S’il existe un grand absent lors de cette 100e édition du Prix d’Amérique, c’est bien Bold Eagle qui a tiré sa révérence l’été dernier, après avoir disputé cinq fois l’épreuve reine du Trot Français. Lauréat en 2016 et 2017, 2ème en 2018 (battu par Readly Express), 6ème en 2019 et non placé l’an dernier, le champion désormais titulaire du record des gains (5 031 287 euros à ce jour, sachant que son compte en banque devrait encore s’enrichir de quelques dizaines de milliers d’euros) a changé la vie de Pierre Pilarski et de ses associés, les Bernereau père et fils, sans oublier son éleveur et co/associé Jean-Etienne Dubois.
Pour Pierre Pilarski, la romance d’amour avec le Prix d’Amérique, entamée par Bold Eagle, se décline aujourd’hui au travers de Face Time Bourbon, dont il détient une part (15%) depuis l’été de ses 3 ans. Entre le passé et le présent, la belle histoire se poursuit donc pour le propriétaire à la casaque rouge, épaulettes noires et toque jaune.
24heures au trot : Comment avez-vous fait l’acquisition d’une part de Face Time Bourbon ?
Pierre Pilarski : En 2018, après qu’il ait couru à cinq ou six reprises. Je me souviens d’ailleurs avoir acheté Bold à ce même âge, à l’été de ses 3 ans. Pour Face Time Bourbon, on avait demandé auparavant à Antonio Somma s’il était vendeur. Il nous avait répondu par la négative ou bien seulement à hauteur de 30%. Je n’étais pas monté « dans le train » à ce moment-là. Quelques mois plus tard, Antonio m’a proposé cette fois 15%, n’ayant pas oublié que mon intérêt pour le cheval. Je ne le remercierai jamais assez de m’avoir offert à nouveau cette opportunité, d’autant qu’avec Face Time, je n’ai pas du tout la même pression, étant « passager clandestin ».
C’est si difficile d’être le propriétaire d’un grandissime favori de Prix d’Amérique ?
Rétrospectivement, je regrette de ne pas avoir plus profité des exploits de Bold et de toutes ses victoires (NDLR : 41 au total). Quand vous courez à chaque fois dans l’espoir de l’emporter, que vous réussissez à monter les échelons un par un, que vous êtes au départ de votre premier Prix d’Amérique, la pression du résultat sportif l’emporte : à savoir celle que le cheval ne soit pas à la hauteur de vos espoirs, qu’il y ait des incidents de course, qu’il déçoive le public et les turfistes s’il vient à décevoir.
A la fois consciemment et inconsciemment, car c’est important pour toi, pour l’entourage, pour les fans, j’ai pris sur mes épaules cette chance, cet honneur, mais aussi cette charge ! Je me suis rendu compte, au fil du temps, que c’était lourd à porter, car j’en ai peut-être aussi trop fait.
Cette fois, avec Face Time, le contexte est tout autre. La pression est sur Antonio qui, au passage, se protège beaucoup plus. Cela dit, et il l’a avoué récemment, à la veille de ce second Prix d’Amérique, Antonio est plus stressé que l’an dernier. J’avais exactement eu le même ressenti en 2017, avec Bold, car tout le monde vous espère fidèle au rendez-vous.
Malheureusement, ce sera un événement à distance cette année...
J’espère que j’aurais encore l'opportunité d'y être l’an prochain ! Je vois en effet Face Time réaliser une plus longue carrière que Bold.
Pourquoi ?
Car c’est une perfection de trotteur. Contrairement à Bold, il peut courir déferré, il est moins fantasque, il est plus professionnel, il sait s’économiser. Sébastien a beaucoup appris également, au fil des années, en croisant la route de tels champions. Pour toutes ces raisons, je pense Face Time capable d’avoir une carrière encore plus complète que Bold.
Est-ce à dire que vous estimez Face Time Bourbon meilleur que Bold Eagle, à ce même âge, soit au début de son année de 6 ans ?
Je ne veux pas établir de comparaison entre eux deux car ils sont trop différents tout comme on ne peut se contenter de juger des champions sur le seul critère des gains. Chez Bold comme Face Time, j’aime leur panache, leur « musique », leur faculté à répondre le plus souvent présent à chacune de leur sortie.
Cela dit, ce qu’a réalisé Bold au premier semestre de ses 6 ans relève de l’exceptionnel. Après l’avoir déjà tentée un an plus tôt, échouant de peu, battu par Lionel dans le GP de Paris, il a réalisé l’exploit de gagner la Triple Couronne, enchaînant GP d’Amérique, de France et de Paris. Dans l’épreuve reine, il n’avait pourtant pas bénéficié d’un bon parcours. Et puis, à Solvalla, dans la batterie de l’Elitlopp, il avait ébloui tout le monde, surclassant l’adversité dont Délicious As qui restait sur 13 succès, avant de tomber nerveux dans la finale tout en terminant 4e, sans avoir jamais reprendre un bol d’air. Bold, au premier semestre de ses 6 ans, est le meilleur cheval que j’ai vu en piste, tout comme l’avait été Varenne lors de son année de 5 ans. En revanche, après Solvalla, Bold n’a plus jamais retrouvé ce même niveau. Avoir gagné 46 courses dont 21 Groupe 1, qui plus est en étant né dans une génération exceptionnelle, est tout simplement hors normes.
ce qu’a réalisé Bold au premier semestre de ses 6 ans relève de l’exceptionnel.
PIERRE PILARSKI
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