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Actualité - 10.08.2022

Il était une fois Grosbois (1/2)

Il y a soixante ans, durant l’été 1962, Grosbois était acquis par la Société du Cheval Français, qui allait en faire, en peu d’années, un centre d’entraînement ultramoderne, un formidable outil, appelé, dans la durée, à s’optimiser et à se diversifier. C’est à un retour sur ces six décennies que nous vous convions ici, en deux temps, aujourd’hui et demain, assorti, dans ce premier volet, d’un entretien, ouvrant des perspectives sur l’avenir du site, avec l’entraîneur Gilles Curens, président des administrateurs du domaine, et avec le régisseur de celui-ci, Christophe Walazyc.

Grosbois, un joyau de 60 ans
Soixante ans d’union : ce sont des noces de diamant et le terme s’applique bien à l’anniversaire que fête, cet été, le Domaine de Grosbois. Voilà soixante ans, en effet, que le présent joyau du trot français est devenu la propriété de la S.E.C.F., à l’initiative du président de l’époque, René Ballière. Soixante années au cours desquelles le domaine, devenu un centre d’entraînement qui nous est envié de tous, n’a eu de cesse de s’améliorer, de se développer et d’élargir le spectre de ses activités.
Un peu d’histoire, d’abord. A l’aube des années 1960, le site de Joinville-le-Pont, où sont principalement stationnés les trotteurs en région parisienne, à proximité de Vincennes, ne devient plus guère praticable. Tout y est exigu, parfois vétuste et, surtout, le déplacement des chevaux s’y complique un peu plus chaque jour, eu égard à une circulation routière qui s’intensifie. Et puis de plus en plus de terrains sont lotis, contraignant les entraîneurs à jeter l’éponge et à déplacer leurs effectifs. De surcroît, la fermeture annoncée de l’hippodrome de galop du Tremblay, pour lui substituer un parc des sports et de loisirs, condamne, à terme, le centre d’entraînement de trotteurs afférent.

Pour œuvrer à la création d’un centre d’entraînement adapté au monde moderne

Conscients de ces inexorables évolutions, les dirigeants de la S.E.C.F. d’alors, sous l’impulsion de leur président, René Ballière, savent qu’ils doivent œuvrer à la création d’un nouveau site d’entraînement, adapté au monde moderne, le plus près possible de l’hippodrome de Vincennes. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, car, pour que l’entreprise soit couronnée de succès, il faut, impérativement, disposer de beaucoup d’espace. Or, en ces temps d’intensive urbanisation, l’espace, autour de Paris, est, à la fois, rare et coûteux. En 1962, toutefois, René Ballière et son équipe découvrent l’endroit idéal : Grosbois, un domaine de plusieurs centaines d’hectares, prenant place autour d’un splendide château, sur la petite commune de Boissy-Saint-Léger, dans le département du Val-de-Marne, à tout juste une quinzaine de kilomètres de Vincennes. On ne pouvait rêver mieux ! Le 26 juillet 1962, le marché est conclu : la S.E.C.F. achète le domaine aux héritiers de la princesse de La Tour d’Auvergne. René Ballière sait qu’il a vu juste et même, si l’on nous autorise l’expression, qu’il a mis dans le mille : Grosbois est le site parfaitement idoine, à la fois suffisamment spacieux pour accueillir les infrastructures nécessaires à la construction d’un centre d’entraînement d’envergure et suffisamment proche de l’hippodrome de Vincennes pour jouer pleinement son rôle de trait d’union avec celui-ci. L’endroit, en outre, est clos et sécurisé, ce qui implique que ses résidents pourront y travailler en toute tranquillité et sérénité, ce qui n’était plus le cas ni à Joinville-le-Pont, ni au Tremblay.

Sous l’impulsion des bâtisseurs que furent les Ballière

C’est à son frère, Henri, que René Ballière confie la supervision des travaux destinés à faire de Grosbois le centre d’entraînement du futur. Il a souvent été dit que les Ballière furent des bâtisseurs et, à cet égard, c’est particulièrement manifeste. Henri Ballière va s’entourer des meilleurs architectes et ingénieurs pour concevoir un véritable joyau, un lieu d’entraînement d’une dimension inédite. Pendant trois ans se succèdent des travaux d’assainissement, de défrichage, de traçage des routes, des pistes et allées, de construction de boxes et autres structures nécessaires à l’entraînement, de logements, aussi, pour les entraîneurs et leurs salariés. A l’automne 1965, les premiers d’entre eux s’installent à Grosbois. C’est le début d’une aventure qui dure et n’est assurément pas près de se terminer.
Grosbois est, effectivement, la référence européenne, voire mondiale, en matière de centre d’entraînement de chevaux trotteurs. Avec ses cinq pistes (la plus grande, de 1.500 mètres, en sable rose, qui sert aux qualifications ; deux anneaux de 1.000 mètres ; 400 mètres de tracé couvert ; une ligne droite de 1.200 mètres, qui monte et qui descend, sans compter les allées de Boissy et de Marolles, s’étendant, toutes deux, sur 1.500 mètres, pareillement en ligne droite), ses quarante kilomètres d’allées cavalières, son manège couvert (77 mètres de long, 23 mètres de large, 13 mètres de haut), ses 1.500 boxes, sa soixantaine d’établissements différents (comprenant jusqu’à 30 boxes par cour et plusieurs logements, pour l’entraîneur et ceux qui travaillent à ses côtés), l’outil est optimal et le dispositif à l’avenant, surtout si l’on sait qu’il se complète de services annexes qui font, eux aussi, la renommée du centre et seront l’objet du second volet de notre dossier.

Grosbois il y a soixante ans : les travaux lancés à grande vitesse (photo ©Domaine de Grosbois)

INTERVIEW
Gilles Curens, président des administrateurs du Domaine de Grosbois

Quels sont les administrateurs qui travaillent avec vous et quel est votre rôle ?
Il y a Mathieu Verva, Valérie Abrivard, Danielle Mottier, Matthieu Abrivard, Frédéric Prat et Alain Pagès, qui font partie de la commission. Nous sommes les décisionnaires concernant l’attribution des établissements, ainsi que les travaux en cours et les modifications qui peuvent intervenir sur le domaine, en concertation avec le régisseur, Christophe Walazyc. L’heure est à l’économie de l’eau et nous avons décidé de fermer certaines pistes pour concentrer l’arrosage sur les pistes d’entraînement. L’horaire de l’autostart a également été modifié. Les grosses chaleurs font que les entraînements ont lieu très tôt le matin. Il faut donc adapter les services. Le personnel du domaine fait un travail de grande qualité et s’adapte toujours à nos demandes et à la météo, été comme hiver.

A quelle fréquence les administrateurs se retrouvent-ils ?
Nous avons des réunions en présentiel tous les deux mois, environ, pour discuter des différents dossiers en cours et nous sommes régulièrement en contact téléphonique.

En quoi Grosbois est-il un site exceptionnel ?
Il est idéalement placé, à quelques kilomètres, seulement, de la capitale, dans un écrin de verdure et au calme. Nous avons toutes les infrastructures nécessaires pour bien travailler les chevaux. C’est un centre qui nous est envié dans le monde entier. Il y a quelques semaines, des professionnels américains sont venus y acheter des chevaux et ils étaient émerveillés. Dès que l’on passe les barrières de l’entrée, on constate que le site est dédié au cheval et qu'il y est roi. L'endroit est de renommée internationale.

Tout va bien alors ?
Non, c’est un site d’exception qui a besoin d’un entretien quotidien. Une trentaine de personnes oeuvrent tous les jours à l’entretien des pistes, des établissements et des espaces verts. Le coût est très élevé {NDLR : Retrouvez dans notre édition de demain l'interview de Patrick David sur le sujet économique}. Le domaine a fêté ses soixante ans en juillet et il n’a plus la même utilité que lors de son acquisition. A l’époque, les écuries venaient passer le meeting d’hiver à côté de Vincennes, car les conditions météorologiques étaient difficiles et le domaine permettait de travailler par tous les temps. Les transports et le réseau routier ont également évolué dans le bon sens. Beaucoup de grandes maisons ont délaissé Grosbois. La liste d’attente pour bénéficier d’une écurie est désormais réduite.

Comment faire pour dynamiser le domaine et lui redonner son lustre d’antan ?
Il va falloir se diversifier, nous devons ouvrir le domaine à autre chose. Qu'on ne s'y trompe pas, cependant, l’activité principale est et restera l'entraînement des trotteurs, mais il faut ouvrir ce site. La construction d’une nouvelle clinique vétérinaire, plus moderne et plus grande, est en cours de réalisation dans des bâtiments existants. Ces vétérinaires ont une renommée internationale et la modernisation de la clinique va leur permettre de travailler dans de meilleures conditions, d’installer de nouvelles techniques d’imagerie médicale et de donner une plus grande visibilité de Grosbois.

Quels sont les autres projets ?
Nous allons également changer le système de location des cours du manège et du château, qui seront désormais louées pour le meeting d’hiver, avec un appartement meublé. Le reste du temps, elles pourront être mises à disposition lors des différentes compétitions équestres qui se déroulent sur place, hors meeting. Je vous rappelle que le site a été retenu comme centre d’entraînement pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024. Il faut également valoriser le château et son orangerie, essayer d’ouvrir à davantage de séminaires, de mariages, à la découverte, également, du cheval, au travers, par exemple, de promenades. Il y a beaucoup de choses qui doivent être développées pour attirer du monde, dès lors que nous sommes en dehors du meeting.

Il va falloir se diversifier, ouvrir le domaine à autre chose, tout en veillant à ce que l'activité principale reste l'entraînement des trotteurs.
Gilles Curens

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Du Moyen-Âge à nos jours
On trouve trace de Grosbois dès le XIIème siècle : il s’agissait alors d’un domaine royal, vaste espace boisé, comme son nom l’indique, où l’on s’adonnait à la chasse. Le château ne sera construit qu’à la fin du XVIème siècle ; il connaîtra de nombreuses transformations au cours des siècles suivants. Les bois locaux sont très giboyeux et les propriétaires successifs des lieux en font un domaine de chasse à la notoriété grandissante, en particulier sous l’Empire et aux soins du prince de Wagram. Les Wagram restèrent à la tête du Domaine de Grosbois pendant plus d’un siècle, jusqu’en 1918, lorsque s’éteignit le dernier du nom, qui le légua à sa sœur, la princesse de La Tour d’Auvergne. C’est aux héritiers de celle-ci, qui prennent la décision de se séparer de leur bien, lors du décès de la princesse, en 1960, que la S.E.C.F. achète la plus grande partie du domaine quelques mois plus tard, soit un total de 412 hectares, avec, en leur cœur, le château. De la sorte, le morcellement du site est évité et sa belle histoire se poursuit.

Le plein pour le meeting d’hiver
L’hiver, pendant le meeting de Vincennes, le centre d’entraînement peut accueillir jusqu’à 1.500 chevaux, y compris étrangers, sous la houlette de quelque 80 entraîneurs différents. C’est alors que Grosbois fait le plein. A l’année, ils sont 600 à 800 chevaux à continuer à s’exercer sur place, sous la responsabilité d’une petite cinquantaine de professionnels.

INTERVIEW
Christophe Walazyc, régisseur du Domaine de Grosbois.
Quels sont les grands projets du moment ?
La réalisation d’une nouvelle clinique est un projet très important {NDLR : voir notre 2ème opus demain jeudi}. Nos vétérinaires sont reconnus et demandés à l’international. Il est normal que la clinique soit à la hauteur de leurs compétences. Elle va prendre la place du manège, ainsi que de la piste couverte, qui sont désormais peu usités. Comme vous l’a expliqué Gilles Curens, les cours du manège et du château seront désormais en location à la carte pour le meeting et bénéficieront d’un appartement meublé. L’école technique de l’AFASEC va migrer près des locaux administratifs, au centre du domaine. On pourra également accueillir, prochainement, les chevaux de la brigade équestre du Val-de-Marne.

Depuis quelques étés, les jeunes ont également leur place sur le domaine ?
Oui, depuis l’année dernière, le site a été retenu pour accueillir le SNU (Service National Universel). Cette année, ce sont même deux sessions qui se sont déroulées. Les participants ont pu suivre des cours à l’Orangerie et visiter le château. Les élèves sont logés dans les infrastructures de l’internat et ils bénéficient également du self-service, ce qui génère du trafic pour l’AFASEC. Nous avons, cet été, sept sessions de colonies de vacances pour les enfants défavorisés, qui bénéficieront aussi des infrastructures de l’AFASEC.

Vous avez également des obstacles à côté du château ?
Oui, il y a déjà eu quelques concours et nous sommes en réflexion avec la FFE (Fédération Française d’Equitation), ainsi qu'avec le département du Val-de-Marne, quant à la réalisation d’un stade équestre avec des « multi-carrières » pour recevoir des compétitions officielles. Le domaine deviendrait pluridisciplinaire, mais conserverait l’hiver son caractère exclusif pour l’entraînement des trotteurs.

Le domaine possède un cadre exceptionnel, mais attire-t-il un autre public que les amoureux des chevaux ?
Le public répond souvent en nombre lors des journées du patrimoine pour visiter le château et le musée du Trot. L’Orangerie est également disponible à la location pour divers événements. Il y a régulièrement des reconstitutions historiques, au sein du château, qui appartenait, en son temps, au maréchal des armées de Napoléon, Alexandre Berthier, futur prince de Wagram. Le site entier sert également de décor de film. Il y a actuellement un tournage sur le domaine. Il faut ouvrir ce site au grand public et lui faire découvrir ce poumon de verdure, à quelques kilomètres de Paris.

Il faut ouvrir ce site au grand public et lui faire découvrir ce poumon de verdure, à quelques kilomètres de Paris.

©Scoopdyga

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