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Actualité - 14.10.2021

Le bien-être équin sous le feu de la loi et des images

La proposition de loi contre la maltraitance animale suit son chemin législatif. Après l’Assemblée Nationale en début d’année, le Sénat vient de la valider en première lecture au début du mois, en y modifiant quelques contenus. Le cheval figure en bon rang dans ce projet de loi qui précise les responsabilités des hommes dans leurs relations avec les animaux. La loi qui en naîtra peut-elle modifier le cadre de vie des courses ? Notre dossier avec le Sénateur Jean-Pierre Vogel, président du Groupe Cheval au Sénat.

Adoptée à la quasi-unanimité par l’Assemblée Nationale au début d’année, le projet de loi sur le bien-être animal (dont l’intitulé est loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes) a reçu le feu vert du Sénat. Lors d’une interview dans RaceAndCare#4, la newsletter de l’Institution sur le bien-être équin, le Sénateur de la Sarthe (groupe Les Républicains) Jean-Pierre Vogel, président du Groupe Cheval à la Chambre Haute du parlement, avait précisé sur les avancées : « Quatre mesures portent plus spécifiquement sur la filière équine : certificat de connaissance des besoins des équidés (art. 1), obligation de transparence de l’acte de névrectomie (art. 6), vente forcée des équidés abandonnés dans les centres équestres (art. 7) et interdiction des « manèges à poney ». Ces mesures, travaillées avec la filière, vont toutes dans le bon sens. »

Les objectifs du texte de projet de loi
Il vise à lutter contre la maltraitance des animaux domestiques et des animaux d'espèces sauvages, tout en améliorant leurs conditions de détention, selon 4 axes :
1. améliorer les conditions de détention des animaux de compagnie et des équidés ;
2. renforcer les sanctions dans la lutte contre la maltraitance à l'encontre des animaux domestiques ;
3. mettre fin à la captivité d'espèces sauvages utilisées à des fins commerciales ;
4. mettre fin à l'élevage de visons d'Amérique destinés à la production de fourrure.

Jean-Pierre Vogel avait aussi pointé il y a quelques semaines les dérives qu’un tel texte pouvait semer : « Permettez-moi cependant d’exprimer mon inquiétude quant à la mention des équidés au sein du premier chapitre qui concernait en premier lieu les animaux de compagnie. Le cheval est un animal domestique, mais n’est pas un animal de compagnie, c’est un animal de rente. Je tiens à cette définition car elle a de nombreuses implications pour l’équilibre de la filière cheval en France. »
Nous avons voulu connaître son analyse du moment, quelques jours après les débats au Sénat.

24H au Trot : quelle est votre impression générale au terme des débats au Sénat et de la validation du projet de loi, en particulier dans le volet des équidés ?
Jean-Pierre Vogel : Globalement, la proposition de loi présente des avancées importantes pour la bien-traitance dans le volet de la filière équine avec plus notamment l’obligation d’avoir une attestation des connaissances lors de l’acquisition d’un cheval. Il s’agit ici de l’article 1 qui reste généraliste car les modalités seront précisées et fixées par décret. C’est une très bonne chose mais il faut bien préciser qu’on parle ici d’un particulier qui acquerrait pour la première fois un cheval.

Cela veut-il dire que cela concerne le volet professionnel et sur la filière courses ?
Non, absolument pas. Cela a été prévu et précisé dans les discussions. On parle de « particulier acquérant pour la première fois un animal de compagnie avec cette extension aux chevaux. » On a précisé la notion d’équidé dans l’article 1, de manière distincte des animaux de compagnie, pour bien veiller à ce que les équidés restent des animaux de rente. Ils ne sont pas des animaux de compagnie car cela poserait un certain nombre de problèmes. Par exemple, ils ne rentreraient plus dans le cadre de la filière agricole avec tout ce que cela comporte comme le taux de TVA réduit. L’équidé a bien une place à part compte tenu de son utilisation sportive, de loisir, dans les courses et autres.

Le projet de loi valide l'interdiction des manèges à poneys dans son article 7. N'y a-t-il pas risque d'amalgame lors de la rédaction du décret qu'une administration zélée étende le principe à tous les manèges ?
Non car on a été attentifs à ce point en apportant des précisions dans l'article 7bis, que l'on a reformulé, pour qu'il ne puisse pas prêter à interprétation. Il s'agit ici de s'assurer que l'interdiction des manèges à poneys ne puisse pas s'étendre, par exemple, aux carrousels dans les spectacles, et aux marcheurs traditionnels, très répandus notamment dans les écuries de courses et la filière sportive.

Comment travaillez-vous avec la filière ?
Je prends souvent l'exemple du sport avec le hand, le foot, le rugby, le basket, le volley. Tout cela tourne autour d'un ballon qui n'a pas la même forme avec des règles et des terrains de jeu différents. Et les Fédérations qui représentent ces sports peuvent être puissantes. Pour le cheval, côté grand-public, on ne voit pas forcément la différence entre un cheval de courses, trotteur ou galopeur, et les chevaux de sport, d'endurance, d'attelage, de sport. Pour le grand-public, cela reste un cheval. Et c'est vrai que c'est compliqué que la filière cheval parle de la même voix avec ces différences. Il y a bien sûr des intérêts communs, comme le sujet de la TVA à taux réduit, mais aussi des attentes différentes, avec des enjeux économiques différents au sein de la filière cheval. Mais notre travail d'élu est de prendre en compte cette diversité.

Prochaines étapes
Le projet de texte de loi va maintenant entrer à l'arbitrage de la Commission Mixte Paritaire (CMP) qui réunit des représentants des deux chambres, Assemblée Nationale et Sénat. Ces travaux se feront en commission d'abord avant un nouveau passage en séance publique, à l'Assemblée Nationale dans le cadre du jeu des navettes parlementaires. Aucune date de ces différentes échéances ne nous est pour le moment connue.



Le projet de loi veille à ce que les équidés restent des animaux de rente.
Jean-Pierre Vogel

© Aprh
SOLARIUM : UNE FICTION QUI FAIT RÉAGIR
C'est une oeuvre qui fait réagir. Solarium, moyen métrage de 28 minutes actuellement disponible sur Arte.fr, parle d'un rêve. Celui d'un jeune garçon de 16 ans en apprentissage, dans une école de courses hippiques et chez un entraîneur, pour devenir driver. Le film est une FICTION mais est construit comme un documentaire. Il s'ouvre sur un entretien qu'on pourrait imaginer sorti d'une enquête sur l'apprentissage dans les courses. Le procédé jette le trouble et suscite l'émoi. Un trouble encore renforcé par le recours à des professionnels des courses dans leur rôle : un entraîneur (Alexandre de Jésus) joue un entraîneur. Un apprenti (Théo Bellet) interprète le rôle principal de l'apprenti.
Récompensé par le grand prix Unifrance du court-métrage, sélectionné au Festival de Cannes, Solarium a déclenché une vague simultanée de protestations et de félicitations sur les réseaux sociaux. Outre son style documentaire, son propos, une forme de désenchantement d'un jeune formation confronté à un patron tyrannique et tout puissant à la façon du siècle dernier, à des chevaux qu'on conduit à l'abattoir (incluant une scène difficile de mise à mort), est souvent glaçant. Les commentaires négatifs n'ont pas tardé sur les réseaux sociaux avec, par exemple : « La honte » ou « Salir un métier qui te fait vivre pour de la fiction je ne vois pas l’intérêt. Et les gens qui ne connaissent pas le métier auront forcément une image dégradante du monde des courses après avoir vu ça. Et c’est dommage ! »
Pris à parti par certains, dans le fait de s'être compromis dans une oeuvre noire, Alexandre de Jésus a aussi été complimenté pour son rôle de patron radical, faisant la vie dure à son apprenti. L'entraîneur a ajouté comme post sur son compte Facebook : « Petit point important à éclaircir cela reste un film, une fiction, ce n'est pas la réalité et loin d'être un documentaire comme certains retours que j'ai eus. On a joué des rôles qui ne reflètent en aucun cas la réalité. Aucun mal n'a été fait aux animaux. Merci à tous de votre compréhension. »

Un film qui donne à réfléchir
Solarium traite de la rudesse de la vie dans une écurie et, selon la volonté de son réalisateur, ne renvoie pas une image édulcorée en donnant à réfléchir sur le sens de la vocation, les doutes, la relation homme-cheval. Il aborde de biais les problématiques de la crise des vocations et de la manière d'attirer à soi la jeunesse. Un constat fait par Alexandre de Jesus qui nous a appris : « C'est une oeuvre de fiction qui n'est pas là pour anéantir la filière comme certains le disent. Il reste qu'elle montre une certaine réalité, celle du passé mais qui peut encore résister ici ou là. Et quand cette vérité apparaît, les gens sont effrayés et se sentent agressés. C'est pour cela que le scénariste a fait une lettre pour expliquer son intention. Et plus les jours passent, plus j'ai l'impression que plus de gens comprennent le projet. Il peut aider à prendre conscience de plusieurs choses de notre métier sur le bien-être animal ou le recrutement de jeunes. C'est vrai que des choses sont choquantes mais elles peuvent aider à mieux réagir. » Curieux de vivre une expérience d'acteur, Alexandre de Jésus ajoute encore : « Ce film sort du schéma de type bisounours sur les courses. Je trouvais l'idée bonne pour faire réagir à partir d'un projet d'un ancien des courses qui a vécu des choses, comme moi également, très comparables à ce que vit l'apprenti, le soir tout seul dans une chambre insalubre. »

La mise au clair du réalisateur
Sollicité notamment par le Syndicat National des Entraîneurs et Drivers du Trot (SEDJ), lequel a très mal accueilli la diffusion du moyen métrage (Stéphane Meunier : "ce sont des scènes qui appartiennent au passé") Jonathan Koulavsky a voulu clarifier les choses et lever les troubles dans un courrier. Il y précise notamment : « Que mon film puisse susciter le débat et même, parlons franchement, être dérangeant pour certaines personnes, il n’y a là, après tout, rien de particulièrement étonnant pour une oeuvre de fiction. Ce qui l’est davantage et ce qui m’a convaincu de la nécessité d’écrire cette lettre, c’est que les comédiens non-professionnels qui ont joué dans mon film, et qui sont justement des professionnels des courses, ont pu être pris à parti, notamment sur les réseaux sociaux, ce qui est particulièrement injuste. Un malentendu qui mérite d’être dissipé provient de la nature du film, qui est, je le répète, une oeuvre de fiction et pas un film documentaire. Ce qu’on y voit et ce qu’on y entend n’est donc pas une réalité objective captée à la volée mais une fiction, écrite et mise en scène, d’après mon point de vue d’auteur et de réalisateur. Je réalise que le style et le dispositif du film, qui jouent volontairement au début sur cette confusion, ont pu accentuer cette méprise et il était important d’apporter ici une clarification. »

La dimension de la tragédie de la vie
Loin de la carte postale idyllique, Jonathan Koulavsky défend la dimension tragique des destins, parfois si forte aux courses : « Je suis convaincu qu’il y a autre chose à voir et à vivre avec ces animaux, et retisser un lien émotionnel entre les chevaux et le grand public suppose aussi de les sortir du ghetto des images factices dans lesquelles elles sont trop souvent enfermées. Cela passe d’abord par leur réintégration pleine et entière dans nos vies humaines et leur redonner cette épaisseur et cette charge tragique, ainsi que cette complexité qui leur manquent presque systématiquement dans les représentations actuelles. C’était un des objectifs du film en tissant cette communauté de destins entre ce jeune homme et ce cheval. »

Je le répète : une oeuvre de fiction n'est pas un documentaire
Jonathan Koulavsky

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