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Actualité - 28.10.2021

Suspicions de dopage malaise dans le trot français

Persiflages, rumeurs insistantes, doutes fondés et infondés, frustrations dans un domaine de compétition où la défaite fait parfois tourner la tête pas forcément dans le bon sens, des performances surprenantes, des progrès fulgurants, une société accro aux réseaux sociaux. Autant d’ingrédients pour une recette au goût amer particulièrement servie dans les travées des hippodromes et écuries de trot : le spectre du dopage plane au-dessus de toutes les têtes, alimente toutes les conversations.

La perte de confiance
C’est un sujet forcément sensible. Mais cela dure depuis trop longtemps, des semaines et des semaines, pour ne pas tenter de décrypter la situation et essayer de comprendre ce qui motive les uns les autres à faire de ces suspicions de dopage un sujet central et de créer par conséquent un malaise.
Quelle que soit la façon d’aborder le sujet, malaise il y a. Car le sujet du dopage doit effectivement occuper tous les esprits pour éviter de plonger les courses dans un sinistre trou noir. Le dopage doit être banni, condamné, très sévèrement puni quand les preuves sont établies. Il en va de l’avenir commun des courses et de ses acteurs à tous points de vue. Le public parieur ne peut accepter une compétition à armes inégales.


Il est plus que jamais inadmissible, au sens propre du terme, d’imaginer de mettre en péril artificiellement la santé des chevaux, d’autant que les dangers inhérents à la seule compétition ont déjà du mal à passer pour beaucoup. Et côté pros, ne pas être convaincu que l’adversaire respecte les règles implique une ambiance délétère comme on en a peut-être jamais connu dans les rangs trotteurs. Les derniers cas positifs en date ont débouché sur des suspensions d’un an et pourraient tendre à prouver que les contrôles fonctionnent. Mais, comme depuis toujours dans l’histoire du sport-business, l’idée selon laquelle les tricheurs vont toujours plus vite que les autorités revient au triple galop.

Les actions
Pour commencer, soyons factuels. En 2020, 13 035 prélèvements ont été effectués au trot que ce soit aux courses, à l’entraînement, aux qualifications, dans le cadre de sorties provisoires, à l’élevage et le suivi longitudinal des vingt-cinq chevaux les plus riches en France (chiffres correspondant à une année tronquée de deux mois de courses). Ajoutons aussi à cette liste, les « tests bicarbonate » appelés à déceler la pratique dite du milk-shake. « En 2020, 388 chevaux (au trot et au galop) ayant participé à 78 courses différentes ont fait l’objet de prélèvements bicarbonate » peut-on lire dans le document « Suivi de la lutte antidopage 2020 » dont vous pouvez lire l’intégralité en cliquant ICI.
Ces chiffres sont en adéquation avec ceux des années précédentes en prenant en compte l’arrêt de courses pendant deux mois au printemps de l’an dernier. Résultat, au total, 34 cas ont été déclarés positifs soit 0,26%, soit un niveau dans la fourchette haute par rapport aux années précédentes également. Il y a bien sûr deux lectures de ces chiffres et nous passons alors du factuel à l’interprétation. Soit on considère que le niveau de prélèvements est assez élevé pour dissuader les tricheurs, soit on considère que le pourcentage de prélèvements positifs prouve au contraire qu’il y a des trous dans la raquette. 
Voilà pour le quantitatif. Côté qualitatif, LeTROT par l’intermédiaire du (de son) Laboratoire des Courses hippiques publie régulièrement la liste des nouveaux produits recherchés dans ses milliers de prélèvements (voir ci-contre). Le travail se veut collaboratif avec des équipes vétérinaires britanniques et hongkongaises réputées pour leur sérieux et dont les études sont publiées dans des revues spécialisées, officielles et reconnues. Mais là encore, la contre-attaque est bien rodée : « on ne peut trouver que ce l’on cherche ». Sous-entendu, les malfrats sont toujours plus malins et se renouvellent plus rapidement que les travaux scientifiques qui, en comparaison à des trafics établis, manqueraient de souplesse et d’agilité. Ce qui, fondamentalement, n’est pas à exclure.
Parmi les pratiques dont on entend parler en ce moment, il y a l’utilisation de produits dont les traces disparaitraient sous l’effort de la course. La parade des contrôles en amont des courses coûterait plus cher, entend-on ici ou là. Aucune économie ne saurait pourtant justifier un laisser-faire sur ce dossier si brûlant. On espère donc qu’il sera possible de dissuader très vite ces pratiques.

CHIFFRES-CLÉS
■ 15 326 courses contrôlées sur 15 462 courses organisées (99,1 %)
■ 9 386 courses au trot contrôlées sur 9 475 courses organisées (99,1 %)
■ 22 287 prélèvements : 13 035 au trot et 9 252 au galop
■ 68 cas positifs : 34 au trot et 34 au galop
■ 45 vétérinaires agréés par la FNCH dont 5 sont rattachés au GTHP et 4 à la FNCH et aux sociétés mères
■ budget global : environ 12 M€/an (11,9 M€ en 2018)


La liste des nouvelles substances détectées
extrait du document SUIVI DE LA LUTTE ANTIDOPAGE 2020


Convictions fortes contre preuves tangibles
Partons du principe que nous excluons de fait les personnes de mauvaise foi. Il reste tout de même beaucoup de professionnels particulièrement remontés contre ce qu’ils considèrent comme des indices forts de dopage. Des progressions impressionnantes, des performances étonnantes, des chronos-canon à des niveaux de compétition banals, des capacités de récupération inespérées. La liste des frustrations est parfois longue. Elle ne peut néanmoins pas justifier le fait de jeter l’opprobre sur un concurrent sans preuve tangible. Certains ne s’en privent pas pour autant. Les étages dans l’exaspération vont de la simple remarque déplacée mais bien connue à la mise en cause sans détour des pratiques de l’entraîneur visé. On ne peut pas non plus occulter la terrible impression du battu dans un domaine de compétition permanente. Ajoutez-y une dose d’amertume quand vous êtes l’entraîneur précédent du cheval aux nouvelles compétences. Cela ne pardonne en rien les insinuations (voire plus) gratuites, ça peut les expliquer. Mais pour éviter d’entretenir cette spirale forcément négative, on ne pourrait que conseiller à chacun de garder son calme et de ne se baser que sur des faits avérés ou d’apporter des preuves tangibles de ce qu’ils avancent. Quant aux autorités, les commissaires en l’occurrence, elles devraient elles aussi montrer ostensiblement leur conscience du problème (même supposé) en déclarant des demandes de contrôles vétérinaires, un check-up complet, dès lors qu’une performance leur parait exceptionnelle : le Code le leur permet et ce genre de démarches, outre leur pouvoir dissuasif, aurait également une vertu communicante pour les parieurs qui verraient effectivement que les commissaires veillent. Dommage de ne pas s’en servir plus souvent et de le faire savoir.

Drôle d'ambiance
La cruauté de la compétition ne fait que renforcer les sentiments négatifs chez les perdants. Et si jamais le vainqueur a l’âge d’être votre fils vient alors se greffer une lutte des générations. Et la nouvelle vague d’emmener avec elle un certain nombre de différences d’approches. Dans la méthode de travail, dans la gestion des effectifs, dans la nature même du travail d’entraîneur à part entière sans la casquette de propriétaire-éleveur (ou rarement), dans les stratégies d’exploitation maximale des capacités de leurs chevaux en un un temps réduit s’il le faut, dans la relation avec des propriétaires eux aussi plutôt pressés et en phase avec le principe « ça passe ou ça casse ». Ces éléments sont plausibles et viennent, faute de preuves, largement contrebalancer les suspicions ambiantes, très vite relayées par les réseaux sociaux par des comptes parfois anonymes propices à allumer toutes les mèches possibles. Mais là encore, il y a deux lectures possibles : sont-ils des lanceurs d’alerte ou des agitateurs cachés derrière leur écran ?
Enfin, ne nous le cachons pas non plus, le vestiaire (pour schématiser) est clairement divisé depuis un peu plus de deux ans et le COVID avec ses règles de distanciations obligatoires n’a sûrement pas aidé à la réconciliation ou du moins à la discussion. Des crispations sont palpables et continuent de creuser un fossé entre plusieurs clans précédemment divisés par simples affinités. On sent aujourd’hui une capacité à s’opposer par principe et à remettre parfois en doute tel ou tel succès si le vainqueur n’est pas du bon côté de la barrière. On aimerait plus de solidarité et d’échanges constructifs. Ou alors, des preuves.

Bon d’accord mais on fait quoi ?
Alors que faire pour mettre fin à cette séquence aux relents nauséabonds ? Si le dopage est aussi répandu que certains l’affirment, il faut taper fort, très fort et éradiquer tous les réseaux identifiés. Soit la rumeur fait son oeuvre également destructrice et il faut se donner tous les moyens d’y mettre fin, en communiquant plus et mieux, en publiant les résultats des tests (nouveaux si possible), écouter les turfistes en bannissant pour de bon l’usage des prête-noms et rétablir la confiance. Pas de minces affaires, on en convient.

PREMIÈRES RÉACTIONS
Nous avons fait parvenir notre article en amont aux instances du Trot et au SEDJ afin qu’ils nous livrent leurs premières réactions. En parallèle de cela, Yannick Henry, entraîneur d’Hastronaute, vainqueur du Critérium des 4 Ans, nous a lui-même contacté en début de semaine sur le sujet de la diffusion de rumeur et sa volonté de mettre les choses au clair. Nous commençons par sa contribution.

Yannick Henry
« Une rumeur a été lancée sur Twitter le week-end dernier avec un jugement inapproprié. Aujourd’hui quand on gagne une bonne course on est tout de suite soupçonné de dopage ! Pourtant, vous savez, on peut aussi bien travailler et bien préparer ses objectifs, non ? On devrait plutôt se féliciter de la réussite, je pense. Mon cheval est clean comme le prouvent les analyses. Stop à ces rumeurs destructrices. Ces moments ne sont pas acceptables. »

Mon cheval est clean
Yannick Henry

LeTROT
« LeTrot a été une des premières autorités hippiques mondiales à mettre en place une conservation de certains prélèvements et la possibilité de réaliser des années plus tard (jusqu'à 10 ans après) des analyses rétrospectives. Ainsi en 2021 ce sont des prélèvements réalisés en 2014 qui sont de nouveau analysés avec les techniques et les connaissances actuelles qui ont forcément évolué depuis 2014. Ainsi l'éventuel retard qu'aurait pu avoir le laboratoire en 2014 sur de toutes nouvelles molécules est ainsi comblé.
Nous réalisons déjà depuis des années des opérations partants au cours desquelles tous les partants de grandes courses (généralement des courses de GI et GII) sont prélevés dans les 48 heures précédant l'épreuve. Mais il faut aussi souligner que depuis janvier 2021 la stratégie de prélèvements a également évoluée puisque nous organisons des prélèvements spécifiques sur des chevaux à leur arrivée sur l'hippodrome, avant les courses. Ainsi, sur une période de 15 jours, ce sont trois opérations de ce type qui sont organisées et lors de chacune de ces opérations, trois chevaux sont désignés pour être prélevés avant la course. Certains chevaux sont donc prélevés avant et après la course. Même si ces opérations engendrent effectivement des coûts supplémentaires, elles ont tout de même été mises en place, prouvant la volonté du Trot de ne rien transiger de ce point de vue. Enfin, pour rappel la liste complète de tous les chevaux prélevés et les résultats associés depuis 2014 sont également disponibles sur le trot.com (https://www.letrot.com/fr/trotteur-francais/bien-etre-animal) »

Stéphane Meunier, Président du SEDJ
« Le SEDJ a toujours été impliqué dans la lutte contre le dopage en amont et en aval. Il a été un acteur principal du principe de la levée d'anonymat sous huissier garantissant la régularité des prélèvements et l'assurance qu'aucun cas ne pourrait être caché.
De même, le SEDJ fait partie des deux commissions ayant le dopage à gérer : celle du Bien-Être animal et celle du code depuis un an. En tant que Président je peux vous assurer également que je suis régulièrement sollicité (quasiment un appel ou un message par jour) par de nombreuses personnes m'exposant leurs doutes mais surtout leur crainte sur l'avenir de la profession. C'est un sujet brûlant avec celui de l'avenir de la gouvernance du PMU dont nous avons d'ailleurs pu discuter pas plus tard qu'hier mercredi avec le Président Barjon lors de l'Assemblée Générale du SEDJ. Il nous a aussi indiqué ses craintes sur la situation avérée ou pas et nous a certifié prendre conscience qu'il fallait, pour lever toute ambiguïté et doute, moderniser notre système de recherche et de contrôle de lutte contre le dopage. Le SEDJ se félicite de cette nouvelle approche qui pourra être que bénéfique pour la filière. Notre seul intérêt est la défense des professionnels et la régularité des courses. »






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