Daniel Redén Top chef entraîneur et plus encore
Deux fois entraîneur de l’année en Suède en 2018 et 2019, à la tête d’un très riche palmarès construit en l’espace de quelques années seulement, Daniel Redén a remporté dimanche avec Don Fanucci Zet le plus grand titre de sa carrière. C’est la consécration d’une réussite en accéléré, avec tout ce qu’il faut de coups d’éclats, de revers, de rencontres, de paris, qui font du Suédois de 41 ans, le parfait héros du grand roman du trot scandinave.
Il se plaît à rappeler qu’il voulait d’abord devenir cuisinier mais, à 16 ans, quitte sa formation quand sa passion pour les courses le rattrape. Adolescent, il baignait déjà dans l’univers du trot suédois, notamment grâce à son père, turfiste. « J'adore les chevaux depuis longtemps. C'est la passion de l'animal qui m'a poussé à en faire mon métier. Cela étant, j'ai commencé tardivement », avait-il déclaré au quotidien Le Parisien en 2016, peu après ses premiers faits d’armes en France en 2015. L’abandon du scénario Top chef en cuisine va finalement se transformer en Top chef dans les courses.
Un cursus complètement international
Les rencontres vont alors s’enchaîner et la soif d’apprendre, de travailler et le talent conjugué de Daniel Redén feront le reste : celle d’une ascension fulgurante sur la scène internationale du trot. Car là est bien la particularité du vainqueur médiatique (charismatique ?) de l’Eliltoppet 2021. Il connaît le trot dans toutes ses dimensions, sur les deux grands continents où il règne, l’Europe et les Etats-Unis. Son nom est déjà associé en direct, comme entraîneur, à des champions ou très bons chevaux (Propulsion, Delicious U.S., Call Me Keeper, Diana Zet, Lionel, Trinity Zet) mais aussi de manière indirecte. C’est lui qui a acheté Trixton yearling aux Etats-Unis. Confié à Jimmy Takter, il deviendra un champion, gagnera l’Hambletonian avant de se prolonger en étalon influent. Depuis 2008, Daniel Redén est l’homme qui gère la Stall Zet. Il s'agit de l'opération hippique de Bengt Agerup, lequel a bâti sa fortune dans la branche pharmaceutique en devenant un des spécialistes mondiaux de l’acide hyaluronique et des implants médicaux via une première société, Q-Med, fondée en 1987. Mais avant d’en arriver-là, Daniel Redén a fait ses classes chez un autre Suédois incontournable des temps présents : Stefan Melander. C’est avec lui et pour lui qu’il découvrira les Etats-Unis. Stefan Melander est partout, à cheval des deux côtés de l’Atlantique, et possède un palmarès affolant. Il a réussi là où Jean-Pierre Dubois notamment a échoué (à ce jour) en remportant l’Hambletonian au nez et à la barbe des Américains. C’était avec Scarlet Knight (Pine Chip) en 2001. Le même Scarlet Knight qui a conclu deuxième du Prix de Cornulier chez nous en 2005. Un homme de défi par excellence qui a profondément infusé chez Daniel Redén.
La rencontre décisive avec Bengt Agerup
Nous sommes en 2008. Daniel Redén n'a pas encore 30 ans. Il est resté plus de dix chez Stefan Melander et est passé au service de Björn Goop. Il a remporté deux fois une grande épreuve pour apprentis suédoise, la Karl Gösta Fylkings Minneslopp en 2006 et 2007. Et puis, il explique : « Un beau jour, Bengt Agerup me proposa de devenir son entraîneur particulier. Sur le coup, je ne savais pas très bien qui il était [fondateur de Q-Med, Suédois ayant fait sa fortune dans la pharmaceutique]. Il se présenta. Je n'en croyais pas mes oreilles. Nous nous sommes rencontrés et nous avons eu un bon contact. La chance d'une vie. Il aurait pu demander à n'importe qui. » La Stall Zet est devenue, depuis la prise de fonction de Daniel Redén, l'un des acteurs majeurs du trot mondial.
Daniel Redén a la responsabilité d'un effectif exceptionnel en quantité et qualité, celui de la Stall Zet [lire ci-dessus]. Le siège de l'écurie est à Örsundsbro, à quatre-vingt kilomètres au nord-ouest de Stockholm. Il a, semble-t-il, carte blanche pour les achats et les croisements. Il gère aussi l'effectif américain de Stall Zet - sans l'entraîner -, d'où son achat du champion
Trixton [lire page précédente].
Daniel Redén : créateur de Don Fanucci Zet de A à Z
Pour les observateurs suédois, le mérite particulier de Daniel Redén est d'être
« 100% derrière le vainqueur de l'Elitloppet et jamais auparavant un entraîneur n'avait été autant impliqué derrière un vainqueur de la course que Daniel Redén ne l'est avec Don Fanucci Zet ». Cela mérite évidemment des explications.
C'est Daniel Redén qui a acheté
Hard Livin (S.J.'s Caviar) aux Etats-Unis, celui qui deviendra le père de
Don Fanucci Zet. Il a exploité Hard Livin par la suite en Europe et l'a donc fait entrer au haras. Il l'a repéré à l'âge de 2 ans alors qu'il était entraîné par Jimmy Takter. Il en fera l'acquisition en fin d'année 3 ans après une carrière honnête mais sans grand titre (6 victoires en 31 sorties et un record de 1'10''1). Il courra en Europe jusqu'à l'âge de 8 ans, ajoutant cinq nouvelles victoires à son palmarès mais restera toujours un "second plan". Quant à la mère de
Don Fanucci Zet,
Kissed By The West (Western Terror), le pari est encore plus osé. Il s'agit d'une ambleuse. Elle a été acquise 15 000 $ yearling avec l'idée d'introduire un sang vraiment neuf à l'élevage. Daniel Redén a déclaré qu'il voulait d'abord l'exploiter au trot en Europe. Cette partie du programme a échoué mais le reste a marché encore mieux que sur les plans les plus fous. C'est clair que Daniel Redén est beaucoup plus que l'entraîneur de Don Fanucci Zet. Il en est le concepteur après avoir lui même forgé les moules [comprendre les parents] dont il est sorti.
Jamais auparavant un entraîneur n'avait été autant impliqué derrière un vainqueur de l'Elitloppet.
© DR © Stall ZetDaniel Redén à Solvalla en 2020 Une grande appréhension
C'est la victoire au goût de revanche pour Daniel Redén. Le succès de Propulsion dans l'Elitloppet l'an dernier avant d'en être dépossédé pour névrectomie non déclarée en Europe, a fait basculer la success story de l'entraîneur et de la Stall Zet en cauchemar. Daniel Redén en a bien sûr parlé dans la presse lors des dernières heures : « Samedi, j'ai ressenti une grande anxiété en arrivant à Solvalla à cause de ce qui s'était passé avec Propulsion. »
Ensuite, dimanche après la délivrance, il a finalement confié : « Des mois d'anxiété et de supplice ont fondu en un instant. Avec cette victoire, quelque chose de très lourd s'est dégagé et libéré de mon corps. »
L'apport d'Örjan Kihlström et de son mental d'acier
La réussite de Daniel Redén doit aussi beaucoup à son association avec Örjan Kihlström. "Iceman" (l'homme de glace), comme le surnomment les Suédois, a l'un des beaux palmarès scandinaves. Il a remporté son quatrième Elitloppet dimanche après ceux décrochés avec
From Above (2003),
Magic Tonight (2015) et
Nuncio (2016). Le pilote de 59 ans a bien sûr été le partenaire du champion
Propulsion. Aux médias suédois, Daniel Redén a évoqué la place et la contribution de son driver dans leur triomphe :
« Hier [samedi], quand je suis arrivé ici, sur l'hippodrome, et que j'ai tout vu tout ce rose partout, tous les mauvais souvenirs de l'an dernier sont remontés. Je voulais surtout m'asseoir dans l'espace café et ne plus bouger. Nos chevaux ne marchaient pas bien non plus. Ajourd'hui [dimanche], après la batterie de Don Fanucci Zet, quand j'ai vu la force mentale d'Örjan, tous mes doutes sont tombés. J'ai ressenti la même impression que lors du succès de Don Fanucci l'an dernier dans le Sprinter Champion. Quand Örjan est capable de vous transmettre de telles impressions et une telle sérénité, vous savez qu'il va se passer quelque chose de plus, quelque chose d'exceptionnel. Il n'y a personne d'autre que lui qui puisse donner autant confiance dans l'Elitloppet. »
Tout s'est joué dans la batterie
Deuxième de sa batterie derrière
Vivid Wise As malgré le numéro 8 derrière la voiture,
Don Fanucci a pratiquement remporté l'Elitloppet dans ce premier acte selon son entraîneur :
« J'étais très heureux d'être deuxième de la batterie car nous avions le numéro huit et que cela s'est réalisé sans avoir à tout demander au cheval. Cela nous a permis d'aborder en position favorable la finale. Et là, Don Fanucci Zet a encore été génial. »
Le sens des défis et les moyens de réussir
Très présent de 2015 à 2019 sur les programmes français, Daniel Redén possédait alors des éléments de premier plan qui ont performé dans nos épreuves. Son premier partant en France a été
Call Me Keeper (Pine Chip), vainqueur de sa première sortie chez nous, dans le Prix de Châteaubriant à Vincennes, le 24 janvier 2015. Il y battait
Lionel (Look de Star), alors sous la bannière de Fabrice Souloy et qui entrera dans l'effectif du Suédois plus tard. Dans le Prix d'Amérique 2017, il aura quatre partants (
Propulsion,
Lionel,
Call Me Keeper et
Wild Honey). La même année, il présentera trois candidats dans l'Elitloppet (
Propulsion,
Delicious U.S. et
In Vain Sund).
Ajoutons encore que Daniel Redén a aussi la responsabilité de quelques galopeurs. De cette hyperactivité hippique, est donc sorti le meilleur samedi avec un 5 ans,
Don Fanucci Zet, qui s'est permis de battre le record de l'épreuve (de la finale). Le tout pour un entraîneur boulimique qui retrouve ici la vitrine médiatique qui l'avait abandonné ces derniers mois après l'imbroglio né de l'effacement de toutes les performances suédoises de son champion
Propulsion.
© ScoopDygaAvec Propulsion, à Vincennes - © ScoopDyga