Ready Cash, des plumes pour tomber le masque
Ce n'est pas le simple événement du moment, propulsé par nécessité en une de l'actualité hippique. Mais plutôt à un tremblement de terre de magnitude 7 sur le pays trotteur que porte avec elle la disparition de Ready Cash, hier (mercredi 9 août). Le jour du soleil noir pour reprendre le titre initial de la série à succès XIII. Parler de Ready Cash, c'est toucher à une idole. Et on ne touche pas une idole sans risquer de se brûler. Comment aborder le monument et sa disparition sans virer au simple applaudissement convenu ? En l'approchant par différentes voies, en laissant s'exprimer diverses sensibilités. C'est un Ready Cash à voix multiples que nous vous proposons de découvrir dans ce numéro. Des voix exclusives qui lancent toutes ensemble une ode panégyrique au monstre sacré.
L'éclectisme est de mise pour évoquer de Ready Cash (Indy de Vive). Toutes nos plumes connaissent le champion, de près ou de plus loin, mais toutes cultivent une même passion à son endroit.
Sa verve et son style n'appartiennent qu'à lui. Christophe Donner*, écrivain, chroniqueur passionné des courses et proche de l'entourage de Ready Cash, a accepté de nous partager ses sentiments au lendemain du jour du soleil noir. La force intranquille guide ses pensées, la force de l'animal mais aussi le rôle des hommes (et femmes). "Ce sont toujours les hommes qui font les chevaux" lance-t-il, pour parler des acteurs qui ont accompagné le crack.
Jean-François Henocq est un homme de l'ombre devenu homme de pouvoir grâce à Ready Cash. Il a cru en lui et a investi sur lui. Tant et plus. Pour devenir avec un associé un porteur de parts influent. "Ready Cash était l'étalon ultime". Un témoignage rare et précieux recueilli par Fabien Cailler.
La prise de recul ne refrène pas l'enthousiasme. Et surtout pas l'envie de parler d'un champion qu'il a bien connu et côtoyé. Le journaliste hippique François Hallopé revient sur l'improbable destin de Ready Cash sous la formule "Qui aurait pu croire ?"
Contributeurs permanents de 24h au Trot, Pierre Champion et Willy Flambard analysent de leur côté les apports dans le domaine de l'élevage national et international du sire du haras de Bouttemont. Il est question d'entreprise qui ne connaît pas la crise avec Ready Cash et de marque de légende. Voici donc des papiers croisés pour effleurer le monstre sacré. Bonne lecture.
*Christophe Donner a écrit "Ready Cash" aux éditions Actes Sud et a réalisé un documentaire "Ready Cash, l'étalon du siècle" (à retrouver par ce LIEN)
Ready Cash, la force intranquille
Par Christophe Donner
Pour savoir à quelle espèce de cheval on a affaire, disait Pierre Allaire, il faut d’abord écouter son cœur. De fait, les jours de ventes à Deauville, on le voyait toujours, son catalogue sous le bras, sa « pince à douleurs » dans une main, son stéthoscope dans l’autre. Un papier l’intéressait, il s’approchait du box, demandait à entrer. On ne pouvait rien lui refuser. On faisait silence. Le cheval lui-même n’osait plus toucher sa paille. Pierre Allaire posait la pastille de son stéthoscope sous le poitrail du poulain et il écoutait le cœur. Après ça, si affinités, il se livrait à divers examens à base d’étirements, de palpations diverses, avec ou sans sa pince, tout en discutant avec le lad. En discutant de choses et d’autres. Il n’avait pas besoin de poser la pastille de son stéthoscope sur la poitrine du lad, pour écouter le cœur du lad et savoir ce qu’il ressentait à l’idée de voir partir son cheval. Au chagrin du lad, il mesurait la valeur du lot.
Pensez-vous que Pierre Allaire avait besoin d’écouter le cœur de
Ready Cash pour savoir si c’était un crack ?
Regarder Philippe Allaire, et l’écouter parler, de choses et d’autres, lui suffisait pour établir son diagnostic.
De la même façon, quand Pierre Tébirent, l’éleveur de
Ready Cash, qui l’avait donc vu naître, grandir, devenir dès les premières semaines ce phénomène d’énergie, dès les premiers mois cette force de la nature, cette folie physique qui le poussait durant des nuits entières à littéralement labourer son paddock à force d’allers et retours le long de la barrière, quand Pierre Tébirent, se demandant s’il n’avait pas affaire à un danger public, à un ennemi de cette vie tranquille qu’il avait choisie en quittant la Normandie trop froide, trop pluvieuse pour son âge, pour aller s’installer en Mayenne, peinard, pensait-il, prêt à tout, mais sans l’anxiété de la folle ambition d’un de ces miraculeux prix d’Amérique qui n’arrivent qu’aux autres, quand Pierre Tébirent, un homme d’une certaine taille, d’une force certaine, en faisant monter son poulain aux origines quelque peu hasardeuses, au sens de fruit du hasard, pas mauvaises origines, mais un peu baroques, insolites, la preuve cette taille, cette morphologie, cette puissance hors normes, à dix-huit mois, quand Pierre Tébirent, pas tranquille, en le faisant monter, disais-je dans le van, et en route pour le centre d’entrainement de Philippe Allaire, Pierre Tébirent ne savait pas, comme à la guerre, si son cheval serait un crack ou un zéro, s’il trahirait ses rêves ou pas. C’est seulement quand Philippe l’a appelé… était-il encore au sulky du cheval ? Avait-il besoin de parler à Pierre Tebirent, là, tout de suite, après le premier heat, ses cinq cents premiers mètres de folie, avait-il encore les rênes à la main, quelle imprudence, tant pis, fallait qu’il l’appelle, son ami de vingt ou trente ans, à bricoler, vendre, acheter en réclamer, élever, entraîner, perdre, gagner, reprendre, refaire faillite, se faire avoir, et repartir, hardis, joyeux, en copains d’infortune, il fallait au nom de toutes ces années qu’il ne tarde pas de lui annoncer quelque chose de simple : «
Tu as le cheval de ta vie », et pas d’adjectifs superfétatoires, pas de cris, la phrase simple et sans faux lyrisme, beaucoup plus courte que celle que je viens de donner. La phrase que rêve d’entendre tout propriétaire quand son entraineur l’appelle.
D’autres versions circulent, Philippe aurait dit : «
Tu m’as envoyé le cheval de ta vie. » Possible.
Ce que Philippe lui annonce, Pierre Tébirent l’avait vu, il eût fallu qu’il fût aveugle ou éleveur de rien du tout pour ne pas le voir, au bout de dix-huit mois passés à se mirer dans la robe de son poulain. Il l’avait vu mais il ne le savait pas. Parce que, justement, ce sont les hommes qui font les chevaux courses, pas la nature, et si Pierre Tébirent a sa part dans la fabrication du champion (ne pas avoir craint la force de l’animal, ne pas avoir tenté de la brider, et maintes autres choses qu’il aura la modestie de ne pas révéler), il savait aussi qu’il fallait à son cheval un homme comme Philippe Allaire pour en faire un crack.
D’ailleurs, trois ans plus tard, à l’issue d’une défaite relevant du complet contresens, de l’insulte à la logique du sport qui exige au bout d’un moment que le meilleur gagne, c’est ce même Philippe Allaire qui comprend qu’il faut un autre homme que lui-même, en l’occurrence Thierry Duvaldestin pour faire de son crack le vainqueur des courses qu’il méritait de remporter. Ce sont toujours les hommes qui font les chevaux, et je place évidemment les femmes dans le terme générique d’homme, certaines ont d’ailleurs jouer leur partition dans cette histoire, les sœurs Kowal du haras de Rollon, pour ne parler que des plus fameuses.
Le prodige de
Ready Cash tient à un rare phénomène qui dépasse la génétique, l’astrologie et toutes les sciences du comportement animal, c’est le passage entre trois hommes, Tébirent, Allaire, Duvaldestin, qui n’ont pas eu peur de la force intranquille de l’animal. A partir de là, un artiste nommé Franck Nivard, a emballé le travail, du bout des doigts, et sans coup férir.
©ScoopdygaReady Cash : qui aurait pu croire ?
Par François Hallopé
Jamais, on aurait pensé qu’un cheval de courses de trot puisse autant apporter à son entourage direct, à celles et ceux qui ont veillé sur lui pendant toute sa formidable carrière de courses et aux éleveurs lui ayant fait confiance, de part le monde entier.
Ready Cash a en effet cassé bien des codes : il n’était pas né tout d’abord en Normandie mais dans le Nord Mayenne, étant élevé par deux associés alors inconnus du sérail, la famille Tébirent (éleveur à 52% et la famille Berthou (48%)). Son auteur paternel,
Indy de Vive, n’avait pas plus tutoyé les courses classiques, connaissant trop de problèmes de santé, avant de ne disparaître prématurément au haras après deux saisons de monte complète et une troisième année écourtée (seulement deux produits chez les "V". Son croisement faisait apparaître un inbreed 4x4 sur Florestan et un peu plus de 32% de jeune sang standarbred, via également
Viking’s Way,
Kimberland et
Workaholic.
Sur un ring de ventes, yearling,
Ready Cash n’aurait certainement pas battu les records d’enchères que ses fils et filles ont battu par la suite. Le nombre de ses produits ayant dépassé la barre des 100.000 euros aux enchères publiques, en France comme à l’étranger, se compte par dizaines sans omettre celles et ceux qui se seront vendus à l’amiable, à l’âge yearling ou à leurs débuts de carrière de courses. On pense bien évidemment dans ce dernier cas, à
Bold Eagle et
Face Time Bourbon, ayant - comme leur auteur - gagné chacun deux Prix d’Amérique et une foultitude de Groupes 1.
Vu les relations amicales de longue date entre les familles Allaire et Tébirent, il était logique que
Ready Cash atterrisse, en 2006, dans les boxes de Philippe, alors installé à Grosbois. Il n’était, en revanche, guère dans les codes de la profession que le champion aux trois Groupes 1 conquis à l’âge de 3 ans (2008), ayant effectué sa première saison de monte en 2009, passe à l’été 2010 dans les boxes d’un confrère pour changer d’un environnement parisien au calme de la Normandie. Retrouver le fils d’Indy de Vive sous la casaque de Philippe Allaire entraîné par Thierry Duvaldestin relevait d’une gageure, était le témoignage d’une marque d’humilité de la part du premier cité et correspondait à un formidable challenge pour les deux professionnels.
Ce défi a été relevé au-delà des objectifs les plus insensés puisque
Ready Cash, dans la "partie 2" de sa carrière, a glané six Groupes 1 supplémentaires (Prix d’Amérique x2, Prix de France x2, Prix de Paris, Grand Prix de Wallonie), et terminé deuxième d’un nouveau Prix d’Amérique et d’un Prix de Paris… Soit un total de 4,28 millions d’euros de gains qui lui vaudra de devenir le Trotteur Français le plus riche de l’histoire, avant de ne se faire dépasser quelques années plus tard par
Timoko, puis par son fils
Bold Eagle.
Autre singularité de ce palmarès unique, il a été réalisé par un cheval ayant toujours couru ferré des antérieurs. Les rares fois où son entourage tenta de le courir pieds nus,
Ready Cash se mit en effet à la faute. Malgré ce handicap (le poids est l’ennemi de la vitesse), le champion courra à six reprises dans la réduction kilométrique d’1’10 et fractions. Impressionnant !
Et que dire de ses talents de géniteur : ils sont à couper le souffle ! Depuis sa première année de production, celle des "A",
Ready Cash aura donné dans chacune de ses promotions des lauréats de Groupe, en France comme à l’étranger, dont trois lauréats de cinq Prix d’Amérique (
Bold Eagle et
Face Time Bourbon déjà cités plus haut, mais encore Readly Express), deux vainqueurs de trois Prix de Cornulier (
Flamme du Goutier par deux fois et
Traders), auquel il faut ajouter douze autres Trotteurs Français lauréats de classiques. Au total, ses produits TF vont atteindre dans les semaines à venir la barre des 70 millions d’euros, et ses rejetons labellisés "étrangers" le seuil des 20 millions… Et que dire de son pourcentage de qualifiés, stratosphérique, de 72 %, enregistré sur ses 955 produits de 2 ans et plus en âge de passer aux qualifications.
Que dire encore de la moyenne des gains de ses produits qualifiés, puisque toutes générations confondues, celle-ci dépasse le cap des 100.000 euros !
Pour toutes ces raisons,
Ready Cash laissera une trace indélébile dans nos cœurs de passionnés de courses et d’élevage et ce, pour longtemps. A lui seul, il aura relégué aux livres d'histoire les
Carioca II,
Sabi Pas,
Kerjacques et
Chambon P réunis… À lui seul, il aura fait le bonheur et la richesse d’éleveurs ayant eu le "pif" de lui faire confiance, soit en achetant des parts quand il fut syndiqué (sur la base de 37.500 euros, le plus beau placement de l’histoire de la syndication), soit en lui faisant confiance à ses débuts, soit en prenant le risque de débourser 50.000 euros pour s’offrir l’un de ses services.
Ready Cash, ses fils et ses filles,
une entreprise qui ne connaît pas la crise
Par Pierre Champion
Plus encore que sa carrière de compétiteur – déjà remarquable, comme on a eu le loisir de le rappeler –, c’est la carrière d’étalon de Ready Cash qui le situe hors des normes. D’abord en tant que père de vainqueurs, puis en tant que père de pères et père de mères, au travers d’une réussite qui s’ouvre au monde, qui plus est, telle une entreprise de pointe et ses filiales. Du jamais vu dans l’histoire du trotteur français.
À ce jour,
Ready Cash (Indy de Vive) a été sept fois tête de liste des pères de gagnants, en France, de 2016 à 2022. D’autres ont fait mieux que lui par le passé, à commencer par
Fuschia, quatorze fois numéro un et chef de race de notre stud-book, ou encore
Conquérant, neuf fois couronné, et
Intermède, le père de la légendaire
Uranie, qui compte onze citations, à l’instar de
Kerjacques, tandis que
Chambon P, le fils de celui-ci, fut à l’honneur à neuf reprises.
Cinq Prix d’Amérique et trois Prix de Cornulier, en six ans
Mais aussi brillants furent-ils, ces géniteurs phares n’ont pas réussi les exploits menés à bien par
Ready Cash, soit cinq Prix d’Amérique gagnés, en six ans, en six productions, par trois de ses produits (
Bold Eagle x 2,
Readly Express,
Face Time Bourbon x 2), et trois Prix de Cornulier enlevés par deux d’entre eux (
Traders,
Flamme du Goutier x 2). Ajoutons que tous les Critériums français sont au palmarès de sa progéniture, dont le Critérium des 5 Ans, à l’arrivée duquel, en 2020, les trois premières places sont prises par autant de chevaux nés de ses oeuvres, à savoir
Face Time Bourbon,
Feliciano et
Flamme du Goutier. Quant aux tirs groupés aux deux premières places, dans les Groupes 1, ils sont au nombre de quatre, en France, de
Bold Eagle et
Brillantissime, dans le Critérium des 3 Ans, en 2014, à
Feeling Cash et
Flamme du Goutier, dans l’édition 2020 du Prix des Elites, en passant par
Django Riff et
Dawana, dans le Prix Albert Viel 2016 et, cerise sur le gâteau, par
Readly Express et
Bold Eagle, dans le Prix d’Amérique 2018. Ils se complètent de deux réussites identiques à l’étranger, dans le Grand Prix d’Åby, en Suède, en 2018, via
Readly Express et
Reckless, et, plus significativement encore, peut-être, dans le Harry M. Zweig Memorial, aux Etats-Unis, en 2020, par l’entremise de
Ready for Moni et
Back of the Neck, tous deux classés, peu de temps auparavant, aux deuxième et troisième places du légendaire Hambletonian.
Les produits millionnaires de Ready Cash
➤ 9 millionnaires en euros en France
Bold Eagle (5.124.087 €), Face Time Bourbon (3.392.880 €), Bird Parker (2.125.905 €), Flamme du Goutier (1.598.840 €), Django Riff (1.350.747 €), Arlington Dream (1.209.800 €), Bugsy Malone (1.142.380 €), Feeling Cash (1.120.080 €), Italiano Véro (1.059.150 €)
Par comparaison, Love You, un aîné de six ans, deux fois tête de liste des étalons en France avant la prise de pouvoir de Ready Cash, n’en est qu’à quatre millionnaires français en euros (Bélina Josselyn, Quaker Jet, Royal Dream, Qualita Bourbon), auxquels on peut ajoute la danoise au sang national Uza Josselyn.
➤ 2 millionnaires en euros au passeport étranger
Le suédois Readly Express (2.367.403 €)
L’italien Traders (1.388.400 €)
Bold Eagle, le fils le plus riche en courses de Ready Cash
© ScoopDyga Un étalon pionnier
C’est que la réussite et l’influence d’étalon de
Ready Cash n’ont pas de frontières. C’est en cela qu’il est un reproducteur pionnier, novateur. Le siège de l’entreprise est en France, bien sûr, mais les succursales en sont mondiales.
Ready Cash aura encore des produits à lui qui vont briller. Les derniers naîtront en 2024 et il y a le potentiel représenté par les promotions 2021, 2022 et 2023. Mais ses fils sont, d’ores et déjà, en action et essaiment dans toutes les directions, tels
Djali Boko (d’où
Lara Boko),
Bold Eagle (père d’
Aetos Kronos,
Green Grass et autres
Jushua Tree), Bird Parker (géniteur d’
Hussard du Landret,
Idéale du Chêne et
Izoard Védaquais),
Brillantissime (d’où
Hokkaido Jiel,
Intuition,
Danish Melody…),
Readly Express (auteur de
Calgary Games,
Honey Mearas,
Dancinginthedark M…),
Charly du Noyer (père d’
Helgafell),
Django Riff (d’où
Jazzy Perrine) et
Victor Gio (géniteur de
Deus Zack). Il faut mentionner aussi son tout premier continuateur,
Atlas de Joudes, qui se recommande des classiques
Gala Téjy et
Infant Perrine, ainsi que le contemporain de celui-ci,
Alto de Viette, remarqué récemment, à un intéressant rapport qualité-prix, via
Ialto d’Hertals,
Jean Balthazar et ses 2 ans.
"Le siège de l’entreprise est en France, mais les succursales en sont mondiales."
En lignée mâle, mais aussi en ascendance maternelle
Les filles de
Ready Cash ne sont pas en reste par rapport à ses fils, étant les mères, à l’heure où nous écrivons ces lignes, d’une dizaine de lauréats de Groupe 1 à travers le monde. Ceux-ci se nomment
Hohneck (Elitloppet 2023),
Havana d’Aurcy,
Ici C’Est Paris,
In the Money,
J’Aime le Foot,
Just A Gigolo,
San Moteur,
Diletta Axe et le millionnaire en dollars, Cuatro de Julio.
Une production éclectique
On ne conclura pas sans souligner l’éclectisme de
Ready Cash, qui, s’il est, majoritairement, l’auteur de grands performers attelés, n’en compte pas moins, parmi ses trente-six vainqueurs de Groupe 1, une demi-douzaine qui se sont imposés sous la selle, soit
Bird Parker,
Traders,
Eiffel Tower,
Feeling Cash,
Flamme du Goutier et
Happy and Lucky.
Deux générations dorées
■ les "B" (nés en 2011) : 62 qualifiés (sur 85 produits – 72,9 %) pour un total de gains en France de 14.134.907 € : 227.982 € / qualifié
■ les "F" (nés en 2015) : 68 qualifiés (sur 83 produits – 81, 9%) pour un total de gains en France de 12.955.773 € : 190.526 € / qualifié
© ScoopDygaReady Cash au haras de BouttemontReady Cash : plus qu’un cheval,
une marque de légende
Par Willy Flambard
Rarement la réussite d’un seul cheval aura entraîné avec elle le développement de toute une infrastructure. C’est pourtant bien ce qu’ont réussi à faire avec Ready Cash Philippe Allaire et son entourage. Le Haras de Bouttemont, lancé en 2011, s’est tout de suite labellisé "Home of Ready Cash". Un choix qui n’était pas sans risque en cas de défaillance de la locomotive. Les premiers Ready Cash n’étaient alors que yearlings.
L’ampleur de la réussite de ses premières productions a vite balayé tous les risques pour ne garder que les bénéfices. Un tel scénario est de l’ordre de la pure exception. Au galop, il y a bien sûr l’exemple réussi de Coolmore, dont le rayonnement a été démultiplié avec
Sadler’s Wells (Northern Dancer). L’étalon phénomène des années 1990 aura tout donné au consortium irlandais. Des champions à la pelle et des continuateurs certifiés dont le premier de cordée est bien sûr
Galileo qui endossa l’habit du meilleur étalon européen dans les années 2000.
Le parallèle vaut d’ailleurs avec Bouttemont qui a tout de suite misé sur la continuité en pariant aussi sur les fils de
Ready Cash. Et est rapidement devenu "Home of Ready Cash and sons", sa signature d’aujourd’hui.
Une empreinte énorme
Ready Cash est une marque qui pèse lourd dorénavant. Et pèsera sans doute encore un peu plus dans l’avenir proche jusqu’à ce que le risque de saturation, déjà pointé et annoncé, ne vienne obliger ou contraindre l’industrie de l’élevage à chercher ailleurs.
La saison de monte qui s’est clôturée il y a quelques semaines a apporté une nouvelle pierre à l’édifice de l’empreinte de la marque
Ready Cash [lire notre
édition du 12 juillet]. En France, au printemps 2023, 33 fils de
Ready Cash ont été actifs comme étalons. Un contingent auquel il faut encore ajouter 12 petits-fils en lignée mâle. Dès lors que l’on raisonne en volume cumulé d’activité, voici donc ce que "pèse"
Ready Cash dans la dernière saison :
■ 114 saillies par lui-même,
■ 2.725 juments par ses fils,
■ 809 par ses petits-fils.
Soit un total de 3.648 saillies (28,4 % des 12.852 juments déclarées saillies)
[données du 11 juillet 2023].
Ready Cash a essaimé partout dans le monde. Avec
Readly Express, il a installé en Suède son ambassadeur étranger le plus prisé. Et déjà l’histoire s’écrit à son avantage avec l’apparition du phénomène
Calgary Games, un fils de
Readly Express, propulsé au rang d’idole nationale. En 2022,
Ready Cash occupait par lui-même la troisième place du classement suédois des meilleurs étalons (derrière
Maharajah et
S.J.’s Photo) et
Readly Express la cinquième.
La star française va imprégner durablement les stud-books scandinaves. De là, on peut dire qu’il est partout en Europe. Souvent par ses fils, plus accessibles que lui. En Belgique,
Bird Parker et
Brillantissime sont dans le top-5 de 2022. En Finlande, c’est
Djali Boko qui le représente dans le top-5. En Italie,
Victor Gio joue son rôle aussi. Nous le connaissons chez nous comme père de
Deus Zack.
Sur tous les continents
Love You avait ouvert la voie,
Ready Cash le suit en la matière. On trouve des champions de
Ready Cash partout dans le monde. En Australie,
Always Ready a remporté deux Groupes 1 et collectionné les accessits au même niveau. Aux Etats-Unis, les duettistes finalistes et placés de l’Hambletonian,
Ready For Moni et
Back of The Neck, sont passés au haras.
Dans le volet ventes,
Ready Cash n’a plus à faire ses preuves en Europe. Chez nous, il réalise tous les ans les tops deauvillais sur le marché des yearlings. De l’autre côté de l’Atlantique,
Ready Cash s’est aussi fait un nom dans les catalogues de ventes. Trois de ses produits sont ainsi passés dans le book de sélection de Lexington. Tous ont été vendus :
▪️ 2020 : 1 pouliche (
Ready Donna) pour 110.000 $,
▪️ 2019 : 1 mâle (
Ivanhoe Sisu No) pour 160.000 $,
▪️ 2018 : 1 mâle (
Ready For Moni) pour 220.000 $.
L’an dernier, le catalogue de Lexington proposait quatre descendants de
Ready Cash, dont deux fils de
Face Time Bourbon, et un fils de la française
Clarabelle, lequel a fait afficher 360.000 $.
Une marque sous forme de garantie commerciale
Ce sont les prouesses sportives et sur les rings des produits de
Ready Cash qui ont poussé vers le haut le prix de saillie de nombre de ses fils. Quand le père était inabordable (pour des raisons financières ou de disponibilité), le repli vers sa descendance a créé un effet spéculatif, gonflé par le processus de syndication. En décembre 2018,
Face Time Bourbon est syndiqué à 80.000 € la part, avant même son titre dans le Critérium des 3 Ans (Gr.1), alors que le duo
Fabulous Wood et
Follow You est offert simultanément à 100.000 €. Tous sont des fils de
Ready Cash.
© ScoopDygaCourtier, prestataire de conseils et de management, Christian Le Barbey (International Trot Services - ITS) analysait cette tendance dans Trot Infos en 2019 :
"La réussite de Ready Cash a un effet de surenchère sur la spéculation. Preuve en est le prix des syndications de quelques-uns de ses fils (…) Y compris dans le pur-sang, on ne trouve pas en France d’étalons démarrant la monte à des tarifs allant de 15 à 20.000 €. C’est pourtant ce à quoi nous assistons dans le trot, sans parler des saillies vendues "cash" qu’il convient d’assurer." Même analyse sur le fond de son confrère Thomas Bernereau :
"Le développement de la syndication a participé à l’augmentation des prix de saillie et à faire évoluer leurs conditions, certains étalons travaillant à la réservation, ce qui n’existait pas auparavant. La loi de l’offre et de la demande sur Ready Cash et ses fils contribuent à cette inflation, avec une vraie spéculation. J’estime la proportion de détenteurs de porteurs agissant en purs financiers entre 30 et 40 %, recherchant la rentabilité à court terme sur leurs placements." La marque
Ready Cash a, de ce point de vue, largement bousculé le paysage de l’élevage des dix dernières années, boostant l’effet spéculatif de la syndication sur l’ensemble du parc français.
Plus actuel que jamais
Cela pourrait surprendre, tant les jeunes étalons de talent et soutenus sont à la manœuvre,
Ready Cash est encore en tête avec la génération des 2 ans, les "L", en nombre de qualifiés. Il comptabilise actuellement 32 produits homologués à courir (40 % de ses 80 produits répertoriés en 2021).
Face Time Bourbon (27 qualifiés) doit encore s’incliner devant son père.
Quant au classement en cours, il place évidemment largement en tête
Ready Cash. Les gains de ses produits en courses ont dépassé en 2023 les 4 millions d’euros (4.154.435 € au 9 août) alors que ceux de son premier dauphin
Booster Winner n’ont pas encore atteint 3 millions d’euros (2.966.490 €). Le huitième titre est évidemment acquis et d’autres encore dans sa suite. La marque
Ready Cash est partie pour durer.
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Témoignage exclusif
propos recueillis par Fabien Cailler
Jean-François Henocq : "Ready Cash a changé ma vie !"
Vous ne le connaissez peut-être pas et nous le remercions de sa confiance à 24h au trot pour se confier. Il faut dire qu’il est plutôt d’un naturel discret. Pourtant Jean-François Henocq aura été l’un des acteurs les plus importants dans la vie, disons économique, de
Ready Cash. En duo avec un associé, il a détenu jusqu’à 23 parts de l’étalon
Ready Cash à deux et les initiés l’appellent régulièrement
"Monsieur Ready Cash". Il ne s’en cache d’ailleurs pas,
"Ready Cash a littéralement changé ma vie, professionnellement et personnellement". Ce passionné de la chose hippique depuis son plus jeune âge dans les pas de son père, modeste éleveur du Nord de la France, a certainement été le premier "extérieur" à tant croire en
Ready Cash. Il raconte :
"Dès le début, sur les conseils d’Emmanuel Leclerc, lequel m’a incité à acheter alors que je n’étais pas plus convaincu que cela à vrai dire, j’ai acheté une part d’étalon de Ready Cash. La somme de 37.500 € était déjà sérieuse au regard des autres étalons syndiqués. Et puis, au fil des ans et des opportunités, je n’ai jamais cessé d’acheter des parts, soit en préemptant, soit en faisant affaire directement. Avec mon associé, on a fini par en détenir plus d’une vingtaine à nous deux." Les premières années sont fructueuses et la valeur de la part dépassera les 200.000 € en l’espace de quinze ans.
"C’est exceptionnel, incroyable, inimaginable, quand on regarde a posteriori" concède Jean-François Henocq. Pour lui ces années sont particulièrement rémunératrices à tel point qu’il met entre parenthèses sa profession d’expert en immobilier pour se consacrer entièrement à la gestion de ses parts, tout en profitant de la vie offerte par les exploits de Ready Cash & Co. Jean-François Henocq sera à jamais reconnaissant de ce que lui aura apporté le crack de Philippe Allaire, d’autant que sa démarche s’est constamment voulue celle d’un
"investisseur éclairé, c’est-à-dire que je ne suis pas à un spéculateur pur, ayant un attrait pour les courses et les chevaux" précise le sexagénaire avant d’ajouter :
"D’ailleurs, après de nombreuses années à vendre les saillies, j’en ai utilisé quelques-unes en qualité d’éleveur." Ce qui confère à notre interlocuteur un profil tout à fait atypique quand on considère bien la dimension des affaires générées.
La disparition du crack a forcément été un choc :
"Il m’a tant apporté, ce fut un tel champion en piste et surtout au haras. Quand je pense par exemple que trois quarts des chevaux inscrits lors de la première soirée des ventes Arqana Trot présentent du sang de Ready Cash. Il est l’étalon ultime, à jamais, et je pense qu’on ne reverra jamais ça. Ensuite, je dois bien aussi le dire, ça change tout d’un point de vue économique pour quelqu’un comme moi, mais ce n’est qu’accessoire." Ready Cash est l’étalon ultime, à jamais.
Jean-François Henocq