Marion Lemonnier le sourire démasqué
Habibi vient de lui offrir sa deuxième victoire comme entraîneur. Marion Lemonnier s'est lancée tout récemment, il y a quelques semaines seulement, dans cette nouvelle aventure de l’entraînement et récolte avec ce 4 ans les premiers fruits d'un achat réussi. La jeune femme (31 ans) a emmené avec elle des novices devenus désormais des convertis aux courses.
Le temps file très vite. Parler de Marion Lemonnier, c’est aussi parler de la représentation des femmes dans les courses. En 2014, la fille de l’entraîneur Patrick Lemonnier est championne de France des apprenti(e)s monté(e)s. À l’âge de 25 ans, elle succède à Marion Goetz, la première femme à avoir remporté le titre en 2006, dans les tableaux du monté et du combiné. De son côté, Marion Lemonnier n'a pas connu la pression et n’y voit, aujourd'hui, rien d’exceptionnel si ce n’est que, « maintenant, ce sont les filles qui trustent les premières places du même classement ». Pas l’âme revendicatrice d’une défricheuse chez Marion Lemonnier.
Née dans le sérail et vite mordue par les courses, la future jockey ne suivra pas de formation spécialisée. « Ma maman m’a dit : « Passe ton bac d’abord. Fais des études et tu verras après. J’ai donc fait un bac technique suivi d’un BTS « Assistance de gestion ». Avec le recul, je peux dire qu’elle a eu raison. Une fois mon BTS en poche, je me suis donnée deux ans pour voir si cela pouvait marcher pour moi dans les courses. » Nous sommes en 2011. Marion Lemonnier n’a couru qu’une dizaine de fois jusque-là grâce à son statut de fille d’entraîneur. « Trois ans plus tard, j’étais meilleure apprentie de France. »
Deux années fulgurantes
« Tout s’est fait en deux ans. » En 2013 et 2014, Marion Lemonnier remporte 45 courses (21 en 2013 et 24 en 2014, l’année de son titre de première apprentie montée). C’est le 30 décembre 2014 qu’elle signe sa 50e victoire et passe professionnelle. « Je peux remercier Jean-Claude et Jean-Williams Hallais. C’est grâce à eux que j’ai remporté mon titre. Ils m’ont beaucoup fait monter et j’ai gagné beaucoup de courses pour eux. Ils m’ont fait confiance à 200 %. Ils appréciaient ma façon de monter et trouvaient que cela correspondait bien à leurs chevaux et la manière dont ils les mettaient. Je dirais que je montais à l’économie. Je démarrais, je me cachais et venais à la fin. »
En parallèle de sa carrière de pilote, Marion Lemonnier a fait plusieurs maisons, comme salariée.
« J’ai commencé chez Franck Ouvrie puis suis allée chez Pierre-Michel Enault et Charles-Antoine Mary. » Elle fait aussi un passage chez Franck Leblanc.
« Je suis revenue en Normandie il y a quelques années et j’ai travaillé dernièrement chez Vincent Maillard avant de m’installer dans l’établissement familial quand mon père a décidé de prendre sa retraite. » Sur les programmes, dans la colonne driver et jockey, son nom s’est fait plus discret depuis l’an dernier. Le feu sacré n’est plus là :
« Plus cela allait et moins j’avais envie de monter en course mais, quand j’étais plus jeune, j’ai toujours eu la chance d’avoir des patrons qui me laissaient partir facilement aux courses. »
2021 : le grand saut lancé en 2020
« Mon père a pris sa retraite l’an dernier. Cela m’a fait réfléchir et cela m’a poussé à me lancer. À un moment, il fallait y aller. J’ai 30 ans passés. J’ai alors demandé une autorisation d’entraîner (NDLR : un statut qui ne lui permet pas d’avoir de chevaux de propriétaires) et j’ai eu mon premier partant en début d’année. » Actuellement, Marion Lemonnier a quatre pensionnaires, avec une capacité de sept chevaux maximum. Elle est installée à Troarn et ne travaille que sur la plage voisine. Un site qu’elle connaît par cœur et pour cause :
« J’ai des souvenirs très anciens d’entraînement. Je me rappelle que, quand j’avais 6 ans, mon père m’emmenait trotter sur la plage avec ma sœur [NDLR : Jennifer, driver amateur]. Il faut avoir l’habitude de travailler à la mer, sur une plage. Le risque est de trop en faire car, si on n’a pas ses repères, on ne se rend pas compte des kilomètres que l’on fait. »
Mais l’entraînement n’est pas sa seule activité, nous explique t-elle :
« Ce que j’aime le plus faire, c’est la remise en forme à la mer. J’ai des pensionnaires envoyés par d’autres entraîneurs comme Sébastien Guarato dans ce but. À la base, c’est ce qui me plaît le plus. Évidemment, aller aux courses quand cela se passe bien est bien aussi ! »
Marion Lemonnier dans le Prix de Cornulier 2015 en selle sur la représetante de la famille Hallais Sierra Leone.
© ScoopDyga Les projets d’agrandissement
La jeune femme veut passer son stage d’entraîneur pour devenir entraîneur public. Et pouvoir avoir des propriétaires mais sans changer les piliers de son organisation, privilégiant le qualitatif au quantitatif :
« Je préfère avoir peu de chevaux et m’en occuper à fond plutôt que de faire de la quantité. » Sur le site actuel, Marion Lemonnier partage les installations avec Matthieu Lebrec, en couple avec Jennifer, la sœur de Marion. La dimension familiale semble importante aux yeux de la jeune femme qui a d’ores et déjà des projets d’avenir bien définis :
« Mon père m’a cédé deux hectares sur lesquels je compte construire des boxes et mon futur logement. Aujourd’hui, avec mon compagnon, je ne vis pas sur le site d’entraînement. J’ai 25 minutes de déplacement. Agrandir mes capacités d’accueil et vivre sur place : tout cela va de pair avec mon projet de devenir entraîneur public. »
Habibi : pour l’amour de Scipion du Goutier
Chaque achat est une histoire et celle liée à
Habibi n'est pas banale. Marion Lemonnier nous la présente en ces termes :
« Je regardais l’an dernier les engagés d’un réclamer à Cherbourg. Habibi m’a interpellé car c’est un Scipion du Goutier et j’ai toujours voulu en avoir un. J’avais monté à plusieurs produits de Scipion du Goutier lors de mon passage chez Franck Leblanc. J’ai contacté l’entourage du cheval et je l’acquis avec un associé avant la déclaration des partants. Du coup, Habibi n’a pas couru le réclamer de Cherbourg. Mon associé, Nicolas Lelong, ne connaissait pas les courses il y a encore peu. C’est l’un des meilleurs amis de mon compagnon Jérémy, lui-même extérieur au milieu. Il travaille dans la publicité. » Jérémy et Nicolas se piquent au jeu. Nicolas Lelong a même acheté, avant
Habibi, deux chevaux avec d’emblée de la réussite :
Finger de Rodrey et
Fabulous Girl.
« Il a une chance pas possible », sourit Marion Lemonnier.
« Il voulait avoir un cheval à la maison, c’est pourquoi nous avons acheté ensemble Habibi. » Au sujet de ce dernier, l’entraîneure nous apprend :
« Il a un engagement en or à Maure-de-Bretagne à la fin du mois. Et ensuite, avec les gains qu’il a, on n’aura pas trop le choix sinon d’aller à Paris. »
Je préfère avoir peu de chevaux et m’en occuper à fond plutôt que de faire de la quantité.
Marion Lemonnier
© Hippodrome de Laval © Hippodrome de Laval3 avril 2021 (Laval), victoire de Habibi : Clément Frécelle (driver), Marion Lemonnier et son compagnon Jérémy