Il aura 37 ans dans un mois. Roman Larue vit actuellement une grande et incroyable histoire avec Gelati Cut. Le 5 ans est tout simplement l’un des leaders de sa promotion. L’entraîneur va se lancer avec lui dans une campagne européenne en commençant par la Paralympiatravet, le 8 mai à Åby, en Suède. Mais l’histoire de Romain Larue est aussi celle d’un professionnel qui a déjà connu plusieurs vies, tutoyant tôt les sommets avant de connaître une traversée du désert. Rencontre à cœur ouvert avec un professionnel sans langue de bois.
Samedi dernier à Vincennes, Gelati Cut (Coktail Jet) a remporté le Prix Robert Auvray (Gr. 2) aux dépens de Gu d’Héripré (Coktail Jet). Il s’agit du deuxième titre consécutif semi-classique du représentant de l’Écurie Windcut. Après une campagne italienne plutôt réussie en fin d’année dernière (avec deux troisièmes places dans des Groupes 1), Gelati Cut va se lancer dans une nouvelle campagne européenne ce printemps. Son premier objectif est la Paralympiatravet (Gr.1), le 8 mai à Åby. Le 5 ans a reçu dès dimanche son carton d’invitation pour le Groupe 1 suédois, devenant le premier qualifié de l’épreuve. Quelques heures avant d’avoir cette officialisation, Romain Larue était déjà totalement concentré sur l’objectif : « Une course comme cela ne se prépare pas en deux jours mais, de toute façon, je le prépare pour cette course et s’il n’y court pas là-bas, il dispose d’un semi-classique le même jour en France. »
Derrière ces propos limpides, c'est un homme qui revient de loin qui s'exprime, comme en retour de grâce, et qui nous dira : « J’ai connu les hauts et ensuite le fond de l’océan. »
Pour Romain Larue, le Prix Robert Auvray est un quatrième Groupe 2 après ceux décrochés en 2015 avec Bardane du Houlbet (Jet Fortuna) et Ariane du Goutier (Goetmals Wood). 2015-2021 : six petites années qui ont compté double ou triple pour le professionnel. Une période qui l’ont vu touché par la remise en cause de son métier, de sa vie, de tout en fait.
24H au Trot.- Parlons déjà de Gelati Cut. Comment pourrait-on le présenter ?
Romain Larue.- C’est un vrai cheval pour voyager. Il a un tempérament de fou car il s’adapte à tout. C’est un vrai bon cheval, il fait tout. Si on me donne l’autorisation pour aller aux États-Unis, on pourrait aussi et même y aller. Et puis, il me permet de vivre un rêve. Je n’ai que cinq chevaux à courir, quinze en tout, un salarié et, avec l’un de nos chevaux, Gelati Cut, on joue avec les bons. C’est extraordinaire.
Que dire de votre effectif du moment ?
Je n’ai pas beaucoup de chevaux mais j’ai la chance d’avoir de la qualité. M. et Mme Karsenty (Écurie de Windcut), qui sont des éleveurs, ont une politique de sélection. L’Écurie des « Morgane » (Gérard Chandebois) sélectionne beaucoup aussi. Même chose pour les « Goutier ». Ce sont les trois gros éleveurs avec lesquels je travaille. Ils sont exigeants tant sur leurs mère que sur les croisements avec les étalons. Pour moi, c’est super.
En ce moment tout va bien pour vous ? Qu’est ce que cela vous inspire ?
J’ai connu les hauts et ensuite le fond de l’océan. J’ai déjà connu des bons chevaux tôt comme Bardane du Houlbet et Ariane du Goutier qui ont couru le haut niveau. Et ensuite, j’ai vécu à la traversée du désert de Gobi de façon soudaine et brutale. Et maintenant, je retombe sur des bons chevaux avec des jeunes prometteurs qui suivent. C’est génial.
Psychologiquement, cela doit être difficile à affronter ces montagnes russes de la réussite ?
Quand rien ne va, le moral en prend un coup. J’ai eu droit à une sorte de dépression. J’ai alors fait un gros tri dans tout et, d’abord, dans mes chevaux. Je suis reparti pratiquement à zéro. À ce période-là, Franck Anne m’avait dit : « Si cela se passait comme toi pour moi, je recommencerais tout à zéro. » J’ai cogité toute la nuit et, le lendemain, j’ai commencé à faire le ménage. J’ai dégagé quarante chevaux en une semaine. Et je suis parti avec rien. J’ai été suivi et soutenu par mes premiers clients qui ont toujours été avec moi. J’ai aussi arrêté la multiplication des chevaux en location. Je ne prends en location que vraiment les chevaux qui me plaisent. Je n’ai recommencé qu’avec des bons chevaux.
Quelle analyse faîtes-vous de cette plongée aux enfers ?
J’ai eu alors un problème de personnel et me suis laissé déborder. Il y a trois ou quatre ans, je n’avais pas assez de personnel pour gérer mon nombre de chevaux. Le constat est d’ailleurs toujours le même : on n’arrive pas à trouver du personnel. Actuellement, j’essaie de recruter depuis plus de huit mois un salarié et je n’y arrive pas. Ce n’est même pas une question de salaire : je n’ai aucune proposition. Avec le recul, j’ai fait un burn-out. Un burn-out sur tout : on travaille comme des fous car on manque de personnel et on veut faire plaisir à tout le monde.
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