Alexandre Abrivard, 2000 victoires avant tout le monde

Quelques semaines avant de fêter son 30ème anniversaire, Alexandre Abrivard a remporté ce mardi à Vincennes la 2000ème victoire de sa carrière en France avec Kelle Beauté. Que le garçon soit pressé, ce n’est pas nouveau. Il est même le premier à franchir aussi jeune ce cap.

Lancé au rythme qui est le sien depuis des mois et des mois, il n’est pas sûr qu’Alexandre Abrivard se rende véritablement compte de la portée des chiffres de sa carrière, alors qu’il vient de remporter la 2000ème victoire ce mardi sur l’hippodrome de Vincennes avec Kelle Beauté (Uniclove) pour l'entraînement paternel avec lequel il a gagné 930 de ses 2000 victoires. Afin de bien resituer la portée de la performance de celui qui n'est pas encore trentenaire (il fêtera ses 30 ans le 22 juillet), il faut la comparer à celles de ses aînés, notamment ceux auprès desquels il est tous les jours ou presque au sein des pelotons. Que ce soit la référence absolue Jean-Michel Bazire (32 ans), Éric Raffin (32 ans aussi), son cousin Matthieu Abrivard (33 ans) ou encore Franck Nivard (34 ans) pour ne citer que ces quatre-là, aucun n'avait atteint les 2000 victoires aussi jeune.
Emporté dans un maelstrom de déplacements depuis 2021, avec une moyenne de 4,1 courses par jour, arrive-t-il seulement à se poser quelques minutes pour trouver le temps si ce n’est de savourer au moins de prendre conscience du chemin déjà parcouru moins de quatorze ans après ses débuts et de l’empreinte qu’il a déjà laissé dans son sport ? Des phénomènes de précocité, les courses en ont connus. Mais, dans son genre, Alexandre Abrivard est une singularité ou quand précocité rime avec efficacité. Vainqueur de sa première course au mois d’août de ses 16 ans qu’il venait tout juste de fêter, en selle sur Royal Quito (Voici du Niel), lequel, clin d'oeil de l'histoire, appartient à la même souche maternelle que la lauréate du jour à Vincennes, six mois et demi lui auront suffi pour passer professionnel et encore moins pour décrocher une première récompense, celle du meilleur apprenti avec 30 succès. "La première fois qu’il est monté sur un de mes chevaux, je me suis dit : "C’est bon, j’ai compris, ça va être un grand jockey !".", a dit à son sujet Jean-Michel Bazire à notre consœur d’Equidia Sophie Clément en 2022. Car le fils de l’un des tout meilleurs jockeys de son époque a hérité des talents de son père et a tapé à la porte de l’un des plus fidèles amis de celui-ci pour être à la meilleure école. Ça commençait fort et ça ne s’est pas arrêté. Après ses premiers Groupes, il n’est certes pas aussi jeune qu’Éric Raffin (18 ans) quand il gagne à 21 ans son premier Groupe 1 au monté pour son père, avec Bilibili (Niky) dans l’édition 2015 du Prix du Président de la République mais quand même.
La même année, Alexandre Abrivard devient le plus jeune pilote à gagner plus de 100 courses. À titre de comparaison, Franck Nivard l’avait fait dans sa 24ème année. Au fil des saisons, le jockey qu’il est à la base évolue et s'affirme comme un pilote complet qui, s’il donne toujours la priorité à l’écurie familiale, est de plus en plus sollicité. Dès l’année suivante, il décroche une première consécration en remportant le Prix de Cornulier en celle sur Scarlet Turgot (Dahir de Prélong) pour l’entraînement de Yannick-Alain Briand. Un an après encore, en 2017, il remporte le premier de ses trois Étriers d’Or alors qu’il n’a que 24 ans. Seul, Jean-Loïc Dersoir a été plus précoce en l’obtenant à 22 ans.
En avril 2019 au sulky du pensionnaire de Jean-Michel Bazire Valokja Hindo (Great Challenger) sur l'hippodrome d'Enghien, le fils de Laurent Abrivard devient le premier professionnel au trot à atteindre le cap des 1000 victoires à 25 ans. Au galop, Olivier Peslier, Christophe Soumillon et Maxime Guyon avaient aussi cet âge quand ils ont gagné leur 1000ème victoire.

La carrière d'Alexandre Abrivard va pourtant encore s'accélérer depuis 2021 où il passe pour la première fois la barre des 200 vainqueurs annuels. Tout semble alors réuni pour qu'il s'exprimer au mieux. "Jeune, j’ai tout de suite eu beaucoup de réussite. Aussi fallait-il être un petit peu indulgent avec moi pour me laisser le temps de prendre de la maturité", confait-il à 24H au trot il y a un an. La maturité se traduit par un pilote plus posé, encore plus en confiance et plus en réussite. Même s'il n'a pu mener jusqu'au bout sa quête d'un premier Sulky d'Or malgré 234 victoires et après avoir longtemps fait la course en tête devant Éric Raffin, sa saison 2022 qui s'est prolongée jusqu'au meeting d'hiver qu'il termine avec un record à la clé (99 succès) conforte son ascension alors qu'il n'a pas encore 30 ans. Pour arriver à cet alignement des planètes, Alexandre Abrivard n'a pas seulement cultivé ses qualités, il a aussi fait un travail sur lui-même et s'est adjoint ainsi les services d'un coach mental il y a plus de trois ans, avec Jean-Michel Jarry, manager de la team MAM (My Athlete Management), une décision jusque-là unique à notre connaissance dans les courses.
En l'espace de quatorze ans, Alexandre Abrivard s'est donc forgé un parcours exceptionnel qui en fait aujourd'hui l'un plus des capés de son sport. "Depuis la 1900ème, je m’étais mis dans la tête d’essayer de gagner la 2000ème avant mes 30 ans. C’est fait ! Ça veut dire que je n’ai pas mal bossé depuis, disait-il en souriant après ce succès. En plus, c’est pour la casaque et l’élevage de la familial. Le destin voulait que ce soit avec Kelle Beauté car, à Écommoy dimanche, deux m’ont échappé à l’entrée de la ligne droite et, à Nantes lundi, j’ai été battu une fois tout à la fin. Je fais partie des privilégiés du métier et on n’est pas nombreux. Avec ce genre de cap, on est récompensé des kilomètres sur les pistes et sur les routes. Je vais continuer à avancer pour écrire ma propre histoire et, si l’histoire des courses peut se souvenir aussi de moi, ce serait bien."

Je vais continuer à avancer pour écrire ma propre histoire et, si l’histoire des courses peut se souvenir aussi de moi, ce serait bien.
Alexandre Abrivard