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Actualité - 06.08.2021

Vague transalpine chez les 3 ans : l'histoire franco-italienne du trot

Les trotteurs italiens se plaisent chez nous et y réussissent bien. Vivid Wise As l’a démontré en s’octroyant, ce printemps, son deuxième Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur, puis le Prix de l’Atlantique, à Enghien, échouant de peu récemment dans le Prix de Washington. Les succès italiens ne se comptent plus en France cette année – mais aussi en Europe. Sur les sept partants du Prix Henri Cravoisier (Gr.3) ce samedi à Enghien, une bonne épreuve pour 3 ans sur le mile, cinq candidats sont officiellement italiens à l’état-civil. Entre l’Italie et la France du trot, les connexions ont toujours été nombreuses et soutenues. Chronique d'une histoire du trot franco-italienne.

Les aller-retour et chassés-croisés entre la France et l’Italie – ou l’Italie et la France – s’enchaînent en 2021. En avril, Vivid Wise As remporte le Prix de l’Atlantique (Gr.1) et est imité dans la même réunion, peu après par sa compagne d’élevage, Apple Wise As, entraînée en France par « JMB », qui s’impose dans le Prix de l’Argonne. Une Apple Wise As qui n’est autre que la sœur cadette d’un certain Main Wise As, lui-même double lauréat du Prix de l’Atlantique au début des années 2010. En retour, les trotteurs français sont eux-mêmes efficaces par-delà les Alpes, ainsi que l’a prouvé Billie de Montfort, lors de son succès du Grand Prix des Nations en 2020, puis de sa victoire dans le Grand Prix de la Côte d’Azur en avril dernier. En fait, il y a comme une interaction positive entre les deux pays, tant en termes de courses que d’élevage. Ce samedi, cinq des sept postulants au Prix Henri Cravoisier (Gr.3), à Enghien, voient leur nom commencer par la lettre « C ». C’est celle imposée aux trotteurs italiens nés en 2018.

Callmethebreeze, un italien made in Normandie
Battant pavillon italien mais représentant de Philippe Allaire qui en est l’éleveur et le propriétaire, tout comme il l’est pour sa sœur Beautiful Colibri (Ready Cash), Callmethebreeze (Trixton) est un italien made in Normandie. Il a été le leader de sa promotion l’an dernier, à l’âge de 2 ans, au gré de cinq victoires (en six sorties), incluant un titre de Groupe 1 (Gran Premio Mipaaf des poulains). Cette année, il a confirmé en avril dans un Groupe 1 (Gran Premio Tito Giovanardi) avant de subir la loi d’un « vieux », Charme de Star, à Mons, puis, pour la première fois dans un Groupe 1 de sa promotion, celle de Chuky Roc (Nad El Sheba) à Milan dans le Gran Premio Nazionale. Quatrième la dernière fois lors de ses débuts français et la découverte d’une longue distance à Enghien (2 875 mètres), il retrouve ici le créneau du mile qu’il connaît bien. Son tombeur de Milan Chuky Roc est de la partie et s’annonce comme son plus sérieux rival, avec Charmant de Zack (Vivid Wise As), troisième dans le même Groupe 1 milanais. Les deux françaises It’s Now or Never (Charly du Noyer) et Ivensong (Ready Cash), toutes deux présentées par Philippe Allaire (lequel a en charge trois des sept candidats de l’épreuve), n’auront pas la partie facile.

L’histoire : Sharif di Iesolo, un parfait trait d’union
Avant de poursuivre l’étude des échanges soutenus entre la France et l’Italie, commençons toutefois par souligner une différence notable, essentielle même, entre les deux pays trotteurs. Nous avons, pour notre part, le trotteur français, c’est-à-dire une race spécifique et le stud-book qui lui est inhérent. C’est un choix des dirigeants français, de longue date, qu’ils ont été les seuls à faire en Europe. Un choix auquel on doit le trot français d’aujourd’hui et la solidité qui est la sienne. Ce fut une option majeure, déterminante, à laquelle il faut rendre historiquement hommage. En Italie, comme en Scandinavie d’ailleurs, le parti pris n’a pas été le même. Le stud-book est resté ouvert, à toutes les influences – principalement américaines –, tant et si bien qu’il n’y a pas de trotteur italien à proprement parler.


PARTANTS ENGHIEN - Samedi 07 Août
8 PX HENRI CRAVOISIER - (16H07)
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1. CAPITAL MAILM. Minopoli Jr
2. CHUKY ROCG. Gelormini
3. IT'S NOW OR NEVERF. Nivard
4. CARAMEL CLUBA. Gocciadoro
5. IVENSONGD. Thomain
6. CHARMANT DE ZACKM. Smorgon
7. CALLMETHEBREEZEA. Guzzinati

Trois victoires italiennes depuis 2010

Le Prix Henri Cravoisier est revenu à des candidats italiens à trois reprises depuis 2010. Cela a commencé en 2010 justement par le titre de Nesta Effe (Naglo). Princess Grif (Varenne) a poursuivi en 2012 puis Vivid Wise As (Yankee Glide) a mis son nom en 2017. Ajoutons aussi récemment la deuxième place obtenue par Alcide Roc (Daguet Rapide) en 2019.

Ne pas oublier que Face Time Bourbon est sous bannière italienne
Dans la liste des connexions trotteuses entre la France et l'Italie., il y a Face Time Bourbon (Ready Cash). Le crack a fait plusieurs déplacements en Italie et sa prochaine sortie est une nouvelle tentative dans le Grand Prix de la Loterie (Gr.1). En arrière-fond de cette actualité italienne, il y a bien sûr le propriétaire majoritaire du crack, Antonio Somma. Le Napolitain fait de facto de Face Time Bourbon un représentant italien ou plutôt franco-italien. La visibilité de la Ccuderia Bivans en France, mais aussi en Europe, accrédite la dimension européeenne du trot transalpin. Il faut aussi regarder les raisons domestiques. Les difficultés des courses italiennes ont contraint de nombreux acteurs, propriétaires et entraîneurs notamment, à expatrier leur passion ou s'expatrier tout court pour vivre de leur métier.


Pour se référer à notre duo initial, Vivid Wise As est, certes, officiellement italien, mais son pedigree est entièrement américain, alors que Billie de Montfort est française, dans le plein sens du terme. Cela ne l’empêche pas d’avoir un ascendant italien relativement proche en le franco-américain Sharif di Iesolo, auteur de son père de mère, And Arifant, mais ce dernier est bel et bien français, ayant été conçu dans le cadre d’un protocole, réglementé, d’ouverture temporaire du stud-book, au carrefour des années 1980 et 1990. Sharif di Iesolo est, du reste, génétiquement parlant, un parfait trait d’union entre l’Italie et la France, étant le fruit du croisement entre un père américain, Quick Song, et une mère française, Odile de Sassy, importée dans la péninsule pour y faire une poulinière.

Un attrait réciproque
Nous étions alors à l’aube des années 1960 et les investisseurs italiens étaient particulièrement friands de nos trotteurs, nous achetant nos champions – les Icare IV, Jariolain, Newstar et autres – et les faisant briller « tous azimuts » : Newstar reviendra ainsi gagner le Prix d’Amérique, sous bannière transalpine ; Jariolain sera le leader du Grand Circuit Européen, en 1958, aux dépens de son glorieux contemporain, Jamin ; Icare IV multipliera les titres internationaux, notamment face au crack italien Tornese. Or, cet attrait transalpin pour les trotteurs français demeure d’actualité, notre Face Time Bourbon partageant, avec Vivid Wise As, les couleurs de la Scuderia Bivans d’Antonio Somma. Réciproquement, l’Italie est un espace de liberté pour un Jean-Pierre Dubois, qui y a fait naître et élevé, hors stud-book français, un Infinitif, un Daguet Rapide et même un Varenne, un Alain Roussel, qui y a eu Traders, ou un Philippe Allaire, qui y puise certains de ses champions, à l’instar de l’actuel Callmethebreeze.
Parallèlement, pour nos cracks, l’Italie a toujours été un terrain de chasse privilégié et ils y ont même parfois acquis une notoriété plus grande encore qu’à l’intérieur de nos frontières. On pense tout spécialement à Une de Mai, l’éternelle battue du Prix d’Amérique, qui fut une véritable star par-delà les Alpes. L’exceptionnelle jument du comte de Montesson était plus à l’aise sur piste plate qu’à Vincennes et elle trouvait, sur les hippodromes transalpins, des conditions idéales pour s’exprimer. C’était avant-hier, mais cela vaut aussi, aujourd’hui, pour une Billie de Montfort et cela valait hier pour une Bahama, par exemple, que Jean-Pierre Dubois, connaissant ses qualités de vitesse, emmena gagner deux prestigieux classiques, à 4 ans, à Bologne (Gran Premio Continentale) et à Milan (Gran Premio Europa).


Vivid Wise As après sa victoire dans le Prix de l'Atlantique en avril dernier

© Aprh
Les italiens et l’ « Amérique » : oui, mais…
Le dernier trotteur italien à avoir remporté le Prix d’Amérique est Varenne, qui s’y est imposé à deux reprises, en 2001 et en 2002. Longtemps auparavant, dans les années 1930, les trotteurs italiens furent les premiers visiteurs à inscrire leurs noms au palmarès de la course, notamment via les représentants de la redoutable écurie du comte Orsi Mangelli. On pense, en particulier, à De Sota, qui fit le doublé en 1938 et en 1939. Il avait été précédé par Hazleton, en 1931 et en 1932, et Muscletone, en 1935 et en 1937. Il sera suivi par Mighty Ned, en 1948 et en 1951. Mistero, lui, ne s’imposera qu’une fois, en 1947, à l’instar de Nike Hanover, en 1964. Il reste que, si certains de ces chevaux sont effectivement nés en Italie et y ont bien été élevés, d’autres sont américains et ne doivent leur appartenance transalpine qu’à leur propriétaire. Ainsi le succès de Newstar, en 1962, sous des couleurs italiennes (N.D.L.R. : voir par ailleurs), est-il crédité, dans certaines statistiques, comme italien, alors que la jument était française et avait d’ailleurs commencé sa brillante carrière sur notre sol, aux soins de Gérard Mottier. Un peu comme si, aujourd’hui, Face Time Bourbon était considéré comme italien, au prétexte qu’il s’exprime sous la casaque de la Scuderia Bivans.

Capovilla et Uranie ou l’idéale complémentarité
Un mot des hommes, pour terminer, car, si la France attire les chevaux italiens, elle n’est pas sans faire de même avec ceux qui les entraînent et les drivent, un Gaby Gelormini en étant la présente illustration. La chose n’est cependant pas nouvelle, puisque, dès les années 1920, le professionnel transalpin Valentino Capovilla était venu s’installer au Haras de Beauménil, dans l’Orne. C’est là qu’il façonna et prépara la légendaire Uranie, dont Albert Viel, qui a traversé le vingtième siècle, disait que c’était le meilleur trotteur qu’il ait jamais vu courir. Capovilla la mena au succès dans ses trois Prix d’Amérique et il eut du mérite, car la jument, si elle était surdouée, était aussi extrêmement capricieuse et volontiers fautive. Il fallut tout le doigté et toute la patience de son mentor pour en tirer la quintessence. Une complémentarité porteuse et décisive, celle, en l’espèce, d’un savoir-faire importé d’Italie, au service du nec plus ultra du trotteur français.

Uranie et l'Italien Valentino Capovilla


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