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Actualité - 18.01.2022

Tanguy de la Bourdonnaye : "J’ai la passion du vivant"

En quelques mois, son nom a fait la une de plusieurs rubriques hippiques. Tanguy de la Bourdonnaye vient de voir sa casaque briller à haut niveau grâce à Fantaisie, gagnante du Prix du Calvados (Gr.2) et une des protagonistes les plus attendues du Prix de Cornulier, dimanche prochain. L’an dernier, l’homme a aussi investi de manière importante en ventes publiques. Alors qui est Tanguy de la Bourdonnaye ? Quel est son projet hippique ? Rencontre.

De Fantaisie (Un Mec d’Héripré) qui le propulse dans l’actualité la plus chaude qui soit, celle du Prix de Cornulier (Gr.1), au montage d’un projet hippique d’envergure, incluant l’achat d’un prospect étalon comme Inouï Danica (Boccador de Simm) à 400.000 € en septembre dernier et l’acquisition de plusieurs sites, Tanguy de la Bourdonnaye a beaucoup à dire. Rencontre avec un homme qui se définit comme un passionné du monde du vivant.

Qu’est ce que Sas Dlb Participations ?
C’est une structure holding qui porte à la fois les parties élevage et courses et l’activité étalonnage de Tanguy de la Bourdonnaye. Au total, le propriétaire parle d’une quarantaine de trotteurs (poulinières, jeunes, chevaux l’entraînement) comme effectif du moment. Au galop, deux pouliches sont à l’entraînement sous le nom de sa compagne Audélie Lallemand chez Fabrice Chappet. Et deux poulinières pur sang sont stationnées au haras de l’Hôtellerie.

24H au Trot.- Parlons d’abord du début de votre histoire hippique. Vos couleurs sont apparues récemment sur le circuit, en 2015.
Tanguy de la Bourdonnaye.- Mon projet hippique remonte à quelques années, en 2015 justement. J’envisageais alors l’arrêt de mon activité professionnelle et la création d’une nouvelle activité. Ma compagne Audélie (Lallemand) est très impliquée dans les chevaux et le démarrage s’est fait comme cela avec l’acquisition de deux trotteurs de courses, Ubera Diem et Bysance Somolli. De ce début, nous avons rapidement décidé d’y associer la dimension élevage.

Mais on ne passe pas d’une activité professionnelle sans doute importante comme la vôtre à un investissement de grande ampleur dans les courses sans passion et connaissances ?
Audélie venait du dressage et les courses, pour tout vous dire, n’étaient pas notre porte d’entrée. Notre motivation première était centrée sur une activité liée aux chevaux et à l’élevage. Dans ma famille, il y a des personnes qui sont proches des chevaux mais aucune n’est présente dans les courses et a fortiori dans l’élevage de trotteurs. Nous nous intéressons pleinement aux courses en fait, dans toutes leurs disciplines. Audélie a deux pouliches pur sang à l’entraînement chez Fabrice Chappet. Tout notre projet s’adosse sur le cheval et sur l’ensemble de la boucle qui part de l’élevage, passe par l’entraînement et retourne à l’élevage.

Que faisiez-vous avant les courses ?
J’ai une formation de médecin anesthésiste. J’ai exercé pendant 25 ou 30 ans. Avec des associés, également médecins, nous avons créé un groupe d’établissements essentiellement en Basse-Normandie et un peu en Haute-Normandie. Cela s’étend de Deauville, Lisieux, à Granville et Alençon. On a eu jusqu’à mille salariés et on a cédé notre groupe à un ensemble plus important en décembre 2020. Mais cette session était préparée depuis des années, ce qui explique que j’ai pu me détacher il y a quelques années de cette première activité professionnelle.

Oui mais pourquoi les chevaux et non l’art, l’immobilier ou tant d’autres domaines ?
Tanguy de la Bourdonnaye.- Parce que le cheval est du vivant et j’ai toujours travaillé dans le vivant. Et puis on aime les chevaux. Ce sont des êtres vivants avec leurs perceptions, les soins qu’ils nécessitent. Avant, j’avais des patients pour lesquels je passais la nuit debout. Je retrouve les mêmes sensations et les mêmes engagements auprès des chevaux sans bien sûr faire de comparaisons qui n’ont pas lieu entre les hommes et les chevaux.
Audélie Lallemand.- Je viens du monde du dressage et j’avais des a priori sur les courses mais, dès qu’on découvre, on se rend compte qu’un cheval reste un cheval. Il y a une méconnaissance de l’extérieur mais on mesure rapidement que les chevaux de courses sont de véritables athlètes avec toute une équipe autour d’eux. Que tout est fait pour qu’ils soient au mieux de leur condition. Je vois cela chez Nicolas Bridault. La notion d’équipe est quelque chose de fondamental à mes yeux et on se rend compte que les courses mobilisent des équipes avec beaucoup de respect pour le cheval. Les chevaux sont des athlètes qui sont là pour faire le job mais ils sont respectés et ont des soins en ce sens.

Avec qui avez-vous pris contact dans les courses et comment êtes-vous désormais organisé ?
Sur les conseils d’un membre de ma famille, j’ai rencontré Alain Laloum qui m’a conseillé au départ et m’a orienté vers son fils Simon. Nous ne travaillons plus ensemble désormais. Aujourd’hui, j’ai investi avec ma compagne dans deux sites. Nous avons un centre d’entraînement à Moyaux dans le Calvados qui est géré par Nicolas Binet comme entraîneur. Notre manager d’écurie est Christophe Bridault. Nous avons également un site d’élevage à Rocques, en banlieue de Lisieux, sur lequel nous avons dix poulinières et sept poulains nés en 2021 (des yearlings). Nous avons eu cinq poulains de notre élevage en 2020, des « K », qui sont au préentraînement. Nos quatre « J » ont été tous qualifiés par Nicolas Binet.

Pourquoi baptiser vos élèves de l’affixe de l’Avre ?
Pour un motif affectif. Nous avons démarré l’élevage à Montigny-sur-Avre, dans l’Eure-et-Loir. On s’est vite rendus compte que ce n’était pas adapté pour l’élevage et c’est pourquoi nous avons investi dans une ferme herbargère à Rocques d’une quarantaine d’hectares, avec un barn de vingt boxes, vingt-cinq hectares défrichés et clos de lices et quinze hectares encore à aménager.

Fantaisie : le prix du hasard
Achetée 8.500 € pour le compte de Tanguy de la Bourdonnaye par Simon Laloum, lors de la vente mixte de septembre 2018, Fantaise (Un Mec d’Héripré) avait alors 3 ans, était présentée qualifiée mais inédite. Tanguy de la Bourdonnaye se rappelle : « Ce n’était un numéro que nous n'avions pas coché. Je n’avais rien réussi à avoir dans les prix que je m’étais fixés. Cette pouliche qualifiée est arrivée en fin de vente et je me suis rabattue sur elle. Elle avait un papier d’élevage avec une mère, Quita d’Eronville (Quito de Talonay), qui avait gagné le Prix du Président de la République. On ne risquait pas grand-chose. Je dirais que c’est du pur hasard. On a compris qu’elle avait un hypothétique potentiel quand elle a gagné à Vincennes en fin d’année de 4 ans. Elle n’a fait que monter en puissance ensuite chez Nicolas Bridault dès lors qu’elle a eu un jockey attitré, François Lagadeuc, qui la connaissait parfaitement. On s’est alors dit que c’était une bonne jument. Et il y a eu ensuite une autre part de hasard en fin d’année dernière car elle ne devait pas courir le Prix Sans Dire Oui (Gr.3) mais une autre course le lendemain, un lundi. Comme François Lagadeuc était à pied pour cette sortie, on a décidé de courir le Prix Sans Dire Oui avec lui. Elle a gagné et là on s’est dire qu’elle avait vraiment franchi un palier. »

Quel est votre projet et quel est votre effectif actuel ?
Notre vision commence avec l’élevage. D’aller à partir de là sur l’entraînement, les courses et de boucler la boucle sur l’élevage. Nous avons aujourd’hui dix poulinières. Cela me semble être un nombre approprié pour démarrer. On va aussi faire tourner notre effectif pour améliorer nos papiers. On a acheté pas mal de yearlings l’an dernier avec de jolis papiers aux ventes de yearlings de Deauville et de Caen. Au total, nous avons onze 2 ans. Notre effectif global s’établit à une quarantaine d’éléments répartis entre nos domaines d’entraînement de Moyaux, d’élevage de Rocques et le site d’entraînement de Nicolas Bridault à Beaulieu dans l’Orne. Dans notre projet d’ensemble, nous serons amenés à vendre une partie de notre production de mâles. Dans le trot, nous pourrions déjà passer en vente cette année un yearling de Bird Parker et The Lovely Gwen (And Arifant) par exemple. Les mâles dont nous jugerons le papier moyen pour les ventes, nous les exploiterons.

Avez-vous déjà pensé à entrer Fantaisie à l’élevage ?
Aujourd’hui, on est obligés d’attendre. Il y a un an, après une mauvaise course à Caen, en mars, on s’était posé des questions. Et on a décidé de la réessayer encore un peu. Avec la suite que l’on connaît. Avec ce que l’on a vécu en 2021, on ne se pose plus la question.

Et que représente le Prix de Cornulier pour un jeune acteur des courses comme vous ?
(rires) C’est un truc que l’on ne connaîtra plus jamais. Enfin je parle pour moi, à 63 ans. C’est inespéré. C’est le sommet et on en a bien conscience. On sera à Vincennes et on a déjà prévu de ne pas déjeuner. On ne veut rien rater. C’est Audélie qui la présentera en piste. On fera le plus que l’on peut faire.

Votre plus grande émotion à ce jour aux courses ?
Tanguy de la Bourdonnaye.- Sans hésiter le Prix du Calvados. Cela a été exceptionnel. Un moment de très forte émotion. On savait qu’on ne serait pas ridicule mais gagner comme elle l’a fait a tout dépassé. Cela a été très fort pour tout le monde, pour Nicolas Bridault et sa femme Audrey aussi. Ce qui m’a frappé, c’est que cela a fait plaisir à plein de monde. Cela a eu un écho formidable.
Audélie Lallemand.- En fait, nous avons encore du mal à réaliser. C’est arrivé tellement vite que je n’ai pas encore pris la mesure de tout ce qu’il se passait.

En termes d’élevage, avez-vous déjà des pistes sur les futurs serviteurs de Fantaisie ?
C’est une jument qui sera très facile à croiser, exempte de Coktail Jet et Ready Cash notamment. Il reste à se poser la question : « Qu’est-ce qu’on peut apporter pour améliorer ses points faibles ? » En fait, elle n’a pas beaucoup de points faibles. Vraiment, elle sera très facile à croiser. C’est ce qui m’avait plu lors de son acquisition : elle a un joli papier par sa mère Quita d’Eronville et un pedigree global très ouvert.

Passons aux étalons. Vous avez investi de manière importante dans des compétiteurs aux profils d’étalons comme Inouï Danica et Heart of Gold. Dans quelle logique ?
On possède déjà un portefeuille d’étalons pour notre partie élevage. Avoir des étalons à nous-mêmes fait aussi partie de notre projet. Acheter ces compétiteurs pour les exploiter comme étalons, c’est aussi la découverte d’une activité qu’on avait envie de connaître. Il s’agit de mieux comprendre le travail des étalonniers en quelque sorte.

Un tel projet sur le long terme s’adosse souvent à une logique de transmission.
C’est obligatoire. Quand on fait quelque chose de la sorte, c’est pour le transmettre. Ce que nous faisons, c’est dans une vision à long terme. Il y a déjà Audélie qui est très impliquée et nous verrons au fur et à mesure comment s’organisera cette transmission. Notre entreprise chevaux s’inscrit dans la pérennité, c’est sûr.

La pépite Fantaisie

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