Quand le programme de sélection fait sa révolution
Le Comité de LeTROT a entériné ce jeudi un projet de refonte de son programme de sélection. Il s’agit d’une remise à plat de toute la partie haute du programme, celle des meilleures épreuves, dans une triple logique : améliorer les principes de sélection, rendre plus lisible ce programme et participer à la création d’événements pour reconquérir le grand-public. Les places de certaines grandes épreuves vont changer dans le calendrier dès 2022, d’autres vont voir leurs conditions remaniées, d’autres encore vont être créées. Au global, le nombre de Groupes 1 restera le même qu'actuellement.
Il s’agit d’un bing bang du programme de sélection, incluant tous les Groupes 1 et 2 du programme français, auquel s’est attaqué LeTROT. Le projet a été préparé par la Direction Technique de la société mère, notamment le Département Programmes et Région et travaillé dans les Commissions des Programmes et de l’Elevage, le tout coordonné par Benoît Fabrega. C’était la phase amont qui a aussi vu la consultation du top-7 des entraîneurs français les plus concernés récemment par ces courses. Cinq d’entre eux ont accepté de faire un retour. Guillaume Maupas, directeur technique de LeTROT, nous apprend : « La consultation d’entraîneurs non élus mais fortement utilisateurs du programme de sélection nous paraissait indispensable. Les différentes consultations ont donné lieu à des ajustements de notre projet. »
Retour donc maintenant du projet à la Commission des programmes qui doit peaufiner et valider ce qui est, pour le moment, une feuille de route précise mais peut-être incomplète. « L'architecture est définie. Il faut désormais passer à la phase de construction avec un impératif : assurer la sélection de la race Trotteur Français », ajoute Guillaume Maupas. Nous vous proposons de découvrir l'articulation globale du futur nouveau programme, résolument offensif. La saison 2022 devra servir de date de lancement de ce qui s'apparente à une feuille de route avec des objectifs qu'il conviendra de valider en fonction de la conjoncture, notamment en termes de financement.
Les repères les plus marquants
Dans le cadre de la refonte du programme « classique », le nombre de Groupes 1 ouvert aux trois générations de 3, 4 et 5 ans ne change pas entre 2019 (la dernière année de référence complète avant la crise sanitaire) et le projet idéal de 2022 (qui ne sera sans doute pas mis en œuvre dès 2022). À l’attelé, le Prix de l’Etoile devient réservé aux seuls 3 ans (en décembre) et, au monté, le Prix des Elites devient ouvert aux seuls 4 ans. Quatre nouveaux Groupes 1 pour les générations de 3, 4 et 5 ans sont créés. Le calendrier de sélection proposera cinq grandes journées à partir de 2022, véritables vitrines grand-public du trot.
Les enjeux et la méthode
Cette réforme s’inscrit dans un cadre général, celui de la réforme du calendrier des courses PREMIUM voulu par le PMU. Elle a été lancée en 2019 et a déjà donné comme résultats en 2019 la baisse de l’offre Premium en conservant le meilleur de chaque discipline et en 2020 et2021 le meilleur positionnement de l’offre Premium (calendrier et horaires des différentes courses par catégorie et intérêt pour les parieurs). A partir de 2022, il s’agit pour les sociétés mères de travailler sur leurs programmes et leur attractivité, notamment par son volet des courses de sélection.
La méthode a été de développer les travaux avec trois cibles distinctes : les socio-professionnels (les personnes des courses), le grand-public et les parieurs. Les études se sont multipliées en fonction de chaque typologie de personnes. Guillaume Maupas nous explique :
« Des études ont été faites sur le calendrier actuel et notamment sur sa composition, sur le potentiel de chaque course à sélectionner de bons reproducteurs, à générer des enjeux ou à attirer du public. »
il s’agit pour les sociétés mères de travailler sur leurs programmes et leur attractivité, notamment par son volet des courses de sélection
De nombreuses études sur le programme actuel
De ce fait, les éléments documentaires mis à la disposition des commissions et des élus de LeTROT sont nombreux et riches. On apprend ainsi que la discipline du monté représente 40 % des course de Groupe 1 en France (et environ 38 pour 100 des allocations) alors que sa place sur l’ensemble du programme est moindre (14 % en nombre de courses et 20 % en allocations).
« Le monté, c’est un parti pris, a un poids plus important dans les courses de sélection que sur l’ensemble du programme français, commente Guillaume Maupas.
C’est juste un constat que la réforme ne remet pas en cause. »
Le programme de sélection français favorise :
■ Le trot monté ■ Les chevaux gauchers ■ Les départs à la volte ■ Les longues distances (> 2400m)
Le programme de sélection passé au crible des étalons
L’actuel programme de sélection a aussi été disséqué pour déterminer son impact sur le parc des reproducteurs. Le travail s’est effectué à partir de l’échantillon du top-100 des étalons sur la période 2008-2018 (classé par les gains de leurs produits). Les élus disposent de données sur l’importance de chaque épreuve de Groupe 1 et 2 dans le processus d’agrément des 100 étalons (suivant les conditions d’agréments antérieures à 2019). 48 de ces 100 étalons ont obtenu leur agrément grâce à leurs performances au niveau Groupe 1 alors que 46 ont été agréés par les Groupes 2 (avant éventuellement de se placer dans un Groupe 1). On apprend aussi que dans le top-100 de l’échantillon, 26 comptent une place dans le Critérium des 4 Ans. C’est l’épreuve la plus souvent citée dans cette élite. Parmi les autres enseignements, citons encore :
■ Les courses de sélection à l’attelé sélectionnent de meilleurs étalons,
■ Plus de la moitié des Groupes 2 proposés n’ont pas été utiles à la sélection du top-100.
Les critères d’attraction pour le public et les parieurs
Les études auprès des publics et parieurs permettent pour leur part d’affiner le profil type de l’offre idéale en terme d’attractivité. On obtient comme critères liés aux courses et à l’offre :
■ Groupe 1 ■ Dotation importante ■ Chevaux d’âge ■ Prix d’Amérique Races (marque / médiatisation) ■ Regroupements des meilleures courses ■ Positionnement en R1
■ Créneaux : le dimanche et hors jours fériés et vacances scolaires
La conception d’un programme « idéal » à partir de 2022
Ce sont l’ensemble de ces données qui ont conduit le service technique de LeTROT et les commissions du programme et de l’Elevage de repenser fondamement le programme de sélection. Guillaume Maupas détaille :
« Il faut que notre réforme permette de créer cinq grandes date au trot capables d’attirer plus de 10 000 personnes. C’est une réforme à la fois hyper structurante mais aussi qui est très orientée vers le public et les parieurs. C’est pour eux aussi qu’on le fait. »
Dans cette réforme, plusieurs options s’imposent comme :
■ le regroupement du Critérium des 4 ans, du Critérium des 5 ans et du Critérium des 3 ans sur un dimanche en septembre ;
■ programmer le Prix de Normandie le jour du Prix du Président de la République, journée qui sera le pendant de la journée des Critériums au trot monté (Prix d’Essai programmé le même jour) ;
■ Création de deux périodes au trot attelé. De mars à septembre : sélection des meilleurs trotteurs français ; d’octobre à février : période internationale.
LES GRANDES JOURNEES DE 2022
Les dates et affiches proposées à ce stade par LeTROT ne seront peut-être pas la réalité du calendrier de 2022 mais elles représentent bien une direction vers laquelle veut aller la société mère. Les cinq journées annoncées ici ont « vocation à attirer du monde », argumente Guillaume Maupas. « Il s’agira de journées à très fort potentiel de spectacle et d’émotions. Ce doit être de grands moments pour le public et les professionnels. Il y aura des choses exceptionnelles qui se passeront lors de ces grandes rencontres. »
■ Dimanche 30 janvier – Prix d’Amérique et Youth League
Prix d’Amérique + 1 Groupe 1 pour 4 ans + 1 Groupe 1 pour 5 ans + 2 Groupes 2 pour 3 ans (1 pour pouliches et 1 pour poulains) – l’objectif serait à terme d’avoir un Groupe 1 pour 3 ans
■ Samedi 5 mars – Journée Poursuites !
Prix des Centaures et Prix de Sélection
■ Dimanche 26 juin – Journée Paris Summer Races – Finales Etrier
Prix d’Essai – Prix du Président de la République – Prix de Normandie
■ Dimanche 18 septembre – Journée Paris Summer Races – Finales Sulky
Critérium des 3 ans – Critérium des 4 ans – Critérium des 5 ans
■ Dimanche 18 décembre – Journée Finales Etrier
Prix de Vincennes – Prix [nom à définir] (Groupe 1 pour 4 ans monté) – Prix [nom à définir] (Groupe 1 pour 5 ans monté)
Cinq journées à fort potentiel de spectacle à partir de 2022
Les effets de bord ou effet domino sur le programme
Toucher un édifice comme le programme français du trot n’a rien d’une sinécure. Il s’agit aussi d’un travail minutieux qui doit mesurer toutes les conséquences possibles. Guillaume Maupas nous dit sur ce sujet :
« Quand on déplace plusieurs épreuves de Groupe 1 et 2, on doit restructurer et adapter le programme de série. Il y a un gros travail qui doit encore être fait. Il y a aussi un travail de concertation avec France Galop qui doit être mené sur le calendrier. Il s’agit d’avoir plus de souplesse sur les dates pour organiser nos événement avec certains principes : pas de Groupe 1 en réunion 2 par exemple. Pas de Groupe 1 ou 2 en semaine. C’est du donnant-donnant puisque ces principes valent aussi pour le galop. Il ne faudra pas hésiter à faire des échanges pour proposer le meilleur en week-end. On doit maintenant travailler, affiner et entériner à partir d’une feuille de route déjà ultra précise. On peut dire que tout a été mis à plat. L'architecture est définie. Il faut désormais passer à la phase de construction avec un impératif : assurer la sélection de la race Trotteur Français. » Concernant les conséquences en série d’une modification du calendrier (ce qu’on appeler l’effet papillon), dans une logique dynamique quand plusieurs paramètres bougent en même temps, Guillaume Maupas continue :
« Il est très difficile de mesurer tous les effets de bord. Il va peut-être en avoir et des choses qu’on n’a pas du tout anticiper. Et cela, on va l’assumer. On n’a pas le choix. Si on veut mettre un petit coup de pied dans la fourmilière et se réinventer. Si l’on veut récréer des événements, des médiatisations sur nos courses, ces montées en puissance, on était obligés de passer par cette réforme. Il y a peut-être des choses qu’on va louper et il y aura alors des réajustements qui vont s’opérer dans les deux ou trois prochaines années. Il y a une réelle volonté de réforme. Je constate une frilosité qui a disparu et une volonté d’aller à la conquête de nouveaux clients. Il faut se mettre dans une configuration offensive. C’est ce qui est clairement exprimé par notre réforme. Je salue le courage des commissions qui ont pris ces décisions. »
La recherche d’une rythmique dans le calendrier
La remise à plat du programme de sélection à chaque âge de 3, 4 et 5 ans intègre aussi une nouvelle rythmique avec un espacement des grands rendez-vous et une montée en puissance parfaitement jalonnée vers les grandes échéances.
Une réforme qui va s'élargir à tout le programme
À ce stade, ce sont les courses de sélection pour 3, 4 et 5 ans qui sont au centre de la réforme. Mais le reste du programme va aussi être remanié, selon les mots de Guillaume Maupas :
« Cette réforme est une étape. Nous allons faire le même travail dans les mois qui viennent pour le programme des chevaux d'âge (Groupe 1 et Groupe 2 avec la même exigence : cohérence du programme, sélection, intérêt pour le parieur et le public. » Au total,
« l'ensemble de la réforme va se décliner à partir de 2022. »
Vous avez dit ambitieux ?
Les projections avancées par LeTROT sur les conséquences de cette réforme font état d'augmentations importantes :
■ entre +9 et +15 M€ d'enjeux,
■ entre 100 000 et 150 000 spectateurs supplémentaires.
LES AUTRES SUJETS ABORDÉS LOTS DU COMITÉ DU 20 MAI
Quatre autres grands sujets ont donné lieu à compte-rendu dans le communiqué de LeTROT sur son Comité (retrouvez l'intégralité du communiqué par ce lien).
■ En hommage à Dominik Cordeau, le Prix d'Angoulême, dont il était président de la société des courses, sera renommé Prix Dominique Cordeau lors du prochain meeting d’hiver de Vincennes.
■ Le maintien des allocations est garanti jusqu’au 30 juin. La situation sera réévaluée dès le mois prochain. Les perspectives de réouverture des points de vente permettent de rester confiants pour le troisième trimestre.
■ Un résultat 2020 excédentaire de 9,4 M€. Les comptes 2020 ont été validés et ce montant est mis en réserve pour les éventuelles régulations des allocations à l’élevage.
■ Actions engagées contre l'Etat par Equistratis, MM. Berthou, Besnard et Sionneau. Dans le cadre des recours en excès de pouvoir et en indemnisation, engagés par l’association Equistratis et MM. Berthou, Sionneau et Besnard contre l’Etat, le Comité de LeTROT a voté à une très large majorité de ne pas soutenir les deux procédures administratives engagées contre l’Etat devant le Tribunal administratif de Paris.
■ Modification du poids porté par les chevaux âgés de 5 ans et plus : 65 kg au lieu de 67 kg. Par ailleurs, la Commission du Code poursuit sa réflexion sur une nouvelle politique de poids.
■ Le programme de meeting été-automne sur les hippodromes de la société-mère du 6 juillet au 2 novembre 2021 a été validé par le Comité. La journée « Club des propriétaires – Chevaux à vendre » a été reconduite et tiendra le mardi 28 septembre 2021.
Il y a une réelle volonté de réforme. Je constate une frilosité qui a disparu et une volonté d’aller à la conquête de nouveaux clients.
Guillaume Maupas
© Aprh 4 QUESTIONS À
HUGHES LEVESQUE ET JEAN-PHILIPPE MARY
Respectivement Présidents de la Commission de l'Élevage et du Programme, Hughes Levesque et Jean-Philippe Mary ont répondu à nos questions communes sur la conduite des travaux et les conclusions qui ont été annoncées.
Comment ont réagi les membres de votre commission à la présentation des données préparées par la Direction Technique ?
Hughes Levesque : Nous avons organisé plusieurs réunions de travail avec le groupe constitué et avons fait en sorte de réunir tous les avis divers et variés pour proposer au final quelque chose de cohérent. Donc il n’y a pas eu de réaction à proprement parlé dans la mesure où nous avons tous travaillé ce dossier en nous basant sur le canevas proposé par Benoît Fabrega et pour en arriver là.
Jean-Philippe Mary : Rappelons que nos prédécesseurs depuis 2019 avaient déjà réfléchi au dossier du remodelage du programme de sélection.
Aussi notre groupe de travail s’inscrit dans la continuité de ces réflexions pour évaluer l’aménagement en conservant les socles fondamentaux qui ont fait leurs preuves à travers les décennies. Pour répondre à votre question chaque membre de notre groupe de travail a été très motivé et très attentif aux données et propositions de techniciens.
Quelles ont été les principales réticences ou doutes ?
HL : Il n’y en a pas vraiment eu car nous avons bien conscience que c’est très compliqué de jouer sur le programme avec des effets de bords très importants. On a fait en sorte de raisonner sur le cheminement logique des Gr.2 amenant vers Gr.1 en respectant la règle de la montée des échelons, tout en palliant le problème majeur du manque de partants dans certaines courses.
J-Ph M : En effet remodeler ou toucher nos épreuves phares auraient pu susciter des appréhensions et des doutes aussi chacun a fait preuve de respect et conscience professionnelle envers tous les fondamentaux de notre programme de sélection en s'inscrivant dans la modernité, l’optimisation, l’attrait du public.
Quelle est la mesure-phare symbolisant l'esprit général de votre volonté en termes d'élevage ? de sélection ?
HL : En termes d’élevage, le regroupement des Critériums en une seule journée constituera le changement le plus spectaculaire et important. Ce sera une journée qui mettra en lumière le meilleur de notre élevage français en réunissant le top de chaque génération.
J-Ph M : L’une des mesures phares est la création de cinq grands rendez-vous annuels en cinq moments événementiels. Et en particulier, le jour du Prix d’Amérique avec le regroupement sous le label Youth league de grandes compétitions pour ceux qui composeront un jour le peloton du Prix d’Amérique justement.
Cette vitrine de nos meilleurs éléments en un seul lieu une seule date répond à la volonté de présenter à nos clients la quintessence du trot : quelle affiche en vue ! Deux Groupes 2, deux Groupes 1 et le Prix d ‘Amérique/
Quelles concessions y-a-t-il fallu faire pour équilibrer les 3 facteurs : élevage/public/parieur ?
HL : Pas tant que ça finalement si ce n’est une en particulier : faire de notre mieux pour ne pas froisser les différents acteurs et en particulier ceux qui sont à cheval sur les principes. Il y a eu une réflexion sur un possible déclassement du St Léger par exemple mais nous avons écouté et décidé de ne pas le faire. M. Allaire a été invité à connaître les conclusions des travaux avant mais n’a pas fait suite à notre invitation.
J-Ph M : Aucune concession pour alléger ce programme au contraire tout pour le sublimer avec toujours la volonté de respecter l’élevage, le public et les parieurs.
À noter toutefois notre débat autour de notre plus vieux groupe 1 le « Saint léger des trotteurs » qui après réflexion a heureusement conservé à l’unanimité son statut de groupe 1 et se voit déplacé en automne pour des considérations calendaires.
©Scoopdyga