Opération anti-dopage d'une envergure inédite
Avec des personnes impliquées sur plusieurs sites en France et même en Europe, l'opération menée ce mardi matin, qui aurait selon les informations du journal Le Parisien mobilisé une centaine de personnes des services de la Police des Jeux avec l'appui de la Direction Centrale de la Police Judiciaire, est d'une envergure jamais connue. Énorme coup de filet, énorme coup de pression, énorme coup de tonnerre.
Il y aura certainement un avant et un après 22 mars 2022. La dimension de l'opération menée par la police ce mardi matin, de façon coordonnée sur le territoire mais aussi au Pays Basque espagnol et en Italie d'après Le Parisien, ne laisse plus de place au doute : les tricheurs qui parviendraient à passer à travers les mailles du filet de la lutte anti-dopage qu'on qualifiera de "traditionnelle" (les contrôles sanguins et urinaires) seront traqués jusqu'à leurs établissements, qu'ils soient des écuries ou des officines. Chef du Service Central des Courses et Jeux, Stéphane Piallat nous a précisé : "Cette opération concerne l’identification de réseaux de dopage avec ses différents acteurs. Cette affaire s’est montée il y a plus d’un an avec une instruction ouverte en août 2021 par une autorité spécialisée qui s’appelle la JIRS (Juridiction Interrégionale Spécialisée) de Bordeaux qui s’occupe plutôt du crime organisé et qui a considéré que c’était un dossier assez sérieux pour mériter un traitement. On a travaillé sur commission rogatoire d’un juge d’instruction en charge de l’affaire à la JIRS qui a saisi le Service central des courses et jeux et la police judiciaire de Bordeaux pour la coordination opérationnelle. Ce mardi, on a lancé une opération simultanée sur presque trente points en France et en Europe pour interpeller les gens qui étaient impliqués dans notre dossier. Il y a eu une coordination judiciaire européenne également pour mener les opérations hors de France." Le fait que Stéphane Piallat s'exprime publiquement sur le sujet témoigne bien de l'ampleur de l'opération ainsi que de la détermination affichée par la police, lâchant même à nos confrères du Parisien : "Il faut arrêter avec la petite musique selon laquelle nous sommes sur des pratiques à la limite de l'irrégularité. Nous sommes là sur des produits totalement interdits et pas seulement quelques jours avant la course."
En résumé
■ une petite trentaine de perquisitions (toutes dans le secteur des courses)
■ motifs : dopage équin, escroquerie en bande organisée, association de malfaiteurs
■ 21 gardes à vue : une dizaine d'acteurs du trot et du galop (confondu), le reste étant des vétérinaires, pharmaciens et intervenants dans les réseaux de distribution
■ 1 garde à vue en Espagne, 1 en Italie
La demande formulée par certains professionnels (et pas seulement) de frapper fort semble avoir été entendue : cette opération est la conséquence d'un long travail d'enquête, d'écoutes et de filatures comme on en parlait pas plus tard qu'hier dans 24h au trot, selon un timing qui peut parfois paraître long mais qui est celui de la justice.
Une opération à dimension européenne
Au total ce sont vingt-trois personnes qui ont été placées en garde à vue issues des trente sites perquisitionnés ce mardi matin. Stéphane Piallat précisant : "
Il y a 21 personnes en garde à vue en France et deux à l’étranger, une en Espagne et une en Italie. Les chefs de l’enquête sont multiples : prescription, session, offre de substance pour dopage, d’aide à l’usage aux procédés dopants, escroquerie en bande organisée et d’autres encore. En garde à vue, on retrouve plusieurs professions : des vétérinaires, des pharmaciens, des entraîneurs, propriétaires/entraîneurs du trot et du galop. On n’est pas allés les chercher par hasard, c’est le fruit d’un très long travail. On a eu recours à la panoplie classique des moyens de l’enquête judiciaire comme la surveillance." Les gardes à vue qui ont eu lieu ce mardi après-midi ont eu pour but de confronter les différentes versions et on apprenait en fin d'après-midi que de nouvelles gardes à vues pourraient suivre ces prochains jours. Quant à la procédure, Stéphane Piallat rappelait : "
Le juge d’instruction va, au terme des gardes à vue de quarante-huit heures, faire des propositions sur les suites à donner. Certaines gardes à vue pourront se poursuivre en déferrement avec mise en examen." Aucune liste n'a été publiée mais selon plusieurs médias, les noms de Yannick-Alain Briand, Junior Guelpa et Philippe Rouer auraient été notamment confirmés.
La communication des sociétés-mères
En début d'après-midi, les Sociétés-Mères ont diffusé un communiqué de presse commentant "l'opération du 22 mars" : "
Partageant avec les services de l’État la responsabilité d’assurer le contrôle de la régularité des courses hippiques, les Sociétés Mères France Galop et Le Trot suivent avec la plus grande attention les enquêtes en cours rendues publiques ce jour sur des soupçons de dopage, qui se déroulent en plusieurs endroits du territoire. Elles condamnent par avance avec la plus grande fermeté les manipulations qui pourraient être révélées à cette occasion. Elles saluent l’efficacité du Service central des courses et jeux (SCCJ) de la police judiciaire dans le travail d’enquête préalable qui a conduit à ces opérations, pour lesquelles les ressources de la Fédération Nationale des Courses Hippiques ont été réquisitionnées. Elles apporteront tout leur concours à l'exploitation de toutes les informations ou données qui seront recueillies."
Le positionnement du SEDJ
Président du Syndicat des Entraîneurs et Drivers-Jockeys, Stéphane Meunier a eu l'occasion de s'exprimer sur le sujet de la lutte anti-dopage. Il nous a expliqué collaborer entièrement avec les services de police : "
On avait constaté depuis plusieurs mois une vraie prise de conscience de la part de nos instances et l'avions souligné dans vos colonnes au cours de l'automne. Et ceux qui étaient présents à Caen la semaine dernière lors de la conférence sur la lutte anti-dopage justement m'avaient confirmé le sentiment d'un réel changement de positionnement. De notre côté, on avait beaucoup de remontées de terrain sur, notamment, l'existence de réseaux d'approvisionnement de produits. On a d'ailleurs travaillé avec les services de police pour leur faire part de ces présomptions et ce depuis plusieurs mois, voire années. Et comme l'ont fait mes collègues du syndicat des entraîneurs de galop dans les affaires Marcialis et de Marseille, le SEDJ se porte partie civile dans les affaires concernant le trot."
La séquence
Cette descente impressionnante intervient donc 48h après la parution de la tribune publiée dimanche dans les colonnes du Journal Du Dimanche signée des deux Présidents des sociétés-mères "
Pour des courses hippiques propres". Si celle-ci avait pu surprendre dans sa temporalité de diffusion, tout s'éclaire désormais : elle était aussi là pour introduire cette séquence inédite et capitale.
Nous allons nous porter partie civile
Stéphane Meunier, Président du SEDJ