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Actualité - 01.08.2023

Kesaco Phedo, champion aussi talentueux qu'attachant

Késaco Phédo 1’09’’ (Caballio in Blue et Féria de Vrie, par Hêtre Vert) n’est plus. Né le 25 mars 1998, il vient de nous quitter, le 30 juillet 2023. Ce grand cheval bai, au destin hors du commun, aura marqué son temps, ainsi que les hommes et les femmes qui l’ont accompagné. Son palmarès, d’un remarquable éclectisme et d’une longévité à l’avenant, est celui d’un champion, voire d’un crack. De ceux qui appellent l’hommage.

Un « Nounours » pas si docile, dans sa jeunesse

On sait que, au sein de l'écurie Bazire, Késaco Phédo était surnommé « Nounours », en raison de son caractère docile. Pourtant, son débourrage et son éducation, aux soins de ses éleveurs mayennais, Pierre et Dominique Touvais, furent loin d’être un long fleuve tranquille. Pierre Touvais nous avait raconté, à ce sujet : "Jeune, il était gentil, mais craintif, ayant peur du sulky, et il a bien fallu six à huit mois pour qu’il perde toute appréhension de la voiture. Eric Beauvais, qui travaillait alors à mes côtés, a dû faire preuve de beaucoup de patience avec lui. Moyennant quoi, le cheval a très vite montré des moyens, dévoilant beaucoup de force, notamment."
Késaco Phédo se qualifiera à 2 ans, sur l’hippodrome de Laval, aux premiers jours du mois de septembre. Il débutera dans la foulée, à Caen, mené par Pierre Touvais, qui poursuit : "Il s’est classé bon quatrième ce jour-là, étant encore un peu vert. Je l’ai laissé tranquille ensuite et ne l’ai recouru qu’à la fin de l’année, à Vincennes, où j’ai le sentiment qu’il venait pour gagner, dans la ligne droite, lorsqu’il m’a fait la faute. Ce n’était, certes, qu’un prix de série, mais c’est Kinder Jet qui s’imposait et Kopaulo qui terminait cinquième, soit les futurs premier et troisième du Critérium des Jeunes. La ligne était bonne !"

Une ascension signée Philippe Allaire

Remarqué par Philippe Allaire, Késaco Phédo est alors vendu et rejoint son effectif, pour le compte de Daniel Wildenstein et Alain Swarc. Pierre Touvais ne regrette pas de s’être séparé de son élève : "A l’origine, nous n’étions pas forcément vendeurs, nous avait-il dit, à l’époque. Mais notre métier étant très aléatoire, il est évident qu’on ne peut pas toujours prendre le risque de renoncer à une bonne vente. Il faut saisir la balle au bond. En revanche, le fait de savoir que Philippe Allaire serait l’entraîneur du poulain a été décisif. Et puis nous avons conservé un intéressement à l’éventuelle carrière d’étalon du cheval."
Késaco Phédo ne tarde pas à justifier l’estime dans laquelle il est tenu et aligne les victoires, au cours de l’hiver, préparé par Philippe Allaire et drivé par celui qui sera, plus tard, à son tour, son mentor, à savoir Jean-Michel Bazire. Pour ses débuts face à l’élite, au printemps, dans le Groupe 2 Prix Paul Karle, c’est, cependant, Jos Verbeeck qui est au sulky, pour un premier contact facilement victorieux. Une semaine plus tard, Késaco Phédo débute monté, avec Jean-Philippe Mary, dans le Groupe 2 Prix Hémine, et il s’impose avec la même aisance. A chaque fois, il fait très forte impression et on a la sensation d’avoir affaire là au leader de sa génération dans les deux disciplines, ce qui n’est pas chose courante.

L’exceptionnel doublé du Critérium des 3 Ans et du Prix de Vincennes

Cette sensation devient réalité à la fin de la saison, lorsque Késaco Phédo mène a bien l’exceptionnel et rare doublé du Critérium des 3 Ans (Groupe 1) et du Prix de Vincennes (Groupe 1). Les mêmes Jos Verbeeck et Jean-Philippe Mary sont les artisans de cette passe de deux, qui n’a pas été réussie depuis 1968, soit trente-trois ans plus tôt, et le double succès de Vaccarès II, sachant que, depuis Késaco Phédo, elle n’a pas été davantage parachevée.

La campagne de 4 ans de Késaco Phédo est moins tranchante, entachée par des disqualifications dans le Critérium des 4 Ans (Groupe 1) et le Prix du Président de la République (Groupe 1). Dans le « Président », s’il était dominé, au moment de sa faute, dans le dernier tournant, par Kérido du Donjon, il en fut tout autrement dans le Critérium des 4 Ans, où il passa le poteau en vainqueur, résistant d’un rien, après avoir mené la course depuis le départ, à Koréan. Mais, après enquête, il perdit le bénéfice de ses efforts pour avoir terminé son parcours dans des allures autres que le trot, selon la formule d’usage. Dura lex, sed lex.

Le trotteur le plus cher du monde !

L’année 2002 est, toutefois, à marquer d’une pierre blanche pour Késaco Phédo. Au début du mois de mars, en effet, alors qu’il reste sur une place de deuxième, entre Kaisy Dream et Koréan, dans le Prix de Sélection (Groupe 1), il passe sur le ring de l’Agence Française du Trot (N.D.L.R. : aujourd’hui Arqana Trot), à Deauville, dans le cadre d’une dissolution d’association entre ses propriétaires, les fils de Daniel Wildenstein, disparu l’automne précédent, et Alain Swarc. Or, sur une enchère du courtier Frédéric Sauque, agissant pour les Wildenstein, le marteau va tomber à 3 millions d’euros, provoquant un tonnerre d’applaudissements dans la salle des ventes. C’est que c’est, en la matière, un record du monde, aucun trotteur n’ayant jamais été adjugé à un prix aussi élevé.
De la sorte, Késaco Phédo devenait la seule propriété de la famille Wildenstein. Il allait poursuivre sa route, pendant un temps, avec Philippe Allaire, avant de partir pour d’autres aventures, l’année suivante, orchestrées, cette fois, par Jean-Michel Bazire.

Une deuxième carrière chez « JMB »

A compter du deuxième semestre 2003, Késaco Phédo performe, effectivement, sous la houlette de « JMB ». Après six mois d’absence, il fait une rentrée victorieuse, à Enghien. Il y prépare le Critérium des 5 Ans (Groupe 1), dont il va se classer seulement quatrième. Dans l’autre spécialité, le Prix de Normandie (Groupe 1) ne va pas lui échapper, en revanche, avec pour partenaire son entraîneur, qui montait alors encore (voir notre photo ci-dessous). C’est, en l’espèce, la troisième victoire classique et de Groupe 1 du champion.

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L’hiver suivant va être celui de son apogée, avec un succès dans le Prix d’Amérique (Groupe 1) et un autre dans le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (Groupe 1). Késaco Phédo a 6 ans et est au sommet de son art, tant dans l’exercice de la tenue que dans celui de la vitesse. A Vincennes, il s’approprie le record de la course, en 1’12’’3, tandis qu’à Cagnes-sur-Mer, il rejoint Varenne en étant le deuxième vainqueur de la compétition, après celui-ci, à descendre sous la barre des 1’10’’ (N.D.L.R : 1’09’’6, pour le crack transalpin, et 1’09’’9, pour son homologue français.). Il faudra attendre le quatrième succès de Timoko dans l’épreuve, en 2017, sur le pied de 1’09’’5, pour voir un cheval rééditer cet exploit. Dans l’intervalle, Késaco Phédo aura remporté un second Grand Critérium de Vitesse, en 2007, à l’âge de 9 ans, peu après avoir donné la meilleure des répliques à son contemporain, Kool du Caux, dans un Prix de France (Groupe 1) demeuré dans les annales et dont le record – 1’09’’8 –ne sera égalé, puis battu qu’une quinzaine d’années plus tard.

6 Groupes 1

Le bilan de compétiteur de Késaco Phédo fait état de dix-neuf victoires, dont six de Groupe 1 (quatre à l’attelage et deux sous la selle) et sept de Groupe 2 (cinq attelé et deux monté), ainsi que de dix-sept places dans les cinq premiers, pour, pratiquement deux millions d’euros de gains (1.961.313 euros). Au total, il aura disputé soixante-douze courses, de 2 à 10 ans, soit une moyenne de huit sorties annuelles, ce qui est relativement peu.
Il est vrai qu’à partir d’un certain âge, le cheval a eu des problèmes de jambes récurrents, lesquels nécessitaient des interruptions de plusieurs mois, comme en témoigne Gérald Laville, son compagnon de route chez Jean-Michel Bazire : "C’était un cheval gentil comme tout, très attachant, avec lequel il fallait faire des pauses régulières, eu égard à ses jambes. Il va de soi qu’il a marqué ma carrière dans le métier. Je l’ai accompagné à l’étranger, à Oslo, à Solvalla, à Aby –à chaque fois, il n’a pas donné sa pleine mesure, étant disqualifié–, et j’ai été de ses grandes victoires en France. Mon patron m’a même fait le plaisir de me le confier en course, à plusieurs reprises, et j’ai gagné deux fois avec lui. Ce sont des souvenirs inoubliables !" Gérald Laville reste, d’ailleurs, le dernier à avoir vaincu au sulky de Késaco Phédo. C’était le 6 novembre 2007, à Vincennes, dans le Prix Médusa.

Qu’est-ce que « Késaco » et les « Phédo » ?

« Késaco » signifie, tout simplement, « Qu’est-ce que c’est », en patois de la Drôme, la région dont est originaire Pierre Touvais. Quant à l’affixe, « Phédo », il est familial, dans la mesure où il puise son origine aux initiales des prénoms des différents protagonistes : « P », pour Pierre, le père ; « h », pour Henri, le fils aîné ; « é », pour Elise, la fille ; « d », pour Dominique, la mère ; et « o », pour Olivier, le frère cadet.


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en photo ci-dessous : Gérald Laville venu saluer son champion le jour du Prix d'Amérique Legend Race 2023, tout comme Kamel Slimani (à droite)

Ce sont des souvenirs inoubliables !
Gérald Laville, lad de Késaco Phédo

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Gérald Laville et Jean-Michel Bazire entourent Kesaco Phédo. À droite Alec Wildenstein
Une page qui se tourne

Animatrice du Haras de Brassé, dans la Sarthe, où Késaco Phédo a effectué ses dernières saisons de monte, Marion Richard nous a confié : "Avec la disparition de Késaco Phédo, c’est une page qui se tourne. Il faisait, en quelque sorte, la jonction entre le passé et le présent, comme le montre la victoire de Jasper des Charmes dans le Prix du Président de la République. Il était arrivé chez nous il y a cinq ans et le fait d’être en monte naturelle, depuis quatre ans,lui avait permis de retrouver une seconde jeunesse. Il était en forme et content d’être là, cet hiver, à Vincennes, lors du défilé du Prix d’Amérique. Mais sa santé s’est dégradée au printemps. Des problèmes pulmonaires nous ont contraints à arrêter sa saison de monte au mois de mai. Quoique sous traitement, il n’a pas réussi à remonter la pente et il nous a quittés dimanche après-midi, chez lui, au haras. C’est un grand vide de ne plus l’avoir. Personnellement, je lui étais spécialement attachée, car je l’avais connu lorsqu’il était poulain, à l’époque où je travaillais chez les Touvais. C’était donc des retrouvailles, entre lui et moi, quand il est arrivé au haras. C’est une belle et émouvante histoire."










Une triple contribution au plus haut niveau, en tant qu’étalon

Une fois étalon, Késaco Phédo n’a pas été en reste. Petit-fils des améliorateurs Quadrophénio 1’13’’ et Hêtre Vert 1’15’’, d’une famille maternelle frappée du sceau de l’élevage Baudron, il a servi d’alternative au « tout américain » ambiant, en tant que pur trotteur tricolore, parfaitement « franco-français ». Lucien Urano en a ainsi obtenu, tout récemment, en un croisement complémentaire, son premier vainqueur du Prix du Président de la République (Groupe 1), Jasper des Charmes 1’11’’, né des œuvres d’une fille de Coktail Jet. On lui doit deux autres lauréats classiques en Ave Avis 1’10’’, gagnant du Critérium des 5 Ans (Groupe 1), qui n’a pas lui-même une once de jeune sang américain, et Cassandre d’Em 1’13’’ m., qui a succédé à son père au palmarès du Prix de Vincennes (Groupe 1). En prolongement, on lui est redevable d’un quatuor de chevaux ayant dépassé les 500.000 euros de gains, en plus du susnommé Ave Avis, qui est quasi millionnaire. Il s’agit du trotteur étranger Caballion 1’12’’ (638.781 euros), de Bolide Jénilou 1’11’’ a.-m. (527.605 euros), de Trophée de Jaba 1’11’’ (524.490 euros) et de Boston Terrie 1’10’’ m. (500.602 euros).

Sans avoir bénéficié de la meilleure et de la plus nombreuse jumenterie, car n’ayant pas un profil génétique dans l’air du temps, Késaco Phédo s’en va, à l’âge de 25 ans, fort d’une production ayant amassé, à ce jour, quelque 17 millions d’euros. Il laisse derrière lui plusieurs fils étalons et des mères, bien sûr, dont le rôle pourrait être déterminant dans la suite donnée à son influence et à la pérennité de celle-ci.
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Késaco Phédo avec Jean-Philippe Mary, remportant le Prix de Vincennes

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