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Actualité - 05.10.2021

Face Time Bourbon et la Loterie : un devoir de mémoire

Face Time Bourbon avait presque comme un devoir envers le Grand Prix de la Loterie. Un devoir de filiation, s’assortissant d’un héritage génétique. D’une certaine manière, en s’imposant dimanche, en un temps record qui plus est, il a rendu hommage à son ancêtre, Dimitria, elle-même lauréate de la course voilà maintenant quarante-six ans.

Pour remonter à Dimitria 1’15’’ (1969-Mario), dans le pedigree de Face Time Bourbon 1’09’’ (Ready Cash), on passe, successivement, par Vita Bourbon 1’12’’, Kaméra Bourbon 1’13’’, Etta Extra 1’18’’ et Une Crown 1’19’’, toutes quatre issues des meilleurs étalons, qu’il s’agisse de Love You 1’10’’, Cézio Josselyn 1’12’’, Florestan 1’15’’ ou Speedy Crown 1’12’’, lequel n’est autre que le père d’Une Crown. En effet, Dimitria eut celle-ci des œuvres du chef de race américain. C’était au cours de sa période suédoise, car Dimitria fut vendue en Suède, après avoir fait sa carrière de course sous l’entraînement français de Léopold Verroken, pour le compte du propriétaire et éleveur grec Constantin Goulandris, associé, en l’espèce, avec le courtier Bernard Zimmerman.
Mario 1’20’’ m., le père de Dimitria, était un élève du Haras des Rouges-Terres, du temps où la famille Olry-Roederer orchestrait ce célèbre élevage. Fruit du rapprochement de deux étalons phares, Carioca II et Hernani III, il s’illustra dans les deux disciplines.
Dimitria ou l’explosive combinaison des Rouges-Terres et du sang américain

Restons encore sur Mario 1’20’’ m., le père de Dimitria. Il gagna notamment le Prix Octave Douesnel et se plaçant dans les Prix de Normandie, de l’Ile-de-France et de Paris. Etalon au Pin, à la grande époque des Haras Nationaux, il y a connu une fort belle réussite, illustrée par Dimitria, mais encore par Vat 1’18’’ (Prix Capucine, aujourd’hui Prix Albert Viel, Prix de l’Etoile, Prix de Sélection, Gran Premio Europa, deuxième du Critérium des 3 Ans et du Critérium des 4 Ans, troisième du Critérium des 5 Ans), Aigle Noir 1’17’’ (Critérium des Jeunes, Prix Capucine, Critérium des 3 Ans, Prix de l’Ile-de-France, deuxième du Prix de Sélection, troisième du Prix de Cornulier), Ajaccien 1’19’’ m. (deuxième du Prix de Vincennes, troisième des Prix de Normandie et des Elites) ou bien Edomérica 1’18’’ (deuxième du Prix de Vincennes).
Dimitria appartient à une grande famille maternelle d’origine américaine. Sa grand-mère, Jonque 1’24’’ (Quiroga II), semi-classique, est inbred sur l’américain clandestin Calumet Delco (2x3) et est la trois quarts sœur du classique Banco III 1’19’’ (Critérium des 5 Ans, Prix de l’Etoile). La souche remonte à Anna Maloney (Sterling Hall), mère de la remarquable Amazone B 1’21’’ (Passeport), lauréate de deux Prix d’Amérique entre les deux guerres. Née en 1912, Anna Maloney était une arrière-petite-fille de Nancy Hanks (Happy Medium), qui fut une championne, aux Etats-Unis, à la fin du dix-neuvième-siècle, étant le premier cheval à passer sous la barre de 2’05’’ sur le mile, soit une réduction kilométrique de 1’17’’5, exceptionnelle à l’époque. Il y a donc, à la fois, beaucoup de sang américain et de vitesse dans le « papier » de Dimitria, laquelle fut d’ailleurs une jument vite, qui préférait les pistes plates et ne montait pas trop bien la côte de Vincennes, alors plus marquée qu’elle peut l’être aujourd’hui.



Il y a beaucoup de sang américain et de vitesse dans le « papier » de Dimitria.

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L’exemple maternel va de la « Lotteria » à l’Elitloppet…

Son premier succès au plus haut niveau, Dimitria l’a cependant obtenu sur l’hippodrome du Plateau de Gravelle. C’était le 19 février 1973, dans le Prix de Sélection. La fille de Mario avait tout juste 4 ans et elle s’élançait, comme quelques autres, cinquante mètres devant des aînés de la trempe de Buffet II, Bill D, Casdar ou encore Catharina. Bien partie, elle sera la seule, parmi les jeunes, à tenir tête aux « vieux », ne se laissant pas menacer par Buffet II, pourtant entreprenant depuis le dernier tournant, et gagnant, somme toute, nettement. Véloce, elle appréciait davantage le tracé court que le tracé long de Vincennes, même si elle fut troisième du Critérium des 5 Ans ou du Prix de Paris, par exemple. Il lui fallait surtout se montrer sage, ce qui n’était pas toujours le cas, car, si elle avait de la classe, elle n’était pas facile et il n’était pas rare de la voir se désunir. Peut-être, aussi, parce qu’elle avait un pied bot et en souffrait, ce que pointe notre collègue, Jacques Pauc, dans ses mémoires, « Cinquante ans de courses et de rencontres ».
L’âge venu, cette jument « près du sang », de grande taille – contrairement à sa glorieuse ancêtre, Nancy Hanks, décrite, par notre susnommé confrère, comme une petite pouliche élégante et racée, « toisant » à peine plus d’un mètre cinquante –, allait trouver à s’exprimer au mieux à l’international, sur les tracés plats. Elle y signera plusieurs victoires, en effet, dont deux majeures, dans le Grand Prix de la Loterie, à 6 ans, puis dans l’Elitloppet, à 7 ans. La « Lotteria » se disputait, à ce moment-là, au printemps, au début du mois d’avril, et Dimitria s’y présentait auréolée d’un récent succès dans le Grand Prix de la Côte d’Azur, à Turin. Lauréate de sa batterie, elle réédita dans la finale, gagnée, quasiment, de bout en bout, aux dépens d’un autre concurrent français, en l’occurrence Axius, dans le temps, alors record, de 1’16’’1. Ainsi Face Time Bourbon a-t-il doublement imité son ancêtre, dimanche, non seulement en s’imposant, au même âge de 6 ans, mais en s’appropriant le présent meilleur temps de la course (1’10’’2). Pour bien faire et pour combler son entourage, il faudrait maintenant qu’il continue de suivre l’exemple maternel en allant chercher la consécration de l’Elitloppet, l’an prochain. On sait que c’est, avec le Prix d’Amérique, son objectif majeur pour les mois à venir et le coup paraît plus que jouable.

La branche française, encore plus étoffée que le rameau scandinave

Comme High Echelon, futur vainqueur du Prix d’Amérique, mais également du Critérium des 5 Ans, du Prix de l’Etoile, du Prix de Sélection, du Prix des Centaures et du Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur, Dimitria est passée en vente dans le cadre de la succession de Constantin Goulandris, en juillet 1978. Les deux chevaux ont fait afficher les deux prix les plus élevés de la vacation, la jument, pourtant présentée vide, atteignant le « top-price » à 300.000 francs (N.D.L.R. : environ 45.000 euros). A terme, sa destination était la Suède, où elle a essaimé, y compris au niveau des Groupes 1, jusqu’à Policy of Truth 1’09’’ ou Princess Face 1’11’’, mais c’est la branche française, diffusant à partir d’Une Crown, qui est la plus étoffée, avec, outre Face Time Bourbon, les Mara Bourbon 1’10’’, Qualita Bourbon 1’12’’, Royal Crown 1’10’’, Sam Bourbon 1’11’’, Scala Bourbon 1’10’’, Tast of Bourbon 1’11’’, Fabulous Wood 1’12’’ et autres Follow You 1’11’’, pour ne citer qu’eux.

Face Time Bourbon a doublement imité son ancêtre dimanche en s'imposant à l'âge de 6 ans et en s'appropriant le temps temps record de la course.

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