes comme deux fois deuxième d’Aubrion du Gers [dans le Prix de Nevers et la Finale du GNT 2016]. En parlant d’Aubrion du Gers, elle avait été aussi sa dauphine à Vichy. Elle comptait quand même déjà de grandes performances à Vincennes.
Vous pouvez nous raconter son histoire ?
J’ai toujours acheté des chevaux chez la famille Lefebvre, les éleveurs des « Quesnot ». La preuve en est qu’hier je les ai encore appelés pour savoir ce qu’il avait à vendre dans l’année des « K ». Pour revenir à Bahia, je trouvais son prix trop élevé quand elle était yearling et on n’avait pas fait affaire. Elle est passée sur le ring des ventes où ils l’ont rachetée 5 000 €. À cette époque, j’avais gagné de l’argent dans les courses avec Union Life. Tout ce que je gagne dans les courses, je le réinvestis dans les courses. Le jour de la vente, j’étais sur la route et j’appelle les « Quesnot » pour savoir combien il l’avait vendue. Ils m’apprennent qu’ils l’ont toujours et je leur ai dit que j’étais acheteur. On s’est mis d’accord sur le prix et quelques jours plus tard, elle était chez Cédric Herserant. Elle s’est révélée très compliquée. Elle ne démarrait pas mais faisait des trucs en piste. Cédric l’a toujours estimée.
Et son passage chez Junior Guelpa à la fin d’année 2018 ?
On avait couru Cuise La Motte en Oslo, en juin 2017. On faisait la fête et je me souviens que, à l’entrée de l’hippodrome, il y a une grande statue de cheval. Je suis monté dessus mais je ne pouvais plus en descendre, j’ai le vertige en fait ! Il y a alors Nicolas Raimbeaux et Junior Guelpa qui étaient aussi là-bas et qui m’ont aidé à en descendre ! C’est comme cela qu’on a fait connaissance. On a passé du temps ensemble à ce moment-là. Je les ai ramenés à leur hôtel avec ma voiture de location…
Plus tard, en 2018, Bahia court mal plusieurs fois à Vincennes. J’ai appelé Cédric et lui ai dit : « Il faut qu’on fasse quelque chose, elle ne veut plus aller à Vincennes ». Il était d’accord avec moi et me dit : « Je vous suis ». Je lui ai dit que je voulais la mettre chez Junior Guelpa et il m’a dit « pourquoi pas ? » A l’époque, il était encore propriétaire de la jument. On s’entend super bien avec Cédric.
Matthieu Abrivard est le cavalier qui lui convient.
Tahar Ait-Hamouda
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