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Actualité - 03.02.2021

Face Time Bourbon le trotteur d'excellence

Une fois n’est pas coutume, je vais écrire à la première personne ! J’ai assisté à mon premier Prix d’Amérique en 1971, l’année où Tidalium Pélo, paré de bandages bleus, s’était imposé face aux juments Vanina B (qui deviendra la mère de Jorky) et Une de Mai. Depuis, je n’ai raté que trois éditions, dont bien évidemment celle de dimanche pour les raisons que l’on sait. Malgré l’absence de vivre l’émotion en direct du « stade » de Vincennes, où la montée en pression pour les chevaux comme pour le public est un spectacle à lui tout seul jusqu’au départ, j’ai vibré, exulté, adoré, au point de placer ce 100e Prix d’Amérique au sommet de tous. En voici les raisons essentielles, objectives et subjectives (évidemment).

Un départ réussi
Si le starter a dû s’y prendre à plusieurs reprises, un seul faux départ a été commis, incombant à Alexandre Abrivard et Féérie Wood. La 2e tentative, validée par le starter, a été satisfaisante en tous points, chaque concurrent réussissant à avoir sa place, sans que l’un d’entre eux ne soit vraiment gêné.
Les favoris de l’épreuve ont ainsi pu prendre aussitôt des positions de choix, sachant que l’épreuve reine nécessite de se trouver dans la « bagarre » très vite, au risque de (trop) subir. Pour preuve, au terme de 200 mètres de course, Face Time Bourbon était pointé en 2e position, Davidson du Pont en 5e, Gu d’Héripré en tête, Délia du Pommereux en 7e et Bahia Quesnot en 3e rang. Dans ces circonstances, les pilotes ont réussi à imprimer la tactique qu’ils avaient prévue, à commencer par Jean-Michel Bazire qui tenait absolument à prendre le dos de Face Time Bourbon et de Bjorn Goop, ce qu’il a réussi à faire à l’amorce du tour de piste (2 000 mètres de l’arrivée).

Un tour de piste phénoménal
Depuis que l’anneau de Vincennes a été remodelé (1993), jamais les 2 000 mètres du tour de la Grande Piste n’ont été accomplis à une allure aussi soutenue. Face Time Bourbon l’a effectué sur le pied d’1’09’34, et son dauphin Davidson du Pont sur celui de 1’09’’4, dont les derniers mille mètres sur le pied d’1’09 pour le vainqueur ! Power et Bahia Quesnot venus prendre la tête successivement dans la descente puis pour aborder la montée ont évidemment apporté leur contribution à ce record. Sur les deux derniers kilomètres, cette 100e édition n’a donc jamais connu aucun temps mort. Qui aurait imaginé que le tour de piste soit accompli à cette allure, sachant combien la montée a le chic de couper les jambes des plus grands champions s’ils la négocient trop vite, ne pouvant alors que décélérer en fin de parcours ? Face Time Bourbon a accompli ses derniers 500 mètres sur le pied d’1’09’’4, et les 500 mètres précédents sur le pied d’1’08’’6 là même où il a entamé l’estocade pour mettre Davidson du Pont en apnée.

De ce fait -sans le moindre répit ou tentative de ralentissement-, ce Prix d’Amérique 2021 a permis d’étalonner au plus juste leurs protagonistes, sur la distance classique. Face Time Bourbon est bien le plus fort, valant 4 mètres de mieux que Davidson du Pont et 18 mètres que Gu d’Héripré. L’intervalle entre les deux premiers et le très bon 5 ans de Fabrice Souloy est d’ailleurs significatif de l’âpreté de la bataille.

Amenés au top pour le jour « J »
Depuis son succès dans le GP d’Amérique 2020, Face Time Bourbon comptait onze sorties pour neuf succès (dont cinq Groupe I) et deux 2e places (Prix de France et GP de la Loterie). C’est dire s’il n’a jamais failli à son statut de champion, jouant à chaque fois sa carte à fond avec trois sorties victorieuses effectuées sous le pied de 1’10 (Prix Ballière, de l’Etoile, Marcel Laurent).
Dans le même laps de temps, Davidson du Pont avait pris sa revanche sur Face Time, en résistant à son retour dans le Prix de France, mais était parti au galop dans le Prix de Paris, avant de prendre des vacances sportives de février à octobre, ne retrouvant sa pleine carburation qu’à l’amorce de ce mois de janvier. Depuis un an, toute sa préparation avait donc été axée sur le rendez-vous de ce 31 janvier 2021.
Soit deux itinéraires totalement différents, orchestrés de main de maître par les deux meilleurs entraîneurs actuels obnubilés par le même Graal. Pour Sébastien Guarato, le dilemme était de redonner -en quatre semaines- un supplément d’arme à son Face Time Bourbon, moins impérial qu’attendu dans le Prix de Bourgogne. Pour JMB, il s’agissait « d’affuter la lame » (comme il l’avait imagé) de son Davidson pour le jour « J », avec une pierre à fusil.
Les deux entraîneurs ont ainsi réussi à amener leur pensionnaire respectif à 120% de leur condition physique et mentale. D’où ce chrono historique d’1’10’’8 pour Face Time, amélioré de quatre dixièmes de seconde sur les ex-co-record-horses, Readly Express (2018) et Bold Eagle (2017).
Pour parvenir à ce récital, Sébastien Guarato a diversifié l’entraînement de son crack dans les dernières semaines, l’emmenant à la mer et intensifiant ses derniers travaux, mais en allégeant son dernier heat à une heure de la course. De son côté, JMB a « fait monter » Davidson dans les tours, le faisant renouer avec le succès dans le Prix de Belgique avant de l’amener dans une condition athlétique exceptionnelle ce dimanche. A défaut de l’avoir vu en chair et en os, Davidson du Pont tirait vraiment « l’argent de la poche » au moment du départ, trottant tout en puissance et souplesse.
Deux cracks, amenés au top via des itinéraires différents, ont en donc décousu.

Une merveille de drives
Au départ de cette 100e édition, Bjorn Goop, Jean-Michel Bazire et Franck Nivard comptaient à eux trois onze succès, dont six acquis lors de ces six dernières éditions. Les trois meilleurs pilotes d’Europe et de Vincennes ont composé l’arrivée gagnante, chacun avec leur « patte » respective. Malgré un meeting d’hiver en demi-teinte jusque-là et contrairement à l’an dernier où il avait pratiqué la course d’attente jusqu’au dernier moment, le casque d’or suédois a assumé ses responsabilités de favori. Ne doutant pas un seul instant du potentiel de son crack mais aussi de la « finition » assurée par Sébastien Guarato, Bjorn Goop n’a pris aucun risque de se laisser enfermé, et ne s’est pas laissé impressionné d’avoir JMB et Davidson dans son dos. A aucun moment, il n’a perdu la maîtrise de la situation, lançant son attaque dès l’amorce du dernier tournant, là-même où son aîné est le moins à l’aise.
L’homme aux vingt sulkys d’or a pu avoir la course dont il rêvait, s’offrant le luxe de reculer d’un cran après 500 mètres de course, pour se placer dans le dos de Face Time Bourbon. Dès lors, il était amené sur un « plateau », ayant la meilleure roue comme on le dit en cyclisme. Mais dans un sprint parti de loin, Davidson du Pont a fini par décrocher du sillage de Face Time Bourbon, dès l’entrée de la ligne droite. Sans décélérer, le fils de Pacha du Pont n’a pu ensuite profiter de la moindre aspiration, son cadet restant lui aussi à une vitesse supersonique.
Et que dire de Franck Nivard ? Il a réussi également la course parfaite : un départ de choix avant de trouver également le bon dos, à savoir celui de la 3e favorite Délia du Pommereux, ayant filé elle-même son contemporain, Davidson du Pont.
Nos trois meilleurs pilotes de Formule 1 ont bel et bien réalisé une course modèle, à montrer dans les écoles.

le casque d’or suédois a assumé ses responsabilités de favori

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Une addition de prix d’excellence
Record de la course. Doublé réalisé à 5 puis 6 ans. Douzième Groupe I à son actif. Pedigree d’exception. Face Time Bourbon a coché, ce dimanche, à mes yeux, toutes les cases pour en faire le meilleur vainqueur de Prix d’Amérique de ces cinquante dernières années.
Avant lui, Bellino II a certes réalisé le Triplé d’Amérique, mais c’était à l’âge de 8, 9 et 10 ans. A 6 ans, le champion de la famille Macheret brillait essentiellement sous la selle.
Idéal du Gazeau n’a gagné son premier Prix d’Amérique qu’à 7 ans. A 6 ans, quand il s’était présenté au départ, il ne comptait que neuf Groupe I à son actif.
Quand il a gagné son premier Prix d’Amérique, à 6 ans, Ourasi signait-là seulement le 4e Groupe I de sa carrière.
Ténor de Bauné a certes réussi l’exploit d’arriver invaincu et de gagner le Prix d’Amérique lors de sa 30e sortie, mais il ne s’agissait que de son 5e Groupe I.
Général du Pommeau, premier trotteur à tomber sous la barre des 1’13 (1’12’’6 précisément en 2000), a décroché son 8e Groupe I dans le Prix d’Amérique 2000.
Le crack italien Varenne avait loupé son Prix d’Amérique 2000 (3e) quand il s’était présenté la première fois, à l’âge de 5 ans. Quand il l’a emporté à 6 ans, pour la première fois, il signait-là son 12e Groupe I…
Offshore Dream, lauréat à 5 ans du Prix d’Amérique 2007, a remporté son 4e Groupe I l’année suivante, quand il réalisait le doublé.
Ready Cash, gagnant en 2011 de son premier Prix d’Amérique à 6 ans, y signait le 4e Groupe I de sa carrière.
Bold Eagle, qui ouvert la voie à Face Time, en l’emportant à 5 et 6 ans, en était à son 10e Groupe I quand il a doublé la mise en 2017.
Readly Express en était, quant à lui, à son 6e Groupe I quand il l’a emporté en 2018.
Le palmarès de Face Time Bourbon parle donc pour lui. Il est supérieur à tous les champions ci-dessus et ce 100e Prix d’Amérique une édition 50 étoiles, à l’image du drapeau Stars and Stripes.

Quel rating pour ce Prix d’Amérique 2021 ?
Au galop, toutes les épreuves de Groupe sont l’objet d’un rating, c’est-à-dire l’évaluation d’une valeur sportive, selon le temps réalisé, la valeur des chevaux au départ, et les distances à l’arrivée. Si cette notion n’existe pas officiellement au trot, elle est tout de même analysée d’une année sur l’autre.
A cet égard, la 100e édition de ce GP d’Amérique a aligné treize lauréats différents de Groupe I -pour un total de 33 succès à ce niveau de compétition-, dont sept concurrents nés à l’étranger (trois italiens, deux norvégiens, un danois, un suédois). C’est un bon cru, même si des éditions précédentes ont réuni des chevaux plus capés, notamment au niveau des visiteurs venus de l’extérieur. Le principal absent a été en particulier Zacon Gio, le « tombeur » de Face Time Bourbon à deux reprises, en 2019 à Modène (Premio Unione Europea) puis à l’automne dernier dans la finale de la Loterie à Naples. Un Zacon Gio qui, pour la petite histoire, a été élevé par Antonio Somma avant d’être vendu et de ne devenir la bête noire de Face Time. Ce sont les éléments chronométriques qui définissent surtout le niveau exceptionnel de cette édition (record de l’épreuve, record du tour de piste), se traduisant encore par des écarts substantiels observés à l’arrivée entre les participants.

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